Le moment populiste. Droite-gauche, c’est fini ! (7)

Durant le mois d’août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini !, d’Alain de Benoist.

Avec le fossé qui se creuse entre le peuple et la classe dominante, la légitimité politique et la réalité politique s’éloignent également l’une de l’autre. […] "Sans une implosion du système politique traditionnel, écrit Christophe Guilluy, le morcellement et l’éclatement de la société française paraissent inéluctables."

Telle est la caractéristique majeure du populisme : il s’ordonne à une opposition, non pas horizontale (droite-gauche), mais verticale : le peuple contre les élites, les gens ordinaires « d’en bas » contre les privilégiés « d’en haut ». Cette opposition ne se ramène pas un recyclage de la vieille rancœur poujadiste des « petits » contre les « gros ». Elle repose sur la conviction qu’une élite technocratique et financière, installée dans les médias comme dans les allées du pouvoir, fondée sur la connivence incestueuse, quand ce n’est pas sur la corruption, a délibérément décidé de déposséder les électeurs de leur pouvoir afin de faire échapper ses agissements à tout contrôle. Cette élite, qui ne se divise que sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir aux mêmes buts, adhère à des valeurs et propage des mots d’ordre dans lesquels le peuple ne se reconnaît pas. Elle impose des orientations que le peuple condamne parce qu’il constate qu’il en résulte une détérioration de son mode de vie. Coupée de la réalité sociale, elle est en outre perçue comme étrangère à la nation dans la mesure où elle est à la fois indifférente aux intérêts nationaux et profondément déterritorialisée. Comme en 1793, les élites sont perçues comme le « parti de l’étranger » – ou, plus exactement, comme le parti qui considère que toutes les appartenances sont devenues obsolètes et donc que nul n’est plus étranger.

L’opposition entre dominants et dominés fait ainsi son grand retour. Les « people » ont remplacé le peuple. L’idéologie dominante, majoritaire dans les milieux du pouvoir, de plus en plus minoritaire dans les couches populaires, renvoie comme toujours à une classe nouvelle. À la recherche des repères qu’il a perdus, le peuple manifeste son allergie à une Nouvelle Classe qui s’estime exemptée de la règle commune à laquelle doivent se soumettre les « gens de peu » et dont le mode de vie séparé, à l’écart (et au-dessus) du peuple, manifeste une irrésistible propension au nomadisme, au changement perpétuel, au rejet des racines, au mépris des valeurs communautaires et populaires, à la fuite en avant dans la recherche frénétique du profit, à une permissivité sans limites, à une fascination pour les « gagnants ». Élue par la mondialisation néocapitaliste, cette Nouvelle Classe politico-médiatique s’est formée sous l’effet d’une intensification des mobilités dans un climat marqué par la déréglementation des marchés et des innovations technologiques rétrécissant l’espace et le temps. Elle associe dans un même élitisme de la richesse et du paraître dirigeants politiques, hommes d’affaires et représentant des médias, tous intimement liés les uns aux autres, tous convaincus de la « dangerosité » des aspirations populaires.

C’est cette classe dirigeante qui se retrouve aujourd’hui confrontée à l’éternel retour du peuple. Et cette confrontation excède tous les anciens clivages. "Il est possible", disait dès 1995 Marcello Veneziani. Christophe Guilluy, aujourd’hui, constate à son tour que "la fracture n’est plus tant entre la gauche et la droite qu’entre les classes dominantes, indifféremment de droite et de gauche, et les classes populaires".

Le principal clivage (mais non le seul) oppose en effet désormais ceux qui profitent de la mondialisation, qu’ils soient de droite ou de gauche, et ceux qui en sont les victimes – ceux qui pensent en termes de peuples et ceux qui ne veulent connaître que des individus et l’humanité. C’est celui qui oppose la France périphérique à la France urbanisée, le peuple aux élites mondialisées, les gens ordinaires à la Nouvelle Classe, les classes populaires et les classes moyennes en voie de déclassement à la grande bourgeoisie mondialiste, les tenants des frontières aux partisans de l’« ouverture », les « invisibles » aux « sur-représentés », bref ceux d’en bas à ceux d’en haut. Le vrai clivage, c’est la défense du peuple – la cause du peuple.

Alain de Benoist
Alain de Benoist
Intellectuel, philosophe et politologue

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