Douteux mariage d’ancien et de nouveau dans le parc de Sceaux

Le projet. © Domaine de Sceaux
Le projet. © Domaine de Sceaux

Pour qui veut remonter le temps et l’Histoire dans un bain de verdure, il y a Versailles, bien sûr, mais il y a aussi Sceaux. Un parc de 181 hectares, classé aux Monuments historiques. Ses parterres dessinés par Le Nôtre à la fin du XVIIe siècle, sur demande de Colbert ; l’Orangerie de Mansart, le pavillon de l’Aurore construit par Perrault, les douves de l’ancien château… le Grand Siècle dans toute sa splendeur.

Une folie du Grand Siècle

Et puis… et puis il y a un autre petit bijou dans le fond du parc, c’est le pavillon de Hanovre. Charmante folie de style Louis XV construite entre 1758 et 1760 par l’architecte Jean-Michel Chevotet, il ornait autrefois le jardin de l’hôtel particulier du maréchal de Richelieu, sur le boulevard des Italiens, quand Paris, au-delà de la Seine, n’était encore que jardins et palais.

Sur le site du domaine de Sceaux, on apprend que l’édifice, bien malmené au fil du siècle dernier, « fut maintes fois menacé de démolition ». Et c’est le classement de sa façade aux Monuments historiques qui lui valut d’être « remonté dans son état d’origine en 1932 à la lisière sud-ouest du parc de Sceaux ».

Voilà donc aujourd’hui ledit pavillon objet de toutes les attentions, puisqu’une enveloppe de 2,9 millions d’euros est enfin allouée à sa restauration. Mais pour quel devenir ?

La folie champêtre va devenir un bâtiment Janus. Douteux mariage d’ancien et de nouveau, le projet n’emporte guère, pour l’heure, l’enthousiasme des Scéens. Voici l’intention : « Cet édifice passe d’un rôle de façade unique mono-orientée, tel un simple panneau décoratif qui marque l’aboutissement et la fin du parc, à un véritable bâtiment actif et fédérateur, au rôle élargi d’entrée et de connexion entre le parc et la ville. » Et pour le faire émerger des frondaisons et l’offrir au public grâce à une surélévation, « au niveau du fossé, à l’arrière du bâtiment, il est proposé d’alléger la strate arbustive qui constitue un écran opaque entre l’extérieur et l’intérieur du parc ».

McDo ou Mansart ?

C’est savant, convenons-en, mais si le verbe est pompeux, on craint que le résultat ne soit plus proche de Ronald McDonald que de Jules Hardoin-Mansart.

D’un côté, la façade historique restaurée dans les règles de l’art, de l’autre « le revêtement métallique […] inspiré de motifs végétaux encadrera une large baie vitrée, orientée vers le nouvel écoquartier Central, créant ainsi un signal sur l’entrée ouest du parc ». La nouvelle destination du pavillon de Hanovre : héberger un restaurant. C’est pour le côté fédérateur, sans doute.

Interrogé par BFM TV, Julien Lacaze, président de l’association « Sites et Monuments », dénonce « une forme d’immodestie, presque de vulgarité » dans « ce télescopage entre une esthétique vraiment urbaine, que tout le monde connaît, qui est l’esthétique du loft, et celle d’un pavillon de jardin dans le parc de Sceaux, qui est quelque chose de très champêtre et qui n’a pas du tout été compris par les architectes ».

Par sûr que son analyse soit juste. Peut-être ont-ils très bien compris, au contraire, et peut-être ont-ils voulu casser l’esprit Grand Siècle dans un souci de « démocratisation », mal comprise, pour le coup. Autrement dit faire du nivellement par le bas alors qu'on pourrait, en effet, habiller ce pavillon de la plus élégante façon...

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Je m’attendais à lire les commentaires ci-dessous… Indépendamment de ce cas d’espèce (que je ne connais pas), j’engage tout le monde à avoir le recul nécessaire à tout lucidité.
    Il n’y a d’architecture QUE de son époque, quelle qu’elle soit. Tout pastiche d’un style dépassé est une injure à l’architecture et, forcément, un ratage :
    – Notre Dame de Paris ? ultra moderne à l’époque, les « bien pensants » voulaient la démolir pour revenir au bon vieux style roman.
    – Château de Versailles : ultra moderne à l’époque, en rupture complète avec le petit château d’origine.
    – La Tour Eiffel ? Ultra moderne à l’époque. Rappelez-vous le groupe d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels français, dirigé par l’écrivain Guy de Maupassant, qui avait lancé une pétition pour que la Tour Eiffel soit démolie, «monstruosité inutile» et « offense à l’architecture française traditionnelle ».
    Même chose pour l’architecture « art nouveau », puis « art déco », et aussi « art rationaliste » (la villa Savoye de Le Corbusier est classée « monument historique »).
    Approuveriez-vous une loi imposant que les voitures françaises aient l’aspect des Citroën 15 « traction » d’avant guerre, au nom du respect de la tradition ? Non bien sûr, vous trouveriez ridicule de bloquer ainsi toute conception contemporaine.
    Alors prenons du recul et aimons l’art en le faisant vivre, non pas en le momifiant.

  2. Delon est né à Sceaux et ce monument du cinema s’est éteint quand le parc de cette ville va subir les assauts de la laideur du déconstructivisme mondialiste .
    Ils veulent habituer les jeunes générations à voir cohabiter les objets en ferraille d’inspiration industrielle ,tout comme les éoliennes tout cela avec des paysages bucoliques .
    C’est un très beau parc avec une magnifique perspective face au château où ma fille avait fait ses premiers pas d’enfants.
    Il faut qu’il garde son caractère champêtre et familiale .

  3. Idem concernant la pyramide du Louvre qui casse l’équilibre architectural d’origine de cette grande place …
    Si on voulait améliorer l’entrée de la lumière dans le musée, il y avait d’autres solutions au ras du sol sans gâcher la perspective!

  4. Typique de notre époque, qui a définitivement perdu le sens de l’esthétique. Après Beaubourg et la fondation Vuitton dans le jardin d’acclimatation, après le projet de vitraux contemporains à ND, contraire à la charte de Venise, on continue à enlaidir ce qui faisait la beauté de l’architecture française, qui a tellement rayonnée dans le monde.

  5. Pourquoi changer ce qui honore notre passe. A moins de vouloir rompre avec nos racines et imposer des »béquilles ».

  6. Pour info : la moitié sud du Parc de Sceaux appartient à la commune d’Antony et non à la commune de Sceaux. Il faut donc se demander ce que pensent de ce projet les habitants d’Antony.

  7. Comme dans tous les domaines où la macronie met la main, le vulgaire s’impose au détriment du respectueux. Besoin d’afficher leur défaut d’imagination, de l’adosser à ce qui peut les mettre en valeur. Macron le premier de cordée en cette matière comme dans tant d’autres (cf sa gestion de l’énergie), dont ce besoin de s’afficher dans les vitraux de Notre Dame. Le mollusque a besoin de supports.

  8. Ce n’est pas une manie mais un lent process de destruction de la France et de son patrimoine par des frustrés incapable d’être à la hauteur de ceux qui ont bâti la France

  9. Avec une telle enveloppe (2.9 millions d’Euros), ne pouvait on pas faire quelque chose de plus harmonieux? Mais, il est vrai que la France n’est pas endettée et que le laid fait parti intégrante du mode actuel de pensée.

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