École et université : la sélection n’est pas un gros mot, quand elle se fait sur de bons critères

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La phase d'admission de Parcoursup a démarré le mercredi 15 mai : joie pour les uns, qui ont obtenu leur vœu favori ; inquiétude pour d'autres, en attente d'une place qui se libère ; déception pour ceux qui n'ont aucun choix satisfait. Et puis, il y a les dénonciateurs, par principe, d'un système qui, à leurs yeux, généralise la sélection à l'entrée dans le supérieur. Le gros mot est lâché : la « sélection », d'où viendrait tout le mal, qui serait la manifestation la plus condamnable de la ségrégation sociale.

On admet sans sourciller la sélection en sport. Il ne viendrait à personne, sinon à un antimilitariste viscéral, l'idée de contester la sélection qu'il faut affronter pour intégrer les forces spéciales : outre une motivation sans faille, une série d'entretiens psychologiques et de tests physiques. Le sacrifice récent de deux officiers mariniers a suscité partout plus d'admiration que d'envie ou de réprobation. Mais la sélection dans les études, ce n'est pas bien, c'est inégalitaire, c'est injuste, c'est réac !

Pourtant, si l'on y réfléchit bien, la sélection est le moyen le plus équitable de procéder à un choix, si on le fait selon des critères pertinents. Il n'y a pas si longtemps, tous les élèves passaient un examen d'entrée en sixième (où l'on enlevait – horreur ! – 4 points à la dictée pour une faute d'accord). Dans les années 60, on pouvait, avec le baccalauréat, devenir directement instituteur. Depuis, l'enseignement supérieur s'est tellement « démocratisé » qu'il reste souvent sans débouchés, tandis que l'inflation des diplômes les dévalorise.

La sélection des meilleurs est le mode d'orientation socialement le plus juste et le plus utile. À condition d'admettre qu'il existe des intelligences et des talents divers, des tempéraments plus ou moins volontaires. Bien sûr, les facteurs sociaux et culturels sont loin d'être négligeables ; c'est pourquoi il est du devoir de l'État de mettre en œuvre, dans toute la mesure du possible, une égalité des chances, qui n'est pas synonyme d'égalité des résultats. D'où la nécessité, dès l'école primaire, d'un enseignement exigeant de la lecture et de l'écriture, du français et du calcul...

Force est de constater que la baisse générale du niveau des élèves découle directement d'une école « moyenne » qu'on instaure, depuis des décennies, dans le primaire et le secondaire. On ne rappellera jamais assez les méfaits du « collège unique ». La « médiocrisation » de l'école, l'absence d'exigence, l'hétérogénéité excessive des classes, loin de contribuer à l'égalité, accentuent les effets des inégalités familiales, sociales et culturelles. Quand on n'a que l'école pour s'instruire, les parents qui peuvent suivre ou faire suivre leurs enfants arrivent à pallier les déficiences du système scolaire. Les autres n'ont plus qu'à se satisfaire d'être enfermés dans leur condition.

Les « inégalités de destin », comme les nomme notre Président, pour une fois avec pertinence, ne se corrigent pas par de fausses solutions comme la discrimination positive ou les quotas, qui favorisent les uns au détriment des autres. Mais en permettant à tous les élèves de réussir dans la voie qui leur convient, tantôt plus intellectuelle, tantôt plus technique, tantôt plus manuelle, en fonction de leurs talents, de leurs efforts et de leur mérite. En suscitant l'émulation, en repérant les capacités des élèves et en leur donnant les moyens de tendre vers l'excellence. Bref, en pratiquant une sélection.

Faute de quoi, sous des apparences généreuses et égalitaires, on renforcera la sélection la plus impitoyable et la plus injuste qui soit : la sélection par l'échec, par l'argent ou par le copinage.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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