Dupond-Moretti déclame du Hugo aux délinquants et La France insoumise applaudit !

Capture d'écran
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Il a été choisi pour ses talents d'acteur, et ses premiers pas sous les feux de la rampe sont un véritable festival. Après une première sortie à Fresnes où les détenus l'ont ovationné comme l'un des leurs, le nouveau garde des Sceaux d'Emmanuel Macron a endossé le costume de Victor Hugo. Un rôle qui lui sied à merveille : une force qui va. Comment nos réalisateurs n'ont-ils jamais pensé à lui pour Jean Valjean ?

Pour ce second épisode, ce 13 juillet, l'acteur a visité un centre éducatif fermé à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) en affirmant « croire passionnément » en la réinsertion des jeunes délinquants, « déchirés par la vie ». Le lyrisme en marche. Victor Hugo réincarné par la grâce d'Emmanuel Macron dans un corps, une barbe et une emphase hugoliens : « J'ai toujours pensé qu'il valait mieux construire une école qu'une prison. » La phrase fétiche de la gauche qui n'a pas manqué de déchaîner ses applaudissements et de demander des autographes. Éric Coquerel, le député LFI de la circonscription qui accompagnait le ministre : « Ça tranche avec le discours sécuritaire de ces dernières années. Ce n'est pas habituel qu'un ministre rappelle qu'en prison, ou dans les centres de ce type, l'objectif est aussi la réinsertion, pas seulement la punition. »

Le duo Darmanin - Dupond-Moretti applique la feuille de route présidentielle en parfait bon élève : à l'un, la parole de la gauche lyrique et idéologue pour nous faire pleurer sur ces pauvres gamins délinquants « qui n'ont pas eu de chance » ; à l'autre, un discours au vernis sécuritaire, un sous-sarkozysme qui aura aussi ses adeptes.

L'avantage des grands acteurs et des grands avocats, c'est qu'ils sont capables d'assener des énormités en vous laissant KO et admiratifs. Mais on n'est pas obligé de jouer au public facile.

Primo, le garde des Sceaux ne venait pas inaugurer ou visiter une école, mais un centre éducatif fermé pour mineur. Et il a annoncé l'ouverture de vingt autres centres de ce type. C'est donc bien que l'école normale n'était pas possible pour eux, ni souhaitable pour les autres enfants. Et que l'alternative de Victor Hugo était simpliste. Faut-il, d'ailleurs, rappeler que ces centres éducatifs fermés furent créés par la droite en 2002, dans l'un de ses derniers moments de lucidité sécuritaire, une mesure que la gauche d'alors, style Coquerel, avait évidemment condamnée ? Encore un effort, messieurs les acteurs.

Deuzio, on ne peut pas dire que la France n'en ait pas ouvert, des écoles, des collèges, des lycées, des universités, qu'elle n'ait pas déversé des milliards d'euros dans les budgets de l'Éducation nationale, de la Ville. Et, nouveau record historique, elle vient d'accorder le bac à plus de 95 % des candidats ! Cela a-t-il fait baisser la délinquance ? Non, elle explose, y compris au sein des écoles. Victor Hugo, s'il revenait, ne tiendrait certainement pas le même discours...

Enfin, ce qui est profondément choquant, dans ce lyrisme larmoyant sur ces « gamins déchirés qui n'ont pas eu de chance », c'est l'effacement de la frontière entre victimes et coupables, d'ailleurs facilité par les déclarations, ces jours-ci, des parents de Mélanie Lemée.

Il y a vie brisée et vie brisée. Et à force de lyrisme hugolien, on en vient à perdre le sens des réalités : Mélanie, Thomas, Philippe sont morts, ils ont été sauvagement assassinés. Vie brisée, pour eux, ce n'est pas une image. Pour leurs parents et leurs proches non plus. Il y a là une immense injustice.

Pour les coupables qui, eux, sont toujours vivants (ce qui fait tout de même une petite différence), nullement menacés, mais pris en charge et protégés, une fois de plus, par un État généreux, il y a la justice, et une justice souvent très clémente qui leur offrira tous les sursis, toutes les possibilités de réinsertion possible.

Non seulement la Justice ne pourra jamais rétablir la justice en faveur des victimes. Mais - pire - depuis trop longtemps elle nourrit la récidive.

Rien que pour cela, un ministre de la Justice au verbe haut se devrait de réserver ses talents d'empathie et de lyrisme pour les victimes, les vraies.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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