Droits de douane : Marc Fiorentino dénonce un « florilège d’âneries » dans les médias

Pour Marc Fiorentino comme pour Christian Saint-Étienne, Trump va négocier, donnant-donnant !
@rubensukatendel-Unsplash
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Les Bourses dévissent ferme, les commentateurs économiques s’affolent, les militants prennent le relais : Trump est-il en train d’appauvrir la planète, de liquider les multinationales et de « se tirer une balle dans le pied », comme le répètent tous les commentateurs en boucle dans les médias mainstream ? Ce 4 avril, l’économiste Marc Fiorentino, spécialiste des marchés financiers, banquier d’affaires et essayiste à succès, célèbre pour ses conseils boursiers, n’est pas d’accord et le dit. Interviewé sur BFM Business, l’économiste attaque, bille en tête, « le florilège d’âneries et de certitudes qu’on entend depuis 24 heures ». Pour lui, les mêmes qui disaient que le NASDAQ n’avait pas de limites, que c’était la fin de la mondialisation, qu’on était dans les années 1930, que la France pourtant économiquement affaiblie avait bien le droit de se moquer de Trump... les mêmes, donc, enterrent aujourd’hui les réformes douanières du président américain. Le tout sur fond de sous-estimation de Trump, une fois de plus qualifié de… débile. « On n’a pas les moyens d’être arrogants, en France, et de porter des jugements quand on a des résultats aussi catastrophiques, s’agace Fiorentino. Quand j’entends un Thierry Breton après ce qu’il a fait dans plusieurs boîtes et quand j’entends Emmanuel Macron après ce qu’il a fait à l’économie française, je leur dis : calmez-vous un tout petit peu ! »

« Arrêtons de dire n'importe quoi ! »

Pour Fiorentino, on a tort d’assener comme une vérité révélée que les droits de douane vont relancer l’inflation aux États-Unis, car les taux et les prix du pétrole ont beaucoup baissé, et ce n’est peut-être pas fini. « Cela compensera totalement », dit-il, si le pétrole baisse encore, car pour lui, « la baisse de l’inflation et le gain de pouvoir d’achat pour les Américains est phénoménal : arrêtons de dire n’importe quoi, on n’a pas de certitudes. »

Nettement plus critique, Christian-Saint Étienne, contacté par BV, souligne lui aussi la part d’incertitude sur l’avenir, ce qu’on n’entend pas beaucoup parmi les économistes libéraux et mondialistes qui trustent les plateaux de télévision. « Généralement, les droits tarifaires sont une très mauvaise idée et provoquent des guerres commerciales qui appauvrissent tout le monde », admet-il. Il estime que cette stratégie « joue fondamentalement contre les intérêts des États-Unis eux-mêmes » mais que les résultats ne seront visibles que « dans un an ou deux », minimum.

En attendant, les droits de douane pris au reste du monde tomberont dans la poche de quelqu’un. Ces nouvelles taxes pourraient générer un gain de plus de 700 milliards de dollars annuels pour l’État fédéral, selon Trump. De 400 à 500 milliards de dollars, rectifie Christian Saint-Étienne. Tout de même…

Saint-Étienne croit à un effet inflationniste et redoute l’effet sur l’opinion publique américaine. « Les Américains jugeront cette politique dans un an, dit-il. Sauf que, pour relancer une industrie (aux États-Unis), il faut cinq à sept ans. Trump va se retrouver face à cette question de temporalité. » Les prochaines élections de mi-mandat interviendront, en effet, à mi-novembre 2026. Mais les Américains jugeront aussi l'efficacité de la politique anti-woke de Trump, rappelle Saint-Étienne. Marc Fiorentino est plus optimiste : « D’ici là, Trump aura annoncé une baisse de l’impôt sur les revenus financée par les droits de douane, et je peux vous dire que sa cote de popularité remontera sûrement ! », exécute Fiorentino.

« Tout le monde va se coucher »

Mais l’issue de cette crise inédite pourrait être différente. Christian Saint-Étienne ouvre la porte à une vaste négociation : il existe, pour lui, une « hypothèse » d'école dans laquelle « Trump est un génie et il utilise cette politique pour négocier de nouveaux deals ». Dans le même sens, Marc Fiorentino ne croit pas à une application constante et méthodique de l’ensemble des taux de douane annoncés. « Il n’y aura pas de droits de douane à 54 % avec la Chine, ni à 20 % ou 30 % avec l’Europe, dit-il. On va finir avec un accord à Mar-a-Lago de 10 % pour tout le monde, peut-être 20 % pour la Chine, et cela, non seulement ce n’est pas la fin du monde ni la Seconde Guerre mondiale, ni la Grande Dépression, mais c’est business as usual. » En bon magnat de l’immobilier, Trump tape dur pour négocier en position de force, estime Fiorentino, pour obtenir que l’Europe cesse d’entraver les affaires des GAFAM, notamment, et pour briser l’éventail des lois concoctées par Thierry Breton, ancien commissaire européen au Commerce extérieur. « Pour avoir 10 % de droits de douane, il faut qu’on se couche et tout le monde va se coucher », prédit Marc Fiorentino.

Comme Marc Fiorentino, ce qui le frappe ? « Trump se conduit comme le président de ceux qui l’ont élu », ces classes moyennes victimes de la mondialisation, autant dire de la suppression des droits de douane. Une politique qui a envoyé les usines et les emplois à l’autre bout du monde, laissant sur le sable du chômage et de la misère les classes moyennes américaines, comme les classes moyennes françaises. Dans l'indifférence des grandes consciences aujourd'hui dressées contre la politique de Trump, pourtant annoncée de longue date.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

51 commentaires

  1. « pour relancer une industrie (aux États-Unis), il faut cinq à sept ans »
    Pourtant, durant le premier mandat de Trump, les activités industrielles et minières se sont relevées en 2 ans seulement.
    C’est la raison pour laquelle le vote des afro-américains a augmenté de plus de 30% pour Trump aux secondes élections : les afro-américains était la classe sociale qui a le plus profité du premier mandat de Trump. Ils avaient largement élevés leurs niveaux de vie. Puis Biden les a renvoyés sur le BS (Bien-être Social).

  2. Il est temps d’en finir avec le mondialisme qui permet à des escrocs de produire à bas coût dans des  » pays en voie de développement  » quitte à employer des enfants , puis de vendre avec un gain considérable dans les pays occidentaux , tout en accumulant les bénéfices dans des paradis fiscaux . Il est temps de relancer la production chez nous pour donner de l’emploi à nos compatriotes .

  3. D’ailleurs, pour ceux que ça intéresse, je conseillerais 2 films. Non trois… ou plutôt 4 !
     » The bis Short  »
     » Too Big to Fail  »
     » Margin Call  »
    et « Adults in the Room « .

    Visionner ces films là c’est en connaitre plus sur l’économie qu’un certain ex ministre de l’économie.

  4. Un monde s’écroule et les thuriféraires d’une planète ouverte à tous les vents, et pas uniquement au plan économique, n’en reviennent pas, et s’attachent à discréditer un président qui a dit ce qu’il allait faire et fait ce qu’il a dit. Mais comment est ce possible ? Au fou crient ils en choeur ! L’avenir nous dira qui a raison mais pour ma part, au regard notamment du désastre français résultant d’une gestion socialo-communiste depuis une quarantaine d’années, je mise volontiers sur un succès du « MAGA ». Quant à Marc Fiorentino, généralement plus direct ou plus expéditif, je le trouve bien timoré avec son  » calmez vous un tout petit peu ! ». J’aurais aimé qu’il leur dise tout simplement de la fermer, par décence. Mais c’est sans doute ce qu’il faut comprendre de manière subliminale…

  5. Encore une fois, merci monsieur Baudriller pour cet article. Toujours présent sur les meilleurs sujet, et parfaitement traités.

    Intervenant sur les marchés financiers moi-même je ne peux qu’être d’accord avec M. Fiorentiono, mais il est difficile de faire comprendre certaine choses à certains, dans un pays où on parle de filière « économique et social » sans savoir lire un bilan, et dans lequel on entre ensuite en université avec pour prof d’économie mme. Rousseau (excusez du peu), mais aussi un pays dans lequel on nomme et laisse aux manette de l’économie durant sept années un littéraire incapable de dire le nombre de m2 contenus dans un hectare (de son propre aveu) et qui, c’est factuel, a fait preuve de toute sa compétence en matière de gestion.

    M. Saint Étienne voit aussi juste excepté sur la temporalité concernant la capacité d’agir de D Trump, car il voit cette notion d’un œil Européen, voire Français. Les USA aurons la capacité de relancer certaines industries plus rapidement que nous aurons, nous, la capacité de nous en rendre compte.

    Sans même parler du fait que la méthode Trump, aussi brutale et non sexy qu’elle soit, reste d’une efficacité redoutable. Nous le verrons.

    Et je termine en disant qu’il est bon de paraitre rebelle, mais quand les USA avec leurs 180 bases militaires dans le monde et la suprématie de leur USD dictent leurs nouvelles règles, tous se coucherons en cachette… sauf la Chine, et alors ça devient très « intéressant ».

    Seule la formalisation effective des BRICS pourrait freiner cette nouvelle donne, mais cela prendra (prendrait) du temps étant donné les intérêts pour le moins divergents des participant, « unis » pour l’instant pas leur seule opposition à l »hégémonie américaine.

  6. Fiorentino a raison: baisse du pétrole et baisse des taux vont profiter aux Américains – et à nous aussi pour le pétrole. Ensuite Trump laissera le dollar descendre et favorisera ainsi ses exportations, de céréales entre autres. Quant aux pluies de scorpions et aux rivières de sang, nous laisserons ça aux incultes économiques, que la presse se charge d’attiser comme de la bonne braise, qui consiste à faire passer Trump pour un fou isolé et capricieux dans sa Maison-Blanche fermée. Trump est parfaitement conseillé par les économistes de son parti, et des meilleures écoles. Rien n’est fait au hasard. On aimerait que Macron et ses ministres des finances en prennent de la graine, mais pas de chance pour nous ils sont socialistes: leur credo c’est les impôts qui « guérissent tout ». Et les destructeurs de la patrie d’en appeler au « patriotisme »; sans pudeur.

  7. –  » dans les médias mainstream ?  »
    Pourquoi répéter ad nauseam ce sabir ?
    … la  » grande presse » ne serait-il pas préférable ?
    –  » les économistes libéraux et mondialistes qui trustent les plateaux de télévision. »
    truster est un anglicisme : accaparer, monopoliser sont les équivalents en bon français

  8. Ca va dans le sens de ce qu’a dit C Gave sur CNews vendredi soir…Trump a sifflé la fin de la récré à la demande des… élèves car ils veulent retourner au boulot. Le monde à l’envers! Les profs du bahut n’en croient pas leurs yeux. Mai 68 à l’envers. Pas de cri, pas de bruit. En ordre, en silence, dans les urnes. Attention ça va bientôt être à notre tour

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