[ÉDITO] Au fait, qui sont les créanciers d’une France ultra-endettée ?

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Les débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi de finances pour 2025 sont de plus en plus intéressants. Tout du moins pour ceux qui veulent bien s’y intéresser ! On commence à y poser des questions que, jusqu’alors, on ne se posait pas vraiment. Comme celle-ci, par exemple : qui sont les créanciers de la France ? En commission des finances de l’Assemblée, le député RN Matthias Renault, qui ne doit pas être complètement bas du front (à sa sortie de l’ENA, en 2015, il a prêté serment comme magistrat de chambre régionale des comptes), a évoqué cette question. Vaste question !

L'ampleur des dégâts

C’est vrai ça, avec 3.228,4 milliards de dette publique à la fin du deuxième trimestre 2024, contre 3.159,7 milliards à la fin du premier trimestre (soit près de 69 milliards de dette supplémentaire, le temps d'une saison), on se dit – peut-être naïvement – qu’on est en droit de savoir qui sont les créanciers de la France. Mais, semble-t-il, il paraît que la chose est plus compliquée qu’il n’y paraît. Il est vrai que tout devient compliqué, imbriqué dans ce vaste monde. C’est pour ça, d’ailleurs, qu’il nous fallait à la tête de l’État de véritables Mozart de la finance pour appréhender cette complexité décidément bien compliquée. À l’automne 2017, la fine équipe que l’on sait venant à peine de prendre la direction de l’orchestre, la dette « n'était que » de 1.700 milliards et la durée de vie moyenne de l’encours de cette dette était de 7 ans et 8 mois. Sept ans de malheur plus tard, cette dette frise les 3.300 milliards et la durée de vie moyenne de l’encours est passée à 9 ans et 2 mois… Par ailleurs, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), dirigée par Agnès Verdier-Molinié, rappelle que si, en 2020, la charge de cette dette représentait 13,5 % du déficit de l'État, en 2023, elle est passée à 27,9 % et, en 2027, elle pourrait atteindre plus de 50 %... Dans ce contexte, savoir qui nous tient par les cordons de la bourse ne réduira sans doute pas la dette, mais permettrait, peut-être, de prendre un peu plus conscience de l'ampleur, sinon des dégâts, tout du moins du problème. Vous ne croyez-pas ?

Plus de 53 % de la dette française détenue à l'étranger

Bon, mais qui détient cette dette astronomique ? Selon Vie publique, site Web placé sous l’autorité du Premier ministre, plus de 53 % de la dette publique française seraient détenus par des investisseurs étrangers, principalement des fonds de pensions et des banques. Un chiffre qui se réfère notamment à un rapport parlementaire déposé le 29 mai dernier par le député RN Kévin Mauvieux, lui-même s’appuyant sur les données communiquées par la Banque de France. Ce rapport souligne que « la part des non-résidents est même beaucoup plus importante si l’on soustrait les montants détenus par la Banque de France au titre des opérations de politiques monétaire ». On arriverait alors au chiffre de 72 %, en 2023. Toujours selon ce rapport, « en termes comparés, la France apparaît comme l’un des pays de l’OCDE dont la dette est le plus fortement détenue par des non-résidents ». Effectivement, si l’Allemagne est à peu près au même niveau que la France, le Royaume-Uni et l’Italie oscillent autour de 30 % quand les États-Unis sont autour de 20 %. Ne parlons pas du Japon, qui est en dessous de 20 %. Cela, c’est pour les données dans les grandes largeurs.

Impossible de connaître nos créanciers ?

Maintenant, si l’on veut savoir qui sont les créanciers qui se cachent derrière ces chiffres, cela est quasiment impossible. Certes, la mondialisation et l’extrême rapidité des échanges financiers expliquent en partie cette difficulté. Mais à cela, il faut ajouter une ordonnance bien française prise en 2014 qui a exclu les personnes morales de droit public des règles qui permettent désormais aux entreprises d’identifier leurs obligataires. En clair, l’État, sous le quinquennat de Hollande, s’est volontairement privé de la possibilité d’identifier ses créanciers ! Et ce, pour des raisons de compétitivité. «  Une obligation de déclaration qui s’imposerait aux détenteurs de dette française, et uniquement à eux, nous ferait prendre un risque car ce serait un désavantage compétitif par rapport aux autres États […]. Les investisseurs n’aiment pas dévoiler leurs positions sur le marché, pour des raisons dont certaines me semblent légitimes  », avait, à l’époque, expliqué aux Échos l’Agence France Trésor, gestionnaire de la dette de l’État à Bercy et chargée de traiter avec une quinzaine de banques, spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) et jouant les intermédiaires auprès des marchés. Certes. Ce qui est certain, c’est qu’avec 3.300 milliards de dette, la position de la France sur le marché mondial est plus que dévoilée…

Ainsi, à la question « Qui sont les créanciers d’une France ultra-endettée ? », il convient donc de répondre : « On ne sait pas. » Comme chantait Jean Gabin, « Je sais qu'on ne sait jamais. » Mais, paraît-il, si l'on comprend bien nos Mozart de la finance, ce n'est pas grave de ne pas savoir. Alors, dormez en paix, braves gens...

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

67 commentaires

  1. C est facile d’être magnanime avec de l’argent qui ne vous appartient pas comme l’a fait Macron en distribuant à tout va. Mais ce sont les Français qui paieront et lui ne sera responsable de rien ; et je subodore qu’il ne partira pas « une main devant, une main derrière »

  2. Les « fonds de pensions » sont gérés par qui ?
    Qui en sont les dépositaires ?…
    « Des » banques !
    Souvent privées, telle la Banque Rothschild…
    En France, je pense qu’il est inutile que je vous fasse un dessin pour connaître « qui » travaille (toujours) pour la Banque Rothschild…
    Il n’y a pas que cette Banque privées, d’autres existent sans nécessairement avoir pignon sur rue.

    • Je crois avoir entendu que le Qatar a lui aussi notre dette, et qu’un état, peut être celui là, a revendu une part de notre dette, à un autre état …il n’a pas été dit le nom de cet état …

  3. Un indice : d’où vient Macron ? Autre indice : quel est le nom de la loi évoquée un peu plus bas dans les commentaires ? La loi de l’endettement perpétuel à laquelle il va bien falloir d’une manière ou d’une autre faire un sort.

    • On ne sortira jamais de cette dette. L’Argentine se débat depuis 50 ans dans une dette contractée auprès des mêmes vautours que nous avec le même niveau d’endettement. Les créanciers ne lacheront jamais. Macron, Le Maire et Moscovici devraient etre mis devant un peloton d’execution, car par leur faute ce pays a cessé d’exister pour les 50 prochaines années au minimum.

  4. RAPPEL : N’oublions pas qu’il y a encore 60ans, la dette française était détenue par les citoyens eux-même sous forme d’obligations (emprunt Pinay, emprunt Giscard,..). C’est Pompidou (ex-banquier Rotschild) avec Giscard (ministre des finances) qui ont annulé ce fonctionnement en ne permettant à l’Etat de n’emprunter QUE sur les (appellation pompeuse) « marchés financiers ».

  5. Je n’y connais rien dans ces affaires d’argent mais au niveau des ménages, si j’ai une grosse dette envers un voisin, j’ai un levier pour le tenir tranquille. Tant qu’il espère récupérer son fric, il sera sympa, en plus c’est lui qui me dit bonjour en rue et on sait que c’est le créancier qui fait profil bas en rue, inversement habituel des habitudes oblige.Donc, si c’est une grosse somme, c’est le prêteur qui a des soucis. Oui, va déposer plainte, mais le juge, on connait, il va temporiser, expliquer, dire que j’ai difficile, il n’a pas besoin d’argent, que je fais tout pour survivre, un peu d’empathie que diable etc. etc. En plus les avocats et les frais, c’est dissuasif cher monsieur, c’est un peu le scénario habituel, mais c’est au niveau des ménages, comme on dit en économie, au niveau des Etats, je n’y suis pas et mon propos est une fiction, quoique.

  6. On est bien loin de Raymond Barre qui laissa en partant en mai 1981 avant l’arrivée de mitterrand 43 milliards de francs dans les caisses…

  7. En 1981, la dette était
    anecdotique… 3000 milliards de dettes en 4
    décennies. Nombres de
    responsables de ce scandale sont encore là, en toute impunité et se posent en plus en donneurs de leçons.

  8. Emmanuel Macron sera à la fin de son mandat sacré comme référence en tant que pire gestionnaire de la 5ème république. A lui seul en 10 ans il aura réussi à doubler la dette accumulée par ses prédécesseurs depuis Giscard. Contribuables, à votre bon cœur.

  9. Et si on parlait de la dette des entreprises ?
    Alternatives Economiques juillet 2020

    Dette publique et dette des entreprises En % du PIB source BRI

    PAYS DETTE PUBLIQUE DETTE DES ENTREPRISES
    Grèce 177,0 54,6
    Allemagne 59,7 59,7
    Italie 134,8 67,9
    Espagne 95,5 102,6
    Portugal 117,7 110,3
    Belgique 98,6 152,4
    France 98,4 153,2
    Pays Bas 48,6 158,3
    Irlande 58,8 189,8

  10. Je ne serais même pas étonné si l’on apprenait que des pays comme le Qatar ou l’Arabie Séoudite font partie de ces créanciers avec d’autres pétro-monarchies.

  11. La dette est détenue par les milliardaires au travers de fonds créés à l’étranger .
    Essayez vous même d’acheter en France de la dette française et vous constaterez que c’est très, très difficile, sauf via l’étranger…
    C’est une rente recherchée par les milliardaires qui augmente avec l’augmentation annuelle de la dette des états qui ne sera jamais remboursée .
    C’est une forme de mise en esclavage des peuples parce qu’ils ont perdu la souveraineté monétaire (La loi no 73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France, parfois appelée « loi Pompidou-Giscard-Rothschild »)
    Pierre-Yves Rougeyron
    Enquête sur la loi du 3 janvier 1973: Comment une élite de banquiers et hauts fonctionnaires a endetté la France

  12. 2017, Macron prend le pouvoir, la dette est à 1700 milliards. 2024, Macron toujours au pouvoir, la dette 3228 milliards. Ainsi agit un Mozart français de la finance formé dans les grandes écoles françaises. La Covid, une goutte d’eau dans cette tempête. Qu’en déduisez-vous ? Ou nos écoles sont désastreuses, ou le Mozart est largement surestimé et nos élites qui le jugent « intelligent », totalement à coté de la plaque. Ne soyons pas étonnés si la France décline à grandes enjambées. Mais à qui profite le crime ? Aux financiers qui ont soutenu Macron en 2017. Un renvoi d’ascenseur par intérêts intermédiaires.

    • Tout à fait exact. J’entendais, hier, des manifestants clamant « Nous ne sommes pas responsables de la dette de la France ! ». Eh bien si, tous ceux qui ont mis E. Macron au Pouvoir en sont responsables. Et plus précisément, tous ceux qui ne votent pas ou qui ne votent pas pour des partis prônant la sortie immédiate de l’union européenne (qui a permis – non, qui a voulu ces endettements vertigineux), sont responsables de notre malheur à tous. On a ce qu’on mérite et nos actes ont des conséquences.

      • Je suis hélas, contraint de reconnaitre le bien fondé de votre article et de vous avouer que je suis tout à fait d’accord avec vos conclusions. Je serais même à pronostiquer que si aujourd’hui il y avait des élections présidentielles, macron serait ré-ré élu par les mêmes qui le critiquent, les mêmes qui ont voté pour lui en 2017 & 2022 juste pour faire barrage à Marine Lepen.

    • Les français ont voté deux fois pour le fossoyeur, ils savaient dès la deuxième fois qu’ils votaient pour la ruine définitive du pays. On récolte ce que l’on sème et là on a semé du chiendent.

    • Quand j’apprends quelles bêtises font les ingénieurs, je comprends que les financiers en fassent aussi et j’ai peur du domaine médical, pour l’instant ça va, mais il y a là aussi des craintes, des professionnels disent que le niveau baisse là aussi…Quant à l’enseignement, n’en parlons pas !

    • « Ou nos écoles sont désastreuses, ou le Mozart est largement surestimé et nos élites qui le jugent “intelligent”, totalement à coté de la plaque.  »
      Les deux, mon général…

  13. Dans le cas présent, il est incompréhensible que LeMaire ait pu tranquillement s’exfiltrer en Suisse. Est-il aller s’asseoir sur le tas d’or qu’il s’est constitué ?
    Pourquoi les fossoyeurs des finances de la France ne sont-ils pas mis en examen ?

      • Ou au Maroc avec toute une équipe…Combien d’avions pour déplacer tout son petit monde? Les Palmiers et le soleil, ça change les idées et ça fait du bien..Laissons les Français patauger dans le marigot et profitons de la vie…

  14. Que les parlementaires à qui Bercy s’était dispensé de transmettre en temps et en heure les éléments constitutifs du budget 2025 ne puissent pas obtenir la liste des créanciers de la France, ça n’a plus rien d’étonnant dans la démocratie française, déconstruite façon Macron. Heureusement, il reste cette chère transparence dont tout un chacun profite lorsqu’il s’agit de payer impôts, taxes, contributions et autres participations à à peu près tout et n’importe quoi.

  15. Il est pourtant bien évident que de telles sommes influent sur la politique étrangère française et que donc la situation devrait être connue de plusieurs Ministres impliqués et aussi des différents partis politiques. Comment faire des élections démocratiques si de tels contraintes sont ignorées de tous ?

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