[EDITION SPÉCIALE JMLP] Le Pen, l’ennemi médiatique numéro un

Jean-Marie Le Pen lors de "L'Heure de Vérité", le 27 janvier 1988.
(Photo by JOEL ROBINE / AFP)
Jean-Marie Le Pen lors de "L'Heure de Vérité", le 27 janvier 1988. (Photo by JOEL ROBINE / AFP)

Lors de l’émission L’Heure de vérité de février 1984, François-Henri de Virieu présente d’emblée Le Pen comme « un marginal du jeu politique ». Peu flatteuse, l’étiquette décrit, plus que la situation de Le Pen lui-même, celle à laquelle les médias mainstream vont essayer de le contenir pendant deux décennies.

Années 80-90 : reductio ad Hitlerum

Simple, efficace : la reductio ad Hitlerum, ad Mussolinum, ad Petainem va fonctionner à plein régime. Le Pen est « un adepte de Franco et de Hitler » (Le Monde, 1984), « un antisémite récidiviste » (L’Humanité, 1990). Toujours dans Le Monde (1984), un dossier concocté par Edwy Plenel se concentre sur un antisémitisme bien français qui se réveillerait avec Le Pen - l’islamo-gauchisme restait à inventer.

Un sommet dans l'entreprise de diabolisation systématique est atteint avec l’affaire de Carpentras. Un reportage télé (FR3, 1990) relaye la déclaration de l'ancien ministre François Léotard : « Nous refusons ce que dit monsieur Jean-Marie Le Pen, car ce sont possiblement ces mots-là qui ont poussé à ces actes-là. » Or, ni le président du FN ni le FN n’étaient responsables, comme l'explique l'INA, à la fin de cet article. Dans cette histoire, l’investigation journalistique a été délibérément laissée de côté.

Envoyé spécial ou… Dévoyé spécial ?

Bruno Gollnisch se souvient particulièrement d’une émission Envoyé spécial (à l’époque menée par Paul Nahon et Bernard Benyamin). « Diffusée comme par hasard la veille d’un congrès du RN, raconte-t-il à BV, l’émission interrogeait divers skinheads qui disaient : "Bien sûr que les chambres à gaz ont existé ! Et si Jean-Marie Le Pen arrive au pouvoir, hein…" Voilà les zozos, sans rapport avec le RN, que la télévision avait trouvés pour disqualifier le mouvement. »

Envoyé spécial s’intéressera régulièrement à Le Pen, toujours à sens unique - « À tel point que j’avais rebaptisé l’émission "Dévoyé spécial" », se souvient Jean-Yves Le Gallou, joint par BV. Pour plus d’efficacité, la presse écrite assure la promotion de chaque Envoyé spécial anti-Le Pen. Exemple type de reductio ad Hitlerum, un reportage de 1992 est décrit par Le Monde comme méritant « d'être diffusé dans les écoles et les lycées ». À l'occasion d'un autre numéro d'Envoyé spécialLe Pen dans le texte » 1997), Libé rappelle qu’on « ne peut pas filmer, inviter, interviewer Jean-Marie Le Pen comme un autre homme politique ».

Rire avec Le Pen ? Insoutenable !

De « marginal » à « interdit d’antenne », il n’y a qu’un pas. En 1985, prenant prétexte de propos tenus aux BBR (Fête des Bleu-Blanc-Rouge) contre des journalistes de la station, Europe 1 boycotte Le Pen pendant plus de deux ans. Une sanction inédite, dans l’histoire des médias, taillée sur mesure pour celui qui est l’ennemi médiatique n° 1.

En septembre 1995, Patrick Sébastien se grime en Le Pen et interprète une parodie de Bruel : Casser du Noir. On diffuse une vidéo de Kersauson montrant la séquence à Le Pen, qui rit. Réprobatrice, la presse papier se drape dans sa dignité. Libé qualifie l’émission de « télé-nausée ». Le Parisien la boycotte en publiant une page télé aux trois quarts blanche. Le CSA (l’Arcom d’alors…) note qu’on a « frôlé l'incitation à la haine raciale ». On peut se moquer de Le Pen, lui infliger des caricatures infamantes - en 1987, Le Monstre, mensuel satirique, exprime le souhait que Le Pen attrape le SIDA -, mais on ne peut pas rire avec lui : Patrick Sébastien et Patrick Le Lay, le PDG de TF1, sont condamnés, en 1996, pour « provocation à la haine raciale ».

2002 : l’entre-deux-tours

Durant les quinze jours d’hystérie collective qui s’emparent de la France, entre les deux tours de la présidentielle de 2002, la presse est donneuse d’ordre et caisse de résonance. La une de Libé affiche « NON », comme L’Humanité qui, en plus, raye le visage de Le Pen. Le Monde sort opportunément des « révélations » : « La campagne du chef du RN réveille à Alger le souvenir de la torture » et, avant les législatives, « Le Pen, tortionnaire en Algérie ».

Les réactions de 2002 sont l’acmé de la lutte médiatique anti-Le Pen. Après un tel étalage d’insultes et de forgeries dont l’éthique journalistique est absente, pas d’autre choix que baisser de ton. De plus, Le Pen passe la main à sa fille en 2011. Il y a moins d’intérêt à taper. Et puis… les événements ne lui donnent-ils pas raison ? Les émeutes de 2005, les attentats des années 2010 réalisent les avertissements de Le Pen quant à l’immigration et l’islamisation. Si Le Pen n’était pas le diable qu'ont décrit les médias, mais un lanceur d’alerte ?

La haine anti-Le Pen tourne au marronnier

Loin de faire amende honorable, les journalistes continuent de mouliner la doxa : « Le porteur de scandales » (Libé, 2013), « Jean-Marie Le Pen, champion des condamnations » (Le Parisien, 2015) ou France Info, pour qui le parcours de Le Pen se résume à « une vie politique jalonnée de propos condamnés par la justice » (2016). Les mots, usés, n’ont plus grand sens. La haine anti-Le Pen tourne au marronnier.

Quand, en 2018, sort le premier tome de ses Mémoires (Fils de la nation, Muller Éditions), la presse est presque respectueuse. C’est l'œuvre d’un « facho », mais « qu'on le veuille ou non, Le Pen, c'est notre histoire », écrit Le Point, qui résume assez bien l’ambiance. Jean Daniel y voit « les habits neufs d'un fasciste heureux » (Le Nouvel Obs), réflexes d’une autre époque car, en 2022, France Info ose relayer l'avis de l’historien Nicolas Lebourg, pour qui « il est certain que Jean-Marie Le Pen n'a jamais été fasciste ». Tout ça pour ça !

Et maintenant ?

Interrogé par BV, Bruno Gollnisch rit, en se remémorant Alain Duhamel : « Pendant dix ans, quinze ans, de 1980 à 1995, M. Duhamel assurait que Jean-Marie Le Pen et le Front national, ce ne serait qu’un feu de paille. » Avec le décès de Jean-Marie Le Pen s’écrit une dernière page médiatique. On rappellerait volontiers son admonestation de 1993 : « Messieurs et mesdames les journalistes, mais pour quelle catégorie de privilégiés vous prenez-vous donc ? Vous êtes là pour faire votre travail ! »

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

12 commentaires

  1. « Les morts ne veulent pas qu’on les pleurent..ils veulent qu’on les continuent »
    Les dignes héritiers des tricoteuses et des sans culotte ont donné libre cours à leur vulgarité , espèrons seulement que l’avenir ne donne pas raison aux pires prédictions de monsieur Le Pen .

    • Monsieur Zemmour apprendra peut être a mesurer ses propos, sa violence parce qu’a suivre l’exemple Le Pen il a vu ce que ca peut donner… Marine elle, l’a compris à ses dépends pendant de longues années. Pour diriger notre pays les français on besoin d’apaisement, d’un rassemblement patriote… qui parle à chacun, qui peut avoir une résonnance pour tous les français, pas uniquement à son groupe.
      Le RN l’a compris avec Marine à sa tête.
      JMLP était un fabuleux lanceur d’alerte pour cela, pas besoin de Zemmour qui na été qu’un excellent commentateur de l’histoire, chroniqueur… mais homme politique surement pas… qu’il est venu semer la pagaille en divisant les cadres et les militants du RN?

  2. Un bon rappel de ce que sont les médias et finalement de ce qu’ils ont toujours été, des gens qui ne sont pas des journalistes indépendants, neutres et faisant de l’information, mais des propagandistes aux ordres du pouvoir et des milliardaires qui les paient.

    Il faudrait leur rappeler qu’on lutte contre des idées avec des idées, programme contre programme et qu’on ne fait pas du journalisme d’égout en appelant à la haine d’un homme et de ses idées.

  3. Le Pen a fait partie des 500 000 militaires présents en Algérie mais c’est le seul « responsable des tortures » (*) infligées à ces pauvres terroristes du FLN dont les exactions sont dignes de celles du hamas le 7 octobre en Israël. Mais comme de bien entendu, cela est toujours occulté par TOUTE la gauche et avec l’assentiment à peine voilé de la soi-disant droite.

    -* « les tortures » consistaient à extorquer des renseignements aux fellaghas fait prisonniers par l’utilisation de « la gégène » Simple courant qui n’a JAMAIS tué personne, contrairement à l’atrocité sans nom faite sur leurs prisonniers par ces terroristes.
    Anecdote : Dans ma vie de soldat appelé, j’ai eu l’occasion avec un copain, dans un village reculé du sud saharien, de croiser un « ex torturé » qui se portait comme un charme. Il avait été remis aux centres de rétention qui l’avait « gentiment » remis en liberté !! Et si ce terroriste avait repris les armes, je ne serais pas en train d’écrire aujourd’hui.

  4. Je vous donne mon billet que si le RN accède au pouvoir,on verra la grande partie de ces »journalistes » retourner leur veste tellement ils craindront d’être remplacés, ce qui serait une excellente chose d’ailleurs et plus que nécessaire.Ils ont nui à la France historique pendant 40 ans, et j’attends avec impatience ce retour de manivelle qui balayera ces gens de notre espace public comme eux l’ont fait.

  5. Une excellente journée pour ceux qui vont prendre une claque aux prochaines élections, et notamment 90% des médias et leurs amis courtisans de l’Elysée!
    Décès de JM LEPEN et accident de barque à Mayotte pour MLP le jour même, c’est mieux que de se casser les dents sur une fève en or à l’effigie d’Emmanuel pendant la galette des rois de Matignon, non?

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