Le drapeau de la discorde
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Nous avons, en France, le goût des disputes picrocholines, des querelles autour d’une tête d’épingle, bref, des chicaneries vétilleuses qui font le sel de notre vieille anthropologie gauloise. En l’occurrence, l’affaire est chargée de symboles et Dieu sait que les symboles sont déterminants en politique.
En l’espèce, donc, il s’agit d’un drapeau européen que le sans-culotte Mélenchon veut voir disparaître de l’Assemblée nationale. À peine élu, notre tribun insoumis avait vertement fustigé la présence de l’étendard marial d’azur à douze étoiles d’or : "Franchement, on est obligé de supporter ça ? Attends, c'est la République française, ici, c'est pas la Vierge Marie. Je comprends pas", fulmina-t-il devant une kyrielle de journalistes, lors de son entrée dans l’Hémicycle. C’était en juin dernier, autant dire une éternité dans notre époque bougiste et instantanéiste enrégimentée sous la férule d’un présent tyrannique.
Le 29 septembre dernier, la Méluche et ses insoumis déposent un amendement autour de la modification du règlement de la chambre basse, ainsi libellé dans un article unique : "Seuls peuvent être présents dans l’Hémicycle le drapeau tricolore de la République française, au titre de l’article 2 de la Constitution, et le drapeau de l’Organisation des nations unies, symbole de l’engagement international de la France pour le multilatéralisme et la paix." Dans l’exposé des motifs, et sans crainte du ridicule, ils justifient : "La France n’est pleinement en phase avec son projet politique historique d’indépendantisme et de promotion de la paix que si elle dépasse tout ancrage régional et zonal pour seulement aspirer à soutenir et construire la concorde mondiale."
À ce stade, l’on doit très sérieusement se demander à quoi peuvent bien servir ses insoumis en peau de lapin, tellement enivrés de leur républicanisme robespierriste sectaire qu’ils en perdent, autant par fière inculture que crétinisme étroit, toute cohérence idéologique, en confondant le mondialisme américano-européo-onusien de Macron à Juppé et l’internationalisme de leurs lointains prédécesseurs, qui ne concevaient l’unité des prolétaires de tous les pays qu’à partir, exclusivement, de leurs nations respectives.
Bravache, la députée du Vaucluse Marie-France Lorho, qui a remplacé le maire d'Orange Jacques Bompard (Ligue du Sud), a renchéri en proposant de pavoiser le drapeau blanc aux côtés du drapeau tricolore, au prétexte de "saisir l’occasion de la réconciliation mémorielle de la France avec son histoire. Ainsi, unir les deux drapeaux serait le signe d’une Nation forte, assumant sa construction et son présent. On pourra s’inspirer du drapeau utilisé lors de la Restauration."
Le comte de Chambord a dû se retourner dans sa tombe, lui qui avait appendu son accession au trône au maintien inconditionnel de cette oriflamme qu’il ne pouvait se résoudre à voir "arracher de ses mains, l’étendard d’Henri IV, de François Ier et de Jeanne d’Arc", celle qu’il estimait avoir "reçue comme un dépôt sacré du vieux Roi [s]on aïeul, mourant en exil, [qui] a toujours été pour [lui] inséparable du souvenir de la patrie absente, [qui] a flotté sur [s]on berceau et [souhaitant] qu’il ombrage [sa] tombe".
Pour l’heure, gageons qu’entre le drapeau de l’ONU, celui à fleurs de lys et celui de gueules estampillé de la faucille et du marteau, nos compatriotes, sans doute pas encore assez préparés pour une Restauration et peu enclins, surtout en ce centième anniversaire de la révolution d’Octobre, à vivre les délices concentrationnaires du socialisme réel, sauront sagement conserver l’actuel drapeau national qui combine trois couleurs historiquement et politiquement évocatrices.
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