Eau contaminée : Alexis Kohler et l’Élysée au centre d’un Nestlé Waters Gate ?

Reste à savoir si Emmanuel Macron pouvait ignorer ce que savait à l'évidence son plus fidèle complice depuis 2014.
kohler

Alexis Kohler va-t-il être submergé par une affaire d’eau contaminée ? À peine a-t-il quitté son poste de secrétaire général de l’Élysée pour chausser des pantoufles de banquier à la Société générale qu’il commence déjà à se voir rattrapé par des affaires qui lui collent autant aux chausses que l’adhésif au doigt du capitaine Haddock (voir l’album de Tintin Vol 714 pour Sydney de Hergé aux Éditions Casterman). En attendant de rendre des comptes, pour « prise illégale d’intérêts » du fait de ses liens familiaux avec l’armateur MSC qui l’a employé en 2016 et 2017, le principal collaborateur d’Emmanuel Macron depuis 2017 vient de se faire de nouveaux ennemis. Le 4 mars, le député LFI et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale Éric Cocquerel avait indiqué saisir le procureur de la République pour qu’Alexis Kohler soit poursuivi pour son refus d’audition devant une commission d’enquête sur les dérapages des finances publiques.

Et c’est, depuis, le Sénat qui vient chercher des noises à l’ex-secrétaire général de l’Élysée, lequel a, à nouveau, refusé d’être auditionné, cette fois-ci dans le cadre du rôle supposé de l’Élysée et Matignon dans la tentative d’étouffement de l’affaire de ces eaux minérales contaminées par le groupe Nestlé.


L’affaire des eaux Nestlé avait réellement éclaté après la publication d’une enquête par Radio France et Le Monde, début 2024. On apprenait alors que de nombreuses eaux vendues sous l’appellation « minérale naturelle » ou « de source » subissaient des traitements de purification réservés à l’eau du robinet, ce qui est illégal, et cachaient donc la contamination de leurs eaux. Étaient notamment concernées les marques Perrier, Contrex, Vittel et Hépar, appartenant toutes à Nestlé Waters. Au scandale sanitaire s’est ajouté, depuis, le soupçon d’un scandale politique, puisque figureraient au dossier plusieurs pièces indiquant que le pouvoir était au courant de l’affaire mais n’aurait pas réagi.

« L'Élysée a décidé de jouer la chaise vide »

C’est pour éclaircir ces points qu’Alexis Kohler devait être auditionné. « Notre commission d'enquête a un mandat. Faire la vérité sur le scandale des pratiques des industriels des eaux en bouteilles. Et, en particulier, analyser la réponse des pouvoirs publics face aux agissements de la société Nestlé Waters », a rappelé le sénateur socialiste de l'Oise Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission d'enquête, car « les Français ont le droit de savoir ce qu'ils boivent ». Devant le refus d’Alexis Kohler de se présenter, il a constaté que « l'Élysée a décidé de jouer la chaise vide ». Une décision qu’il a jugée « lourde » car elle « instille le poison du doute et constitue un affront à la représentation nationale, et surtout un refus d'aller au bout de la vérité devant les Français ».

Alexis Kohler ayant justifié son refus au nom de « la séparation des pouvoirs », le rapporteur a rappelé que « s'il y avait une difficulté de principe de cet ordre, de cette nature, l'Élysée ne nous aurait pas transmis les documents, les mails, les notes, les échanges de collaborateurs de la présidence de la République sur cette affaire ». Il rappelle aussi que « Monsieur Victor Blonde, conseiller partagé entre Matignon et l'Élysée », a été auditionné « sans invoquer à aucun moment le principe de la séparation des pouvoirs ».

74 pages de documents

Rompant avec le flegme et la retenue habituellement de rigueur au palais du Luxembourg, le rapporteur a alors considéré qu’à « situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle ». Et bien décidé à « faire toute la transparence sur ce que nous savons de la présence de l'Élysée dans cette affaire », la commission a donc procédé à « un acte inédit ». Rappelant avoir « reçu un total de 74 pages de documents, ce qui démontre d'ailleurs la densité des échanges entre Nestlé et l'Élysée », Alexandre Ouizille a alors indiqué que « tous les documents » seront « publiés dans leur intégralité, en ligne, et annexés à notre rapport ».

Puis le rapporteur d’égrener les meilleures feuilles du dossier où il apparait que « la présidence de la République, au travers de la personne du secrétaire général, avait été approchée à plusieurs reprises par le groupe Nestlé », mais aussi qu’Alexis Kohler aurait « rencontré les dirigeants du groupe ou était en contact téléphonique avec eux sur la question des eaux en bouteille jusqu'à une date très récente, c'est-à-dire même pendant les travaux de notre commission d'enquête ». Plus gênant, encore, l’intéressé aurait « suivi au moins une partie du dossier » mais, surtout, « ménagé des facilités de contact à Nestlé au sein des administrations de l'État ». En résumé, si l’on en croit le rapport, la présidence de la République « savait que Nestlé trichait, que cela créait une distorsion de concurrence avec les autres minéraliers, elle avait connaissance des contaminations bactériologiques », et cela, au moins depuis 2022, soit deux ans avant que l’affaire ne soit devenue publique.

Reste à savoir si Emmanuel Macron pouvait ignorer ce que savait à l'évidence son plus fidèle complice depuis 2017 (et même avant, puisqu'il fut le directeur de cabinet de Macron lorsque ce dernier était ministre de l'Économie). Or, il y a fort à parier que le refus de comparaitre d’Alexis Kohler n’y changera pas grand-chose : les 74 pages du dossier annoncent-elles un « Nestlé Waters Gate » avec ce qui a déjà toutes les apparences d’un scandale d’État ?

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Macron avait dit à l’occasion des Gilets Jaunes « qu’ils viennent me chercher » ! Donc La République peut aller chercher A. Kohler ou il est au dessus de La République ? S’ils se prennent pour Dieu, ils sont plutôt côté Diable….

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