Du papier toilette à l’abstention, la panique peut-elle prendre de l’ampleur ?

Terrified-Face

Nos dirigeants, à commencer par Emmanuel Macron, ne favorisent guère la sérénité : ils alimenteraient plutôt la panique qu'ils prétendent vouloir éviter. Leurs décisions chaotiques, au jour le jour, suscitent un sentiment d'incohérence - pire : un soupçon de dissimulation. Ce qui n'est jamais bon pour établir la confiance. Le Figaro a consacré un dossier aux « achats de panique », en se fondant notamment sur un ouvrage écrit, en 2013, par Louis Crocq, psychiatre et professeur de psychologie, Les Paniques collectives.

On y apprend, si l'on ne l'a pas expérimenté personnellement, que, dans la perspective d'un confinement partiel ou total, beaucoup de Français font des provisions. Ils thésaurisent, comme en temps de guerre, des produits de première nécessité : pâtes, sucre, café, thé, farine, huile, savon... et du papier toilette. « On a manqué de papier toilette, de Sopalin™, de couches », a reconnu récemment Michel-Édouard Leclerc. De nombreux pays occidentaux feraient face à des achats massifs de rouleaux de papier hygiénique. Au Québec, il y aurait rupture de stock ; en Australie, on a limité les achats. Pourtant, en France, ce produit, fabriqué sur place, ne risque pas de manquer.

Quand beaucoup de personnes se ruent vers un produit, on a tendance à les suivre, comme on le voit régulièrement dès qu'une menace pèse sur l'approvisionnement en carburant. Il arrive même que le consommateur anticipe le comportement des autres pour décider du sien. Un point commun dans tous les cas : l'incertitude sur l'avenir. On en revient à la question initiale : que cache le pouvoir politique ? Peut-on lui faire confiance ? Mène-t-il l'opinion en bateau, se réservant la vérité sur l'épidémie ? Ou ignore-t-il lui-même la vérité, ce qui est encore plus inquiétant ?

Pour Louis Crocq, la réponse à cette crise de panique naissante doit venir des autorités. À condition que « l’information [soit] donnée objectivement, sans dissimulation du danger potentiel, mais sans non plus insistance alarmiste sur ce danger ». Point de vue qui paraît raisonnable. Mais quand les mesures prises varient d'un moment à l'autre, qu'on recommande aujourd'hui ce qu'on rejetait hier, que le ministre concerné déclare qu'il est exclu de fermer tous les établissements scolaires, quelques heures avant que le président de la République n'annonce le contraire, qu'on manque de masques de protection, même pour les personnels soignants, quand on commence à entendre qu'il faudra faire des choix entre les malades à placer en réanimation, on se demande si le gouvernement n'a pas failli à son devoir.

Les conditions dans lesquelles il a décidé de maintenir les élections municipales ne laissent pas d'intriguer non plus. Il paraît que notre Président était favorable au report, mais il a finalement changé d'avis. Par crainte d'ajouter une crise politique à la crise sanitaire ? Le premier tour va donc se dérouler avec, sans doute, davantage d'abstentions. Mais qu'en sera-t-il du second ? Encore de l'improvisation ? Ou un manque d'anticipation, une incapacité à décider en toute connaissance de cause ? L'exécutif estime que les Français lui seront reconnaissants d'avoir pris le problème à bras-le-corps. Il risque, aussi, d'être totalement discrédité si l'on s'aperçoit, dans quelques jours ou quelques semaines, qu'il ne maîtrise pas la situation.

Il est difficile de savoir quel sera l'état de l'opinion, à l'issue de cette crise du coronavirus. Quoi qu'il en soit, si elle donne à chacun, notamment à nos gouvernants, une leçon d'humilité, ce sera un grand pas en avant.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/03/2020 à 10:55.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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