Pourquoi la droite buissonnière n’est pas réaliste ?
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Il existe un réel antagonisme entre ce que pensent et vivent quotidiennement les classes populaires précarisées associées aux classes moyennes en voie de déclassement et les classes bourgeoises privilégiées. Prise en ciseau par la mondialisation économico-financière et l’immigration extra-européenne, « la France périphérique » - pour reprendre le titre d’un ouvrage de Christophe Guilluy – qui représente 60 % de la population française vote majoritairement pour le Front national. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce dernier s’adresse à elle prioritairement. Face à la paupérisation, aux délocalisations et à l’immigration de peuplement, le FN préconise la mise en place d’une « vraie justice sociale » et d’un « retour aux frontières nationales ».
Guilluy a pu constater, au lendemain des élections départementales de 2015 : "Aujourd'hui, le vote Front national émerge précisément sur ces territoires de la France périphérique, avec des bastions qui sont toujours le Nord, l'Est, le pourtour méditerranéen, mais on voit bien, quand on zoome sur des régions et des départements, que la logique est exactement la même à chaque fois : c'est-à-dire que la dynamique FN part des petites villes, des zones rurales, des villes moyennes, et en tout cas à chaque fois des zones économiques les moins actives, qui créent le moins d'emplois." Et d’enfoncer le clou sur la congruence entre les territoires les plus fragilisés et le vote frontiste : "Ce sont les territoires qui sont les plus éloignés des grandes métropoles, des grandes villes actives. Il y a là une vraie logique sociologique et politique, ce n'est pas un hasard si le vote FN est devenu un vote de classe, avec d'ailleurs une sociologie de gauche..." En effet, les Français abandonnés à leur sort demandent davantage de protection. Or, le FN veut stopper cette insécurité physique, sociale et territoriale subie par les jeunes, les ouvriers, les employés, les chômeurs, les agriculteurs et les fonctionnaires, qui reportent massivement leur suffrage sur le parti de Marine Le Pen.
Dans ce cas, il est illusoire de croire à une alliance du fillonisme avec le lepénisme, mais aussi à la fusion de leur électorat respectif. Les électeurs conservateurs de François Fillon appartiennent, en majorité, à la bourgeoisie libérale qui ne s'est jamais préoccupée des intérêts du peuple. C’est pourquoi la ligne Buisson ne tient pas (celle, aussi, du Figaro Vox, du Point, de Valeurs actuelles et de Causeur, qui tentent d’instrumentaliser Marion Maréchal-Le Pen dans un sens libéral).
François Bousquet, auteur d’une récente Droite buissonnière, définit la ligne Buisson ainsi : "Buisson a voulu reproduire avec Sarkozy ce que de Gaulle avait fait en 1947, avec le RPF, et en 1958 avec la Ve : désenclaver la droite conservatrice. Cette droite est trop marginale, elle peut gagner une primaire, pas une présidentielle. Il s’agit donc de lui adjoindre les catégories populaires afin de fusionner les électorats conservateurs et populistes, quitte à occulter la question sociale, le grand impensé de la ligne Buisson » (Causeur, avril 2017). C’est pourtant ce « grand impensé social » qui ne permet pas précisément une fusion des électorats conservateurs et populistes.
Au contraire de la droite du Trocadéro, le Front national insiste sur la défense des catégories sociales en difficulté tout en rejetant avec force le capitalisme mondialisé. Bousquet confirme pourtant : "De fait, Marine Le Pen mène une campagne populiste, mais est-ce suffisant ? Pour gagner, il faut réussir la synthèse buissonnière : fusionner les électorats conservateurs et populaires." Mais cette synthèse n’existe pas et ne peut pas exister, tant Marine Le Pen s’adresse au peuple français dont les aspirations nationales et sociales sont opposées à celles défendues par la droite bourgeoise de François Fillon. Populisme, conservatisme et libéralisme ne font pas bon ménage en France.
Le clivage droite-gauche n’est plus opératoire. Il a été remplacé par la véritable séparation qui existe entre les laissés-pour-compte de la mondialisation/immigration et la bourgeoisie libérale intégrée dont François Fillon et Emmanuel Macron sont les plus zélés représentants pour les élections présidentielles à venir.
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