[EDITO] Abayas : Gabriel Attal sera-t-il Laïcitator ?

Gabriel Attal

C’est la rentrée, avec son temps maussade, sa liste de fournitures, ses marronniers. Pas ceux qui perdent leurs feuilles dans la cour de récréation. Les autres, ceux qui occupent les médias : le retour de l’école, la polémique sur les abayas. Une note récente fait état d’une progression des atteintes à la laïcité, comme il est convenu d’appeler pudiquement les coups de butoir islamiques.

Or, Gabriel Attal l’a déclaré urbi et orbi solennellement, dimanche soir, sur TF1, au journal télévisé de 20 heures : Il a « décidé qu’on ne pourrait plus porter l’abaya à l’école ». Qu’on se le dise, Gabriel Attal sera l’anti-Pap Ndiaye ; c’est, en tout cas, ce que cette mesure fracassante tend à vouloir démontrer. Et, au vu du bilan désastreux de son prédécesseur, la stratégie est adroite. À la passe à l’aile pusillanime d’un Pap Ndiaye - « l’appréciation du caractère religieux [de l'abaya], ou pas, ce sont les chefs d’établissement qui doivent l’apporter », avait déclaré le ci-devant ministre de l’Éducation, le 6 juin dernier -, Gabriel Attal oppose l’inflexibilité : on va voir ce qu’on va voir. Tandis que Gabriel Attal joue sa partition de fermeté, l’extrême gauche déroule aussi la sienne, qui comprend toujours (c’est sa marque) une bonne louche d’incohérence : l’abaya n’est pas une tenue religieuse… mais en l’interdisant, Gabriel Attal est islamophobe. Cherchez l’erreur.

Débats inextricables

Il faut néanmoins concéder au député LFI Paul Vallier une part de vérité : cette décision, explique-t-il, va « multiplier les problèmes dans les établissements, confrontant leurs chefs à d’infinies difficultés pour déterminer la nature des vêtements. Débats misérables à venir sur le sens de la longueur des tissus ou de la couleur des étoffes. » De fait, les professeurs accueillent avec satisfaction cette décision, s’estimant, à l'instar de Norman Gourrier, du Syndicat national des collèges et des lycées (SNCL), sur BFM TV, soulagés de la perspective de ne plus avoir « le poids de devoir trancher », mais sans doute se réjouissent-ils un peu vite… Si le « hijab » suscite déjà moult controverses - mais non, ce n’est pas un voile islamique, vous voyez bien que c’est un serre-tête, un voile de mariée, la mantille dominicale de la mère d’Alain Juppé ! -, comment imaginer que l’abaya, moins objectivement caractérisable, ne donnera pas lieu à des débats sans fin inextricables et à des indignations faussement candides qu’il faudra bien arbitrer devant la porte du lycée : « C’est une robe longue, monsieur ! On n’a plus le droit de mettre de robe longue ? » Déjà, des clichés de Brigitte Macron, Kate Middleton, Grace Kelly… en robe de soirée jusqu'aux chevilles fleurissent sur la Toile : un vêtement couvrant les bras et les jambes d’une femme n’est pas forcément une abaya, et ce sera donc, in fine, au chef d’établissement de juger. Ou de botter en touche, plus probablement, en détournant le regard.

On peut trouver la décision de Gabriel Attal, au choix, courageuse ou opportuniste. Y voir (enfin) un signal de résistance envoyé à l’hydre islamique, ou un langoureux regard de velours (comme on en a vu tant d’autres) en direction de l’électorat de droite sans autre but que de damer le pion, par un adroit strike, de Gérald Darmanin, Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Une chose, pourtant, est à peu près certaine : même doublée d’une mesure en faveur de l’uniforme, comme le préconisent Reconquête et le RN, cette interdiction théorique n’aura guère plus d’efficacité qu’une éponge tentant d’absorber le débordement d’une baignoire dont on s’entête à ne pas vouloir fermer le robinet. Le hijab, l’abaya, le qamis, le halal à la cantine, etc., ne sont que les manifestations diverses d’une immigration massive à flot continu. L’agitation polémique autour du sujet sert d’ailleurs la cause qu’elle prétend combattre : au même titre que le hijab, le mot abaya est entré dans le vocabulaire courant des Français. Le champ sémantique, aussi, est un terrain de conquête.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

53 commentaires

  1. Fidèle aux concepts macroniens, le pétillant nouveau ministre montre les muscles. Il est hélas à craindre que, comme c’est l’habitude, sa démonstration de force se termine par un flop monumentale. Pourquoi me direz vous ? Et bien parce que sur le terrain ce sont toujours les mêmes qui seront confronté aux injures des élèves, quand ce ne sera pas la violence, suivie de celle des parents. N’oublions pas qu’on a assassiné à la porte d’un établissement scolaire il y a peu. Ajoutons à cela l’avalanche de plaintes, de pourvois et de recours qui seront déposés, sans oublier l’excellent conseil d’état qui cassera le texte du ministre. Entre temps, le ministre aura soit, ouvert une autre chantier, soit été appelé dans un autre ministère.

  2. rien que le mot laicitator me fait penser à notre ministre de la justice qui, en découvrant les méfaits d’une certaine gauche, vocifère !! trop tard Monsieur, vraiment trop tard, vous avez participé grandement à cette décadence avec vos mots insultants les français donc la France ! et vous osez la ramener pour un tribunal en feu alors que tellement d’hommes et de femmes sont tués sans qu’on vous entende, SI ! il nous faut entendre que c’est un sentiment d’insécurité !! alors le tribunal , Monsieur c’est aussi un sentiment , il n’y a rien eu , c’est juste dans votre esprit !

  3. L’interdiction de l’abaya n’est qu’une demi-mesure…
    Comme l’avait fait Jean Zay en 1936, c’est toute forme d’expression qui suscite discussion dans l’École qui doit être interdit.
    Cela concerne certes le religieux, mais aussi le politique (alors que l’on a soi-disant introduit la démocratie : représentations parents, élèves, etc.), l’idéologie et le sociétal (voir toutes les assos au sein de l’EN), autrement dit l’École au régime autogestion si cher à la gauche dite progressiste.

    • « autrement dit l’École au régime autogestion si cher à la gauche dite progressiste. » Chère à la gauche, mais introduite par la droite (Edgar Faure 1969) comme d’hab.

  4. Labayas, vue son ampleur permet de dissimuler une arme.(Voir guerre d’Algerie). Or aucun journaliste n’évoque cette possibilité, qui, à elle seul pourrait justifier son interdiction dans les établissements d’enseignement.

  5. Depuis le début, il était bien évident que la définition précise, descriptive, de ce qu’est une abaya, est impossible !

  6. Il ne fait qu’appliquer la loi et on loue de partout son immense courage !!! Qu’il sorte cette pauvre éducation nationale du marasme dans lequel nous ont plongés les ministres successifs en exercice et à l’issue de cela nous pourrons juger de son empreinte .

    • Effectivement, l’argument le plus neutre serait de s’appuyer sur un règlement intérieur minimum dans lequel les tenues exotiques seraient autorisées uniquement les jours de carnaval. Le reste du temps, tenue sobre et neutre de rigueur. Mieux ? La blouse : propre, bon marché, pratique, non discriminante… seulement des avantages.
      Cela dit, l’argument que l’interdiction d’un vêtement « non religieux » serait islamophobe va être difficile à défendre.

  7. Le plus simple serait d’afficher dans écoles et lycées, la tenue correcte exigée. Préciser en nommant signes religieux abaya et voile, jeans troués, ventre à l’air, interdits . Cheveux propres et coiffés exigés.
    Ainsi la tenue classique correcte due
    par respect aux autres serait rétablie.

    • Oui, mais là, vous faites appel au « bon sens » en faveur du respect de l’autre, cette notion perdue dans le langage courant des jeunes…

    • Que se passerait-il si les élèves ayant des ancêtres zoulous réclamaient le droit de venir en classe en costume traditionnel ?

    • C’est d’une évidence ! Ca existait , à mon époque ( lycée public 62-64 bourgogne)…Et même sous la blouse de rigueur…

    • Absolument !
      Regardez donc, après les infos sur la 2, la tenue des lycéennes et lycéens dans la série « un si grand soleil »…
      Et pas que la tenue vestimentaire, d’ailleurs !

  8. Tous ces politiques sont dans l’opportunité depuis 81 la France c’est ruinée par un manque d’autorité et de bon sens comment peut on se faire coloniser par ses décolonisés ,nous n’aurions jamais du accepter a quelques exceptions prés cet afflue de personnes très différentes de culture et de religion islamiste car le problème est bien la entre notre laïcité tranquille et apaisée qui gérait la vie en France et cette religion islamiste qui est une religion d’Etat . Seul un affrontement pourra régler ce problème ,affrontement qui devrait se marquer par des retours très importants sur leur terre natale .

  9. l’idée est bonne mais le sacro-saint État de droit, c’est à dire la partie du droit établie depuis 40 ans, méprisant nos traditions, notre culture et mettant en péril notre sécurité en France va sans doute être rappelé par le Conseil d’État.
    Imposer l’uniforme eût été plus adroit.

  10. Le bras de fer – soft- avec les islamistes va donc continuer…Il se pourrait qu’à la rentrée un afflux de filles revêtant des robes longues, coiffées de  » bandanas » affluent dans nos lycées de  » France »( sommes- nous toujours en France ?).
    Que feront les chefs d’établissement ?
    Filtreront- ils les accès ?
    Si oui, renverront ils ces charmantes demoiselles modifier leur tenues ?
    Je crains que l’affrontement ne soit un échec de plus surtout si d’habiles agitateurs de LFI viennent apporter leur soutien aux récalcitrantes et qu’un recours au bienveillant islamiste conseil d’état ne vienne briser la  » volonté » du ministre.

    • Les islamistes ne manqueront pas de tenter d’autres provocations, mais si les tenues correspondantes sont conformes aux règlements intérieurs, elles ne seront pas provocantes et les tentatives feront flop.
      Les chefs d’établissement scolaires vont devoir rédiger avec le plus grand soin les règlements intérieurs, et surtout demander aux surveillants de les faire appliquer.

  11. Attal et les profs ne sont pas au bout de leur peine car le CFCM (Conseil français du culte musulman) ne va pas tarder à déposer plainte devant les conseil d’état et/ou le conseil constitutionnel. Et là, je vous fiche mon billet qu’ils vont lui donner raison et renvoyer Attal (en culotte courte), sur les bancs de l’école ! Hélas …..

  12. J’ai connu l’arrivée des Musulmans en France en 1962 à la fin de la guerre d’Algérie et il n’y avait aucun problème de cohabitation !! Simplement c’était un problème de nombre et de comportement ! Mais en laissant faire l’immigration « galopante » la minorité est largement majoritaire dans certains quartiers et impose sa loi avec ce qui est grave un esprit de vengeance . On pourra faire ce que l’on veut, mais rien ne stoppera la loi des chiffres donc nous sommes « foutus »

    • En 1962, il n’y avait pas encore l’arrivée des musulmans ! C’étaient les rapatriés d’Algérie martyrisés( français d’origine) et, ce que nous trouvions incongrus, leurs compatriotes juifs d’origine séfarade, avec leurs traditions et comportements bizarres. J’ai vu mon premier collègue tout noir ( antilles) en 1967 (Paris) mais les musulmans, pas avant 1974

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