[ÉDITO] 49.3, censure, chute probable du gouvernement… Merci qui ?
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C’est acquis ou, du moins, c’est tout comme : le gouvernement Barnier va sauter. Ce lundi 2 décembre, jour anniversaire de la bataille d’Austerlitz, Michel Barnier est monté, sabre au clair, à l’assaut de l’Assemblée nationale en engageant, sur le fondement de l’article 49.3 de la Constitution, la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. C’est une sorte de baroud d’honneur que le Premier ministre a engagé. Rien à voir, en effet, avec les 49.3 à répétition dégainés presque mécaniquement, naguère, par Élisabeth Borne, le sourire au coin des lèvres. Le sourire au coin des lèvres car elle savait, bien que n’ayant qu’une majorité relative, que les oppositions n’étaient pas assez fortes pour la faire chuter. Ce lundi 2 décembre 2024, la situation, pour Michel Barnier, est complètement différente : les forces des contraires (RN, UDR, NFP) sont numériquement supérieures à la coalition des vaincus (Macronie, LR) des dernières élections européennes et législatives. C’est pourquoi la gravité du ton du chef du gouvernement n’était pas feinte, lorsqu'il s'est adressé aux députés.
.@MichelBarnier s'exprime à la tribune de l'Assemblée : "Nous sommes là aujourd'hui parce qu'il est nécessaire que la France se dote d'un #PLFSS. "Pour cela j'ai été au bout du dialogue avec l'ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l'écoute". #DirectAN pic.twitter.com/QIItCID0qh
— LCP (@LCP) December 2, 2024
Sauf surprise, le gouvernement tombera
D’un côté, le Nouveau Front populaire estime que ce PLFSS ne répond en rien à ses attentes ; de l’autre, le RN juge que toutes les lignes rouges qu’il avait fixées à Michel Barnier n’ont pas été respectées (notamment l’indexation de toutes les retraites sur l’inflation que le RN défend). S’ensuit, d’une part, le dépôt d’une motion de censure par le RN, motion que le NFP ne votera pas, d’autre part, le dépôt d’une motion de censure par le NFP, que le RN votera. Et donc, en toute logique (sauf surprise), le gouvernement tombera dans la semaine. En clair, si tant est que l’on puisse encore employer cette expression, au vu de la situation politique du pays, Michel Barnier remettra sa démission au président de la République. Et ensuite ? Ensuite… si vous lisez dans le marc de café ou les entrailles de canard, vous en saurez peut-être plus que l’auteur de ces lignes.
La machine étatique va continuer à tourner
Passons sur le scénario catastrophe évoqué ici et là, notamment par Élisabeth Borne : traitements des fonctionnaires et pensions des retraités qui ne seraient plus payés, désactivation des cartes Vitale ; on en passe, et des pires. Dieu merci, nos législateurs n’ont pas trop mal travaillé, dans le passé. Ainsi, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) permet au gouvernement de présenter devant le Parlement « un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants ». Cette loi adoptée par le Parlement, la LOLF, autorise alors le gouvernement à prendre par décrets les ouvertures de crédits applicables « aux seuls services votés ». Avec ça, il devrait y avoir moyen de faire tourner un temps la machine étatique et la Sécurité sociale de la France, vaille que vaille, cahin-caha, mais sans qu’elle soit complètement bloquée. Sur le plan économique et des marchés financiers, ce sera une autre histoire...
9 juin 2024, jour J de l'irruption du chaos
En revanche, au plan politique, il est évident que l’on va entrer dans une période d’incertitude que l’on n’a jamais connue sous la Ve République. Une Ve République qui avait pourtant été conçue, pensée, rédigée pour conjurer l’instabilité et le brouillard de l’incertitude. Certes, en soixante cinq ans d’existence, la Constitution a été maintes fois remaniée, avec ses 25 liftings. Et l’introduction du quinquennat a passablement contribué à pervertir son esprit originel. L’esprit de la Ve, justement, parlons-en. C’était, après la réforme de 1962, l’élection au suffrage universel du Président. La rencontre d’un homme avec le peuple, comme on disait alors. Si le Président n’était plus en phase avec le pays, il en tirait « évidemment » les conséquences. C’est ce que fit de Gaulle, en 1969, après le référendum (sur un enjeu qui n’était pourtant pas crucial, au fond), en démissionnant après avoir été désavoué par les Français. C’était, non pas la lettre, mais l’esprit de la Ve République.
Or, que s’est-il passé, le 9 juin dernier, jour J de l'irruption du chaos politique que nous vivons aujourd'hui ? Macron est largement désavoué aux élections européennes. L’Europe ? Sa grande œuvre, sa fille, sa bataille, pour paraphraser Balavoine. L’esprit de la Ve eût voulu qu’il mît sa peau au bout de ses idées, son mandat dans la balance de cette élection. Que vit-on ? Tous les maréchaux de la Macronie se débinant et la désignation de Valérie Hayer qui fit ce qu'elle put, c'est-à-dire sauver courageusement les fourgons de la Macronie des eaux de la Bérézina. La victoire des souverainistes marquait la cruelle défaite d'Emmanuel Macron, après sept ans de pouvoir vertical. Un Waterloo. Moyennant quoi, il a dissous l’Assemblée, envoyant au casse-pipe ses braves soldats qui, au fond, y avaient cru et n'avaient pas démérité en le servant, parfois avec un aveuglement consternant. La suite, vous la connaissez, avec la reconstitution d'un « front républicain » qui n'arrangea pas les choses. Malgré toute la bonne volonté apparente de Michel Barnier, vieux grognard rescapé des campagnes chiraquiennes, appelé à remonter sur son cheval d'armes, les choses étaient donc écrites sur le grand rouleau détenu par Emmanuel Macron, quelque part en son palais.
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