[ÉDITO] La « faillite morale » de Bayrou : la gauche fait chauffer le bûcher

Capture d'écran
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Qui a dit, au sujet du nombre d’immigrés sur le sol français, « le seuil de tolérance a été atteint dès les années 1970 » ? Jean-Marie Le Pen, sur le plateau de François-Henri de Virieu ? Non. Jacques Chirac, dans l'enthousiasme d’un meeting du RPR chauffé à blanc par ce diable de Charles Pasqua ? Non. Alors qui ? François Mitterrand, en 1989. Mitterrand, le lointain et brillant prédécesseur du pâlichon Olivier Faure à la tête du PS, le grand ancêtre de la gauche morale, inventeur, par Julien Dray et Harlem Désir interposés, de SOS Racisme. François Bayrou a dit un peu la même chose, lundi soir, sur le plateau de LCI, et a réitéré ses propos à l’Assemblée nationale, mardi après-midi, déclenchant, comme le rapportait, hier soir, Marc Baudriller sur BV, les « hurlements d’orfraie » de la gauche. Vous pensez bien, oser évoquer « un sentiment de submersion » après avoir expliqué, en gros, que l’acceptabilité de l’immigration par un pays était une question de proportion !

Pas la première fois, pourtant, que le Palois émettait ce point de vue. Lors de son discours de politique générale, le 14 janvier dernier, il avait pris l’image d’un village en évoquant notamment Mayotte : une famille d’immigrés qui s'installe, ça passe. Maintenant, si c'est trente familles, ça passe plus (la notion de seuil de tolérance, évoquée jadis par Mitterrand...). Bon, la gauche s’était un peu étranglée dans le brouhaha habituel entretenu par les sans-culottes LFI, mais le Parti socialiste - vous savez, ce parti qui a fait 1,7 % à la dernière présidentielle – n’en avait pas fait un casus belli valant la censure, deux jours plus tard. « En responsabilité », comme ils disent aujourd’hui…

Un grand classique de la gauche : la posture morale

Deux semaines plus tard, tout a donc changé. La faute à Bayrou et à son « dérapage ». Son « détail » à lui, en quelque sorte. Une « faillite morale », estimait Marine Tondelier, qui ne fait jamais dans la dentelle de Calais, ce mercredi matin, sur France 2. Carrément. La veille, sa copine Cyrielle Chatelain, patronne du groupe écolo à l’Assemblée, avait déblayé le terrain en lançant au Premier ministre : « Vous nous faites honte ! » Très fort, plus fort que le désormais éculé « Vous n'avez pas honte ? » « Vous nous faites honte ! », sous-entendu : « M. Bayrou, vous n’êtes plus des nôtres, les vaillants combattants du Front républicain. » Ça vaut de facto excommunication. À moins que Bayrou ne fasse repentance, demande pardon, pieds nus, en chemise et la corde au cou. C’est un grand classique de la gauche : la posture morale. Avec, en corollaire, ce pouvoir magistériel exorbitant de dire ce qui est bien, ce qui est mal, de prononcer des anathèmes, d’élever aux honneurs de l’autel de la bien-pensance. Un pouvoir qui se rétracte depuis des années et, donc, se crispe, dans les soubresauts d'une religion en voie de disparition.

PS : sortir du supplice de l'écartèlement

Donc, Bayrou est en passe de devenir infréquentable. Ipso facto, les socialistes, en guise de représailles, décident de suspendre les discussions sur le budget avec le gouvernement. C’est beau, mais c’est quoi, le rapport ? « Voilà des gens qui ont des principes », diront les naïfs. « La belle aubaine ! », diront ceux qui voient le truc gros comme une maison. Dans une semaine arrive le vote du budget à l’Assemblée. 49.3 en vue. Et, donc, dépôt d’une motion de censure par LFI, les écolos et les communistes. Et les socialistes ? Tiraillés en interne entre les partisans de censurer et ceux qui veulent gagner du temps, histoire de se refaire la cerise pour 2027 (Hollande ?), voter la censure sur un prétexte moral serait du meilleur effet et permettrait de sortir de ce supplice de l’écartèlement dans lequel le PS s’est fourré. Continuer à exister, malgré les moins de 2 % à la présidentielle, malgré une vassalisation vis-à-vis de LFI indéniable (combien de candidats PS auraient été élus aux dernières législatives, hors de la coalition NFP ?). Vassalisation dont on a eu encore, mardi soir, une belle illustration à Villeneuve-Saint-Georges : après l’échec de la fusion entre la liste de Louis Boyard et celle des socialo-écolo-communistes, cette dernière a préféré se saborder, ouvrant ainsi les portes de la mairie à une municipalité LFI pur jus avec, en prime, dans ses rangs un militant clairement pro-Hamas. Si ce n’est pas de la soumission…

Tout cela, au fond, n’est que comédie. La gauche feint d’être submergée par l’émotion devant les propos du Premier ministre. Et les Français, par quoi sont-ils submergés ?

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

73 commentaires

  1. LFI a fait les gros yeux aux socialistes qui ne voulaient pas voter une motion de censure .Ceux ci ont saisi le prétexte du mot  »submersion », pour voter la censure sans se déjuger . C’est bien Melanchon qui commande à gauche , les autres ne sont que des pantins qu’il fait danser.

  2. Pour la première fois, j’ai une certaine sympathie pour Mr Bayrou, et je lui dis : » Courage, tenez bon ! »,lui rappelant Charles Péguy, qu’il doit apprécier : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit » ! N’ayons pas peur des mots. Le mot Chien ne mord pas. Pour une fois l’Extreme Centre fait preuve de plus d’intelligence que la Gauche et ce qui encore plus à gauche, du latin Sinistra, SINISTRE ! Pour rester poli.

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