Dossiers bâclés et favoritisme : les soupçons qui pèsent sur le fonds Marianne 

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Depuis ce mardi 16 mai, le Sénat se penche, au sein de la commission d’enquête parlementaire, sur la question du fonds Marianne qui agite la presse depuis plusieurs semaines. L’audition de Christian Gravel, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), acteur majeur de l’attribution des subventions aux côtés du cabinet de Marlène Schiappa, met en lumière les importants dysfonctionnements du fonds Marianne.

Un délai trop court

La procédure de création et d’attribution du fonds Marianne a-t-elle été menée à la hâte ? Au terme des trois heures d’audition de Christian Gravel au Sénat, il semblerait que le cabinet de Marlène Schiappa ait mené à la va-vite le lancement du fonds de lutte contre la radicalisation. Interrogé sur les questions de calendrier, le secrétaire général du CIPDR confesse lui-même que la temporalité a été « rapide ». Trop rapide, peut-être ? Détaillé en catimini le 13 avril 2021, lors d’un comité de programmation entre le cabinet de l’ancien ministre délégué chargé de la Citoyenneté et des membres CIPDR, le lancement du fonds Marianne est annoncé en grande pompe dans la presse dès la semaine suivante. Dans la foulée, le ministère de l’Intérieur – dont dépendait alors Marlène Schiappa - ouvre un appel à projets jusqu’au 10 mai 2021. Autrement dit, les associations volontaires n’ont que trois semaines pour en être informées, préparer leur dossier et postuler. « Le CIPDR avait proposé un autre calendrier avec un appel à projets du 1er mai à la fin du mois de juillet », précise Christian Gravel. Des délais plus longs pour permettre de « travailler dans des conditions optimales », explique-t-il. Et de conclure : « Mais le cabinet a demandé que ce temps soit accéléré et que toute la procédure tiennent sur cinq semaines. » Une accélération qui a pu porter préjudice à la qualité des candidatures.

En effet, des documents récupérés et dévoilés par Mediapart laissent apparaître des dossiers de candidature succincts, voire bâclés. L’Union fédérative des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), association bénéficiaire de la plus importante subvention du fonds Marianne, se serait ainsi contentée d’un seul feuillet lacunaire pour détailler ses motivations. Au paragraphe « Pourquoi un tel projet ? », l’association résume en seulement deux phrases son ambition, à savoir « apporter une réponse appropriée et efficace dans le cadre d’un contre-discours qui puisera son essence dans les valeurs de la République ». Ainsi, en plus de ses prestations jugées par de nombreux observateurs quasi inexistantes, l’USEPPM aurait par ailleurs négligé de soigner sa candidature. Face aux sénateurs qui s’inquiètent également de la faiblesse de ce dossier au regard du montant de la subvention promise, Christian Gravel assure que l’USEPPM a envoyé non pas une mais six pages de candidature. Autant de pages qui n’ont pas encore été transmises aux membres de la commission d’enquête parlementaire…

Quid du favoritisme ?

Mais, plus grave, l’audition du secrétaire général du CIPDR ne met pas fin aux soupçons d’accointances et de favoritisme dans l’attribution du fonds Marianne. Le haut fonctionnaire révèle ainsi que Mohamed Sifaoui, qui siège au sein de l’USEPPM, aurait été reçu par Marlène Schiappa à la fin du mois de mars 2021 et aurait été informé en amont du lancement du fonds Marianne. Selon les dires de Christian Gravel, le journaliste aurait même été encouragé à postuler. Par ailleurs, les sénateurs notent que la candidature de l’USEPPM a été envoyée directement dans la boîte mail du secrétaire général du CIPDR, contrairement à la procédure prévue pour l’appel à projets. Sur la question des critères de sélection, Christian Gravel rappelle, en outre, qu’au titre du régime des subventions, le choix des associations retenues appartient au pouvoir discrétionnaire du comité de sélection. Un pouvoir discrétionnaire qui explique notamment qu’aucun détail n’ait été communiqué sur les motivations de refus ou non des projets.

Les conclusions de la commission d’enquête parlementaire sont attendues pour le début de l’été. D’ici là, plusieurs auditions permettront de faire la lumière sur les manquements du fonds Marianne.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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