[EDITO] Le RN reçu à l’Élysée : Macron pris à son propre piège

@Remi Mathis Celestin Goldrstein/ Wikimedia Commons
@Remi Mathis Celestin Goldrstein/ Wikimedia Commons

Ce 26 août, en fin d'après-midi, l'Élysée a été contraint de doucher les espoirs de son allié électoral d'hier, le très bruyant et revendicatif NFP. Après consultation de tous les responsables politiques, l'évidence de départ s'impose : « Un tel gouvernement disposerait immédiatement d'une majorité de plus de 350 députés contre lui, l'empêchant de fait d'agir. » Pour des raisons de « stabilité institutionnelle », l'hypothèse d'un Premier ministre NFP est donc refermée. On respire mieux, du côté des patriotes, mais on n'est pas sorti des ronces pour autant, pour reprendre l'expression favorite de notre ami Georges Michel. Expert en manœuvres tous azimuts, à défaut d'être un gestionnaire brillant, le président de la République sort la pelle et la balayette et ramasse au centre. Il cite LIOT, EPR, MoDem, Horizons, Les Radicaux et UDI. Et tend la main aux socialistes, aux écologistes et aux communistes. Lorsqu'on n'a pas de colonne vertébrale, c'est connu, on est plus souple.... Et lorsqu'on méprise 40 % des électeurs qui ont voté RN, il faut bien trouver des appuis. À cet égard, Macron rappelle aux futurs alliés les services rendus par son parti : « Les partis politiques de gouvernement ne doivent pas oublier les circonstances exceptionnelles d'élection de leurs députés au second tour des législatives. Ce vote les oblige. » Qui t'a fait député ? demande Macron, qui rappelle les désistements anti-RN. Les négociations vont se poursuivre dans un paysage qui n'a jamais affiché aussi clairement ses césures et ses compromissions. Parmi les groupes représentés au parlement, le RN et Ciotti sont bien seuls contre tous.

Quelques heures plus tôt, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont donc rencontré Emmanuel Macron à l’Élysée, prenant leur tour dans la consultation de la classe politique française.

Erreur et compromission

En décidant la dissolution d’une Assemblée dans laquelle il disposait d’une majorité relative certes, mais une majorité tout de même, le banquier d’affaires devenu président de la République, si longtemps décrit par les thuriféraires du politiquement correct comme un génie précoce de la politique, s’est lui-même fourré dans une situation inextricable. L’été finit comme il a commencé : sans solution mais avec une ébauche d'échafaudage centriste. Les observateurs sont sévères avec Villepin, à l’origine de la dissolution-naufrage de 1997. Les mêmes choisissent leurs mots pour éviter de parler d’erreur stratosphérique de Macron, qui a réduit sa majorité relative de 245 députés à 163 sièges, seulement, depuis le 7 juillet. Mais les faits sont têtus. À cette erreur majeure qui trahit une méconnaissance profonde de l’opinion et des Français, le Président a ajouté une fixation, celle du « tout sauf le RN ». Excepté Éric Ciotti, l’ensemble de la classe politique a, une nouvelle fois, foncé tête baissée dans l’assommoir : à court terme, chaque parti a sauvé les meubles, divisant le spectre politique en trois blocs : central, extrême-gauchiste et patriote RN-LR (Ciotti). Mais l’ensemble de la classe politique s’est assise sur ses principes et ses électeurs pour obtenir des députés, quitte à accueillir les voix des banlieues les plus suspectes via le soutien de LFI. Macron a apporté les voix de ses partisans aux opposants du parti à la flamme, quelle que soit l’étiquette, dans toutes les circonscriptions concernées.

Pour prendre les subventions de l’État liées au nombre d’élus, tout ce beau monde s’entend. Mais lorsqu’il s’agit de conduire les destinées de la France et de se préoccuper de l’avenir des Français, la belle phalange anti-RN n’existe plus. C'est la leçon de cette rentrée. La suite, l'administration du pays, le budget de l’État qui devra être tranché entre mi-septembre et fin décembre, tout cela est si secondaire…

Marine Le Pen a ainsi beau jeu de le rappeler : « Nous avions dit soit il y aura une majorité stable RN, soit ce sera le chaos, lance-t-elle, après son entrevue à l’Élysée, ce 26 août, devant les micros tendus. Emmanuel Macron a choisi le chaos. » Un chaos politique très dangereux.

L'ébauche d'un gouvernement au centre, constitué de bric et de broc et à grand peine, ressemble de plus en plus nettement aux derniers efforts d'un système vermoulu et à bout de souffle pour échapper au naufrage. On peut mentir une fois aux Français mais pas mille fois, sept ans durant. Combien de temps durera l'improbable coalition gouvernementale qui se dessine ? Marine Le Pen et Jordan Bardella peuvent se préparer à ramasser le fruit mûr.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

57 commentaires

  1. On en vient à regretter la quatrième république devant ce spectacle lamentable. Pauvre France :quo non descendat ?

  2. On nous avait dit que le R.N. se serait le chaos, et que pour éviter ce chaos il fallait voter pour Macron. Avec ce chaos monstre que Macron a déclenché on en arriverait à se demander s’il n’est par R.N., c’est dire Roi des Nuls !

  3. Ils sont incroyables ces politicards ! Un coup, vous avez les gauchistes NFP, le bloc macroniste et les Républicains sauce Wauquiez qui s’acoquinent pour faire barrage au RN et LR-Ciotti arrivés en tête au 1er tour, au motif que ces gredins de l’extrême-droite sont en dehors de « l’Arc Républicain », donc infréquentables et indignes de gouverner.
    Cette combine contre-nature fonctionne à merveille. Résultat : ça fait gagner le NFP, mais en plus ça sauve la coalition Ensemble menacée de disparition (Nota 1), sans compter un gros supplément de députés pour le clan Wauquiez. Sur le coup, tout le monde content, sauf le RN. Mais maintenant que le NFP demande à former un gouvernement de coexistence, voilà que ses alliés macronistes et wauquiéristes d’hier se coalisent pour dire qu’on ne veut pas de la gauche au pouvoir même sans LFI. Cruelle ironie de l’histoire : le NFP se retrouve à son tour éjecté de « l’Arc Républicain » et interdit de séjour par ses partenaires bien peu reconnaissants, de la même manière que le RN que lui-même a contribué à chasser.
    (1) N’en revenant pas de l’embellie du 2° tour, Attal a commenté : « On a failli disparaître » !

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