Du bon usage de la guerre en Ukraine : tout est bon pour piéger le RN

Le-contre-discours-de-Marine-Le-Pen

La séquence Ukraine voulue par Emmanuel Macron, ce 12 mars à l’Assemblée nationale à Paris, vaut son pesant d’or. Souvenez-vous, l’Europe, c’était la paix. On avait, grâce au rêve de Schuman et Monnet, nous disait-on, la chance d’avoir vécu une parenthèse enchantée, un havre de douceur sans bruit de bottes ni de coups de fusil, une nouvelle ère d’intelligence et de progrès. On oubliait allègrement au passage la guerre de Yougoslavie, la menace des SS-20 de l’Union soviétique ou le terrorisme directement lié à l’ouverture des frontières, entre autres…

Désormais, Emmanuel Macron et son gouvernement, champions mondiaux de l’européisme enamouré, expliquent que l’Europe, c’est la guerre. Ou, plutôt, que nous serions en guerre sans la réaction intelligente et énergique du Président Macron. Ainsi, le discours du Premier ministre devant les députés a-t-il vanté l’action, la cohérence, l’intelligence et le courage du locataire de l’Élysée ! La formidable unité de l’Union européenne ? « Vladimir Poutine n’y croyait pas », se réjouit Attal. Sauf que cette formidable unité face à la Russie n’existe pas en Europe. « L’OTAN s’est renforcée », jure Gabriel Attal dans un discours que le Président Macron a dû relire plutôt deux fois qu’une… Sauf que les États-Unis lâchent l’Ukraine. Attal assure que « la France est aux avant-postes pour soutenir l’Ukraine » et que le pays vient de réunir 27 chefs d’État et leurs représentants. En oubliant de préciser que nos voisins ont immédiatement pris leurs distances avec les déclarations bellicistes de Macron sur l’éventualité d’envoi de troupes en Ukraine.

Pendant de longues minutes, le Premier ministre tente de faire de la Russie une menace directe, non seulement pour l’Europe mais pour la France elle-même, égrenant les « conséquences concrètes » d’une éventuelle victoire des Russes « sur la vie des Français » : « fin d’un monde international basé sur le droit », « cyberattaques qui empêchent nos services de fonctionner », hausse inconsidérée des prix, inflation, crise économique et même « immense vague migratoire » des Ukrainiens et des pays voisins. Nous qui pensions que l’immigration était une chance pour la France ! « La guerre a un coût mais ce coût serait décuplé si la Russie l’emportait », jure Gabriel Attal. La France envoie donc de nouveaux fonds à l’Ukraine : « 3 milliards d’euros, une fois et demie ce qu’on a fait », précise Attal.

Conclusion ? « Je respecte de manière républicaine le vote de chacun mais… » Mais ? Mais voter contre, explique le Premier ministre, c’est remettre en cause les efforts de la France depuis deux ans et, donc, soutenir Poutine ! On y est ! Et s’abstenir ? « C’est fuir ses responsabilités devant l’Histoire. »

Sortir du piège macronien

Ainsi apparaît le piège grossier - un de plus. L’objectif était donc celui-là : isoler le RN qui menace de transformer la campagne macroniste en désastre. Le piéger. Faire oublier la séquence des agriculteurs, reprendre le contrôle du débat coûte que coûte, polariser sur lui-même le feu des médias, surtout ne pas disparaître façon Hollande ! Depuis quelques jours, les Français sont embarqués dans un scénario écrit aux petits oignons par le président de la République. Comme le scénariste d’une série Netflix, il a conçu lui-même les rebondissements de l’histoire, ménagé les effets de surprise, mobilisé le spectateur, réglé la courbe du suspense et tendu les pièges à ses adversaires politiques : le débat sur l’avortement, le débat sur l’euthanasie, l’Ukraine. Macron est en campagne, tout est bon.

Évidemment, Marine Le Pen refuse, ce 12 mars, le piège en carton. En contraignant les pays européens à se désolidariser du Président français sur l’envoi de troupes, en réalité, « Emmanuel Macron a rassuré Vladimir Poutine », rappelle la présidente du groupe RN au micro à l’Assemblée. « Soit on est pro-Macron, soit on est accusé d’être pro-Poutine, résume-t-elle. Cette attitude est abjecte. » Abjecte car elle exploite les souffrances des Ukrainiens et prend le risque « d’une crise internationale majeure au profit d’intérêts électoraux de court terme ». « Vous serez sévèrement jugé par nos compatriotes », promet Marine Le Pen, car « cette guerre se terminera par une négociation et vous le savez ».

Reste, pour la patronne du groupe RN, à sortir du gros piège macronien : « Pour manifester notre soutien à l’Ukraine, et uniquement pour cela, nous nous contenterons d’une abstention. » Fin de la pièce. Coincé sur l'IVG, le RN se sort sans dommage de l'épisode Ukraine. Mais Macron aura fait approuver son accord de sécurité Paris-Kiev par 372 voix pour et 99 contre.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

98 commentaires

  1. Et dire que j’ai adhéré à ce partis depuis 1981 JM LP c’était un autre discours quand j’entends Mariani ou Alliot mais mettre ce gamin aussi mature que le Attal ientot ils vont les récupérer dans les maternelles ce RN pense respire et vit comme le sociopath de l’Élysée LR Modem RN soit disant l’opposition ça devient comique si bien que j’arrête mon adhésion 2024 parti décevant

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