« Droit à mourir dans la dignité : c’est de la sémantique ! »
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Le 18 janvier dernier, Mme Buzyn, ministre de la Santé, lançait les États généraux de la bioéthique, placés sous la responsabilité du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Le professeur Bernard Debré, ancien ministre, ancien député, donne sa position sur la question de l'euthanasie. Pour le médecin qu'il est, les lois en vigueur actuellement sur la fin de vie sont de bonnes lois. Il appelle à réfléchir sur ce que veut dire "mourir dans la dignité". Qu'est-ce que la dignité ?
Il y a cinq ans, vous faisiez partie de ceux qui manifestaient une grande opposition à l’euthanasie. Quelle est votre position aujourd’hui ?
Je n’ai pas changé d’avis. Je pense que les lois qui sont passées en 2004 et 2012 sont bonnes. Pour nous, médecins, l’acharnement thérapeutique est inacceptable, c’est évident.
Quand on ne s’acharne pas, ce n’est pas de l’euthanasie, c’est justement accompagner quelqu’un qui est en train de mourir ou qui est en fin de vie. On va aider ce malade à ne pas souffrir, quitte à lui donner un certain nombre de médicaments qui l’endorment. Nous l’avons toujours fait, car c’est notre rôle de médecin de ne pas laisser souffrir les gens.
Il ne faut pas imaginer que l'on continue à s’acharner sur un malade en phase terminale d’un cancer. C’est une monstruosité.
Je pense que ce non-acharnement thérapeutique est une bonne chose.
Là encore, il faut continuer à former les médecins. Augmenter les doses des médicaments antalgiques, parce que les douleurs augmentent, c'est aussi, quelque part, abréger la vie. Mais c’est notre devoir.
Et l’euthanasie dite "active" ?
L’autre type d’euthanasie est l’injection.
Ne pas mourir dans l’indignité ou mourir dans la dignité. Je voudrais simplement définir le mot "dignité". Ne serait-ce pas, en ce qui concerne l’homme, le regard de l’autre ?
Croyez-vous que les Alzheimer vont, un jour, être déclarés indignes ?
Eh bien, non ! C’est nous qui donnons la dignité à un Alzheimer même en fin de vie. On ne va pas décider s’ils sont indignes ou non. On ne dira pas d’un handicapé qu’il est indigne et qu’il pèse à la société.
Il faut être très prudent. Il faut une certaine dose d’hypocrisie, c'est certain. Il faut aussi garder le dialogue avec la famille et les médecins. C’est le plus difficile !
En quoi est-ce difficile pour un médecin ?
Il y a deux raisons pour lesquelles c’est difficile pour un méd,ecin.
Premièrement, la famille nous demande de temps en temps de nous acharner. Elle nous demande : vous êtes sûr qu'aux États-Unis, on ne pourra pas... Ah, les États-Unis ! C'est le mot formidable. Eh bien non, nous avons les mêmes médicaments, les anticancéreux et les drogues. Il faut donc essayer de convaincre ces familles.
Deuxièmement, il est vrai que, parfois, les médecins ne sont pas suffisamment éduqués et enseignés pour être proches du malade et de sa famille. Dans l'accompagnement, il y a aussi cette dimension.
Le lobby pro-euthanasie appelle cela « le droit à mourir dans la dignité ».
Selon vous, est-ce un terme faux ?
C’est de la sémantique. La dignité est donnée à un malade par des hommes sains, quels qu’ils soient, quand on voit un malade.
C’est la beauté de notre métier de médecin, d’infirmière ou autre que de donner la dignité à quelqu’un qui est en état de faiblesse. Je ne dis pas qu’il faut continuer cet état de faiblesse, je dis qu’il faut aider les gens à ne plus souffrir, quitte à abréger la vie.
Il faut aussi respecter la volonté des malades de ne pas être soignés. C’est important de le respecter. Ce respect, cette dignité, c’est nous qui la donnons.
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