Eddy Mitchell : l’homme qui était encore plus bourru que Michel Sardou

Capture d'écran C à vous
Capture d'écran C à vous

Eddy Mitchell sort ses mémoires, sobrement intitulés Autobiographie, tandis qu’un nouvel album, Amigos, est attendu dans les jours à venir. Eddy Mitchell ? Tout le monde l’aime, même les électeurs du RN, contre lesquels il s’est récemment emporté sur les ondes de France Inter  : « Je suis contre ces gens-là ! Avant, je ne votais pas ; désormais, je vote contre eux ! » Et d’ajouter, dans ce livre : « C’est un non-choix, mais c’est le mien. »

Après tout, pourquoi pas, et c’est son droit, et grand bien lui fasse. D’ailleurs, c’est avec prudence, hormis ce laïus antilepéniste obligé, qu’il tente de se définir politiquement : « Je n’ai jamais été d’un courant particulier. Mon cœur battrait plutôt à gauche. J’ai eu la faiblesse de croire beaucoup en Mitterrand, en 1965, par pur antigaullisme. […] J’ai toujours été domicilié en France, je paye toutes mes taxes et je trouve que c’est la meilleure contribution à la solidarité nationale. L’exil fiscal, ce n’est pas pour moi. » Et d’ajouter, dans un éclair de lucidité malicieuse : « J’espère simplement que nos impôts servent à quelque chose. J’ai cru remarquer que malgré toutes les taxes qu’on nous ajoute, il y a encore des pauvres dans la rue, peut-être même plus qu’avant. Mais peut-être est-ce une illusion d’optique. »

Très sceptique sur les bourgeois soixante-huitards…

Toujours pas dupe, il se rappelle Mai 68 : « Je voyais bien que Cohn-Bendit, Sauvageot, tous ces nouveaux leaders se comportaient déjà comme des hommes politiques. C’étaient des petits-bourgeois et leurs discours ne touchaient que les étudiants et absolument pas la classe ouvrière. La révolution, je n’y ai jamais cru. » Emballé, c’est pesé. Et voilà la question politique évacuée.

Notons que, hormis les superbes mélodies qu’il interpréta, avec un goût très sûr dans les reprises de succès américains sans négliger l’immense talent de son compositeur de pianiste, Pierre Papadiamandis, Eddy Mitchell est aussi l’auteur de textes magnifiques, souvent ancrés dans la réalité sociale. Ainsi, Il ne rentre pas ce soir évoque-t-il, dès 1978, un chômage des cadres jusqu'alors inconnu : « Le grand chef du personnel./L’a convoqué à midi./J’ai une mauvaise nouvelle./Vous finissez vendredi./Une multinationale./S’est offert notre société./Vous êtes dépassé. […] Fini le golf et le bridge./Les vacances à Saint-Tropez./L’éducation des enfants./Dans la grande école privée./Il pleure sur lui, se prend/Pour un travailleur immigré./Il se sent dépassé. »

Mais déjà, en 1966, il sentait venir ce vent mauvais avec une autre chanson prophétique en matière de mondialisation, Société anonyme : « Dans un building de 20 étages,/L’été comme l’hiver/Tu travailles pour une société/De cent mille actionnaires./Ton nom ici n’existe pas,/Tu n’es qu’un numéro. […] Rien n’est à toi./Tu ne vaux pas un seul centime./Tout appartient à la Société anonyme. »

Dans cette mélancolie du temps qui passe, accouchant d’un monde de plus en plus désincarné, il y a encore La Dernière Séance (1977), chanson à l’occasion de laquelle il déplore la disparition programmée des petites salles de cinéma de quartier : « La lumière s’éteint déjà./La salle est vide à pleurer. […]/Un vieux pleure dans un coin./Son cinéma est fermé./C’était la dernière séquence./C’était sa dernière séance./Et le rideau sur l’écran est tombé. »

À chaque fois, la chanson est un petit film en soi, tel qu’en témoigne Sur la route de Memphis (1976), adaptée d’un tube de l’Américain Tom T. Hall ; soit l'histoire d’un bandit pensant à sa fiancée : « J’ai le droit de me taire et fumer./En gardant mes menottes aux poignets./Sur la route de Memphis./Pour une fois les flics ont gagné./Vers chez toi je ne fais que passer./Sur la route de Memphis. » Il est vrai qu’Eddy Mitchell, acteur accompli, est aussi un cinéphile érudit nous ayant comblés de janvier 1982 à décembre 1998 – longévité rare, dans le monde de la télévision – avec son émission, judicieusement baptisée La Dernière Séance, qu’il animait avec joie et bonne humeur tout en nous faisant découvrir petites série B et grands classiques oubliés.

Et c’est donc à lui qu’il convient de laisser le générique de fin : « Certains traits de l’époque me déplaisent vraiment. Je suis capable de pester infiniment et indifféremment contre les réseaux sociaux, les téléphones portables, les chanteurs sans voix, le fromage à raclette, les nouvelles technologies, les artistes subventionnés et la musique sans musiciens. […] L’ordinateur, pareil, je ne supporte pas, je n’ai pas envie de devenir aveugle et bossu. Et puis, je ne suis pas une dactylo. »

Rien que pour ces phrases, on ne peut s'empêcher de tout pardonner !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/11/2024 à 21:36.
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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Mais pourquoi demande t on à tous ces saltimbanques de s’exprimer sur la politique du moment ? A dire n’importe quoi , ils font souvent plus de mal que de bien , et ce qu’ils disent c’est , évidemment conforme à la pensée unique. Il devrait y avoir un droit de réserve car ce sont aussi des hommes publics ( et femmes !!!)

  2. J’ai toujours apprécié la voix et les chansons d’Eddy Mitchel, j’accepte les idées de Claude Moine qui sont ce qu’elles sont. Mais il ne faut pas que Claude moine oublie que ce sont beaucoup de « ces gens là » qui ont bien enrichis Eddy Mitchel… et que d’autres, bien à gauche dans leur jeunesse, ont viré à droite après avoir compris. Mais peut-être que vous, vous n’avez malheureusement rien compris ?… Dommage…

  3. La vieillesse !! C’est terrible !! Mais il a attendu plus de 80 ans c’est pas mal comparé à d’autres qui commencent jeunes à dire des âneries !!

  4. Bonjour,
    La différence entre Michel Sardou et Claude Moine est que le premier ait gardé fièrement son nom et qu’il soit resté droit dans ses bottes bien française ; alors que le second avait adopté béatement un surnom étranger, et marché au gré des talons instables de ses santiags .

  5. Celui qui, avec une bande de copains, se permettaient de fumer dans un restaurant trois étoiles et personne n’osait lui faire de remarques car c’était… « Monsieur » Eddy Mitchell…

  6. Ce que ce monsieur pense et fait m’indiffère ! Je n’aime pas les bobos de gauche et juste pour sa gouverne…tous les Français payent leurs impots en France Mitchell pense peut-être que c(est louable ? Non c’est normal ! Il vote pas pour le RN ? donc pour le front populaire !

  7. Eddy Mitchell a fait de belles chansons, et longtemps, il a posé ses yeux sur la société avec une certaine lucidité de bon ton. Mais le monde de sa jeunesse, des gentilles années de croissance et de la fête, de la foi en l’avenir s’est écroulé. Et il a du mal à accepter le nouveau, moins policé, celui d’une société de plus en plus instable, entrée dans la violence de folles idéologies meurtrières. alors en désespoir de cause, il reprend les idées de la « doxa » qui ont malgré tout marqué sa pensée en reprenant le refrain usé jusqu’à la corde « RN pas bon » Presque du « allô, mon cœur a bobo ». Petit manque de clairvoyance, Eddy ?
    Quand même, triste dernière chanson, triste dernière séance pour un rocker qui nous a fait rêver à un moment de notre vie…

  8. Monsieur Moine, vous êtes meilleur dans le rôle du taiseux que dans le rôle du bobo parisien.
    Dorénavant je ne porterai plus de chaussettes noires.
    Claude

  9. Position politique décevante pour un artiste qui par ses goûts musicaux et cinématographiques, semblait plus proche du libéralisme que du sovietisme. Goûts toutefois indiscutables puisqu’appartenant au peu de liberté qui nous reste.

  10. Un bourgeois vivant dans les beaux quartiers ,loin des agressions dans le métro qu,’il ne prend jamais, loin des halls d ‘immeubles empestés de dealeurs.
    Mr Eddy, et si les électeurs du RN (11 millions de francais) n ‘achetaient plus vos diques et vos CD!!!!!!

  11. Je me souviens des années soixante avec lui ,entre autres ….
    Lorsque nous allons voir un artiste,de tout art, ses opinions politiques ne nous intéressent pas !
    Dommage, car « ces gens là » payent également leur place !!!

  12. Monsieur Eddy,vous êtes un de mes chanteurs préférés et pour continuer de vous écouter,je veux oublier « ces gens là » dont la plus grande partie vous a fait gagner beaucoup d’argent.

  13. De notre première jeunesse jusqu’à la vieillesse notre position politique passe souvent de la gauche vers la droite et ce par expérience. Il semble évident que ce ne soit pas le cas pour tout le monde mais c’est relativement rare.

  14. J’étais très fan de Monsieur Eddy. Grand artiste au cinéma et dans la chanson mais depuis qu’il s’est transformé en influenceur anti RN, j’ai rangé ses cd au fond de la pile et je ne suis pas prêt d’en acheter un. Dommage, les artistes ne devraient pas parler de politique.

    • Je lui prêtais une meilleure analyse vu son image sérieuse, je me suis trompée, ce n’est qu’un bobo… dommage, je range moi aussi ses CD. Déçue.

    • Les CD sont de très bons épouvantails pour faire fuir les oiseaux indésirables à condition de les accrocher là où il faut…et ça fait de la place dans le rangement…

  15. Bof ! Il chante faux et c’est pour ça qu’il  »savonne’ c’est à dire qu’il ne tient pas la note et passe du demi ton supérieur au demi ton inférieur pour que ça ne se voaâoê paôâas troôp. Et qu’il n’étale pas ce qui lui reste de QI vieillissant. Merci Schmoll

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