[EDITO] Le Monde et l’extrême gauche : Beuve-Méry se retourne dans sa tombe

Le Figaro dénonce les compromissions du Monde avec l'extrême gauche antisémite. La dérive du quotidien "de référence".
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En racontant les états d’âme de la rédaction du Monde sur le conflit israélo-palestinien, la journaliste du Figaro Eugénie Bastié a mis les pieds dans le plat. Comme sur le champ politique, le conflit qui oppose l’État hébreu aux Palestiniens soutenus par le Hamas creuse en effet peu à peu une césure entre les milieux intellectuels parisiens, de plus en plus déconnectés, et les sentiments de la majorité des Français. Au sein du journal, le sujet est tabou, constate Eugénie Bastié. « Les gens ont peur, c’est l’omerta », lui a confié une journaliste. Le sujet, explosif, divise les effectifs. Le journal « a toujours été pro-palestinien », explique Bastié, mais désormais, cette position historique vire à la sympathie pour le Hamas et à la haine envers l’État hébreu. On trouve dans la rédaction des autocollants « Stop génocide », « des caricatures affichées frisent l’antisémitisme ou le complotisme », écrit-elle. Dans le viseur, le service société, le service international où sévit Benjamin Barthe, rédacteur en chef adjoint des pages internationales, très engagé en faveur de Gaza et très flatteur envers l’égérie de LFI Rima Hassan, accuse l’article.

Contacté par Le Figaro, le directeur du Monde Jérôme Fenoglio défend l’institution. Il considère que Benjamin Barthe est « un excellent spécialiste du Moyen-Orient, visé depuis des mois par une campagne virulente qui cherche de fait à infléchir notre couverture du conflit en cours ». Le directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote répond, de son côté, à un lecteur mécontent de la gauchisation du journal : « Ce que je constate, c’est qu’une partie du lectorat du Monde s’est droitisée, tout comme l’ensemble de la société. » Pour lui, Le Monde demeure la boussole de la neutralité : c’est le reste du monde qui dérive. « Il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir », dit la sagesse populaire.

Beuve-Méry, un enfant de l'Église et du patriotisme

Le flagrant délit en gauchisation du Monde est intéressant à plus d’un titre. Le journal a, malgré tout, conservé chez certains le prestige du grand journal du soir « de référence », avec particule. Comme le snobisme a la vie dure en France, on s’accroche encore, dans les milieux intellectuels, à cette étiquette d’un autre temps. Car « de référence », Le Monde l’était au temps de ses fondateurs et du premier d’entre eux, Hubert Beuve-Méry.

Or, la vie et la pensée de Beuve-Méry, mort en 1989, sont aussi éloignées que possible de ce qui anime les journalistes du Monde qui fête, ce 19 décembre, ses 80 ans. Né dans une famille très pauvre, le futur directeur et l'âme du quotidien du soir a bénéficié des soins attentionnés du clergé jusqu’à l’âge d’homme. C’est un patriote qui participe, en 1941, à l’expérience de l’école d’Uriage, une école de cadres destinés aux Chantiers de jeunesse. Beaucoup d'élèves et de cadres d'Uriage s’engageront dans la résistance lorsque l'école sera fermée sur décision de Pierre Laval, en 1942. Hubert Beuve-Méry rejoint les FFI. Lorsque de Gaulle l’appelle à relancer sous un autre nom l’hebdomadaire Temps présent, arrêté pour avoir continué à paraître sous l’Occupation, Beuve-Méry accepte. Il dirigera Le Monde presque jusqu’à sa mort et finira par s’opposer à de Gaulle. Mais on est, avec Le Monde d’alors, loin de la gauche LFI. Comme France Inter s’est éloignée du France Inter d’Alain Decaux. Comme France Télévisions a dérapé à gauche, très à gauche, durant la même période.

Le bout d'un système

Comment en est-on arrivé là ? Il faudrait parler de la mutation des cathos de gauche qui ont depuis longtemps balancé les crucifix pour passer à l’extrême gauche tiers-mondiste, de l’influence du directeur de la rédaction du Monde Edwy Plenel, trotskiste militant, qui fondera Mediapart, des recrutements massifs menés du Monde au sein de la rédaction de Libération, de la tentation LFI parmi la jeune génération des journalistes ou encore du wokisme galopant parmi la gauche intellectuelle parisienne. Écrire qu’une « partie du lectorat du Monde s’est droitisée, tout comme l’ensemble de la société », c’est sans doute vrai si l’on regarde la poussée récente du RN et la chute de la gauche dans les profondeurs des sondages. Mais c’est nier l’histoire d’un journal né dans le giron du christianisme social et du gaullisme, qui aura viré vers la gauche militante sous Mitterrand jusqu'à frayer avec l'extrême gauche antisémite aujourd'hui. Comme la gauche, coupée de sa base à force de déconnexion avec les Français, Le Monde arrive peut-être au bout d’un système.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Un journal né « sous le giron du christianisme social et du gaullisme »…déjà très à gauche pour ceux qui l’ont connu ! Cette « référence » n’a jamais été la mienne.

  2. Naguère, ce journal était « le » journal sérieux ( il fallait du temps pour le lire ! ). De référence, donc. Et puis, on se relâche, on s’aligne sur l’Agence de référence etc Sans subventions, ces « journaux » ( Libé, le Monde ) finiraient au pilon ; ce doit être le cas, d’ailleurs car ils restent toujours en vente là où parfois j’achète mes journaux à moi.

    • En effet; dans les années 70 c’était « le pensum » à lire ; avec  » le monde diplomatique », deux jours n’y suffisaient pas (à la lecture).

  3. Le Monde est en effet « LE » journal de référence, mais de plus en plus de référence à ce qui se fait de pire en matière de dérives bassement gauchistes. Il vole de plus en plus bas, et à force de faire du rase-mottes il va finir dans la fosse à purin.

  4.  » Le Monde arrive peut-être au bout d’un système. » On le verra lorsqu’il changera de patronyme pour « La Pravda ».

  5. Cet article consacré à l’Immonde me rappelle l’anecdote suivante. Lors d’une soirée telle qu’on les adore dans les beaux quartiers de Paris, une actrice, je crois qu’il s’agit d’Arletty -mais sans garantie, se précipite sur le directeur d’un journal à scandales de l’époque en lui assénant de but en blanc et suffisamment fort pour que tout le monde entende : « votre journal est bon pour les cabinets ! Heureusement que mon Q ne sait pas lire !  »
    Ah les associations d’idées ! Que voilà un phénomène étrange…

  6. L’Immonde a toujours était un torchon ! Mais un torchon de référence. Quand j’étais ado, sous Giscard, nos profs d’un grand collège/lycée catho Rennais nous expliquait qu’il fallait lire cette cochonnerie. Ne jamais oublier, que sous Beuve-Méry, l’Immonde s’est félicité de l’arrivée de Khomeiny au pouvoir en Iran et de la prise de Phnom Pen par les Khmers Rouges en osant titrer que cette ville venait d’être « libérée »… La suite on la connait ! Cette prétention a détenir la vérité, tout en se trompant sur tout et tout le temps avec la régularité d’un métronome s’est encore aggravée avec l’arrivée de Plenel.
    L’Immonde avait un truc pour donner l’apparence du sérieux aux snobinards qui voulaient se faire passer pour cultivés. Il était écrit avec de tous petits caractères donnant l’illusion de la profondeur de ses articles, alors que ceux-ci étaient simplement écrits avec les pieds, avec des formules alambiquées et parfaitement ennuyeuses.
    Enfin il n’y a aucune raison que le contribuable porte à bout de bras ce machin qui n’a plus de lecteurs. Idem pour l’Huma et L’Aberration !

  7. Je ne vois pas en quoi le journal de Mr Beuve-Mery ait changé sa ligne éditoriale profondément progressiste et ancrée dans une gauche idéologiste et totalitaire. En 1951 ne se réjouissaient-ils pas de l’invasion du Tibet par la Chine et de la fuite du Dalai Lama vers l’Inde. Le Monde restera toujours sur ses fondamentaux, l’Immonde, même si de temps en temps, autrefois, il y eut des journalistes de talent mais fortement influencés par tout ce que nous détestons, le totalitarisme de gauche qui envahit la planète après la fin de la deuxième guerre mondiale, dont nous souffrons encore des séquelles et qui marque encore de son empreinte notre histoire présente dans des pays maintenant hégémoniste comme la Chine. A lire avec des pincettes et un mouchoir sur le nez, car il est toujours bon de connaitre les stratagèmes de ceux d’en face. En fait, c’est la version policée de Mediapart.

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