[ÉDITO] Macron illusionniste : j’existe, et l’Europe aussi !

Ce 5 mars au soir, Emmanuel Macron a subtilement tenté de tirer avantage d'une séquence douloureuse.
Capture d'écran Présidence de la République
Capture d'écran Présidence de la République

C’était astucieusement cousu. Macron souhaitait s’adresser aux Français pour parler « de la situation internationale et de ses conséquences pour notre pays et pour l’Europe ». On attendait le fameux plus d’Europe, accroché par un élastique à toutes les difficultés de la construction-destruction du continent : il est venu après tardivement, plutôt rapide, discret. On attendait le Macron chef de guerre, il est aussi venu, mais habillé d’humilité, camouflé sous la hauteur de vue, après la raclée subie. On attendait le danger survendu, il est venu aussi (« Qui peut croire que la Russie s’arrêtera à l’Ukraine ? »), mais plus subtilement qu’on aurait pu le redouter. Les Français ont vu un Macron débarrassé de ses réflexes égotiques et emphatiques, masquant ses obsessions européennes et mondialistes avec une certaine efficacité. Voilà pour la forme. Le fond est plus révélateur.

Il fait état de la rupture de l’ordre du monde. Et rappelle même le tragique million de morts et de blessés en Ukraine. Fini les Bisounours de la mondialisation où chacun fait semblant de s’aimer d’amour tendre, une main dans le portefeuille du voisin. Elle a beau réunir ses chefs d’État et organiser d’orgueilleuses palabres vides de sens – ce qu’elle fait le mieux -, l’Europe est en réalité mise au pied du mur, et Macron avec elle.

Palabres entre Européens

Aux grands moments, aux grands hommes, il faut un grand ennemi. Comme au bon vieux temps de la guerre froide, la Russie est habillée en envahisseur. Il est vrai que personne ne l’avait vue envahir l’Ukraine et que, s’il semble illusoire d’imaginer les Russes défiler sur les Champs-Élysées, les pays qui entourent l’empire de Poutine ne sont pas rassurés - les pays baltes en tête. Il est vrai qu’elle s’arme à grande vitesse. « Aujourd’hui, on ne peut plus croire la Russie sur parole, explique Macron. La menace russe est là et touche les pays d’Europe. » Elle a « violé nos frontières », elle « tente de manipuler nos opinions », elle « se réarme ».

Alors Macron fait ce qu’il fait le mieux. Il parle aux Français et organise des palabres. Aucun des gouvernants de l’Allemagne, de l’Italie ou du Royaume-Uni n’a donné à son peuple, ces jours-ci, ce genre d’homélie. Mais Macron lutte contre un ennemi bien plus puissant que la Russie, que la colère de Trump ou que la résurgence des droits de douane : il lutte contre le néant. On a entendu, bien exprimé, trois cris distincts et complémentaires : « J’existe », « la France existe » et « l’Europe existe ». Trois cris révélateurs de l’état du pays et de son Président. Le tout mis en musique dans un savant nuage de fumée.

« Toutes les initiatives qui vont vers la paix vont dans le bon sens et je veux, ce soir, les saluer », explique celui qui évoquait, le couteau entre les dents, l’envoi de troupes françaises sur le front. Alors que Trump et Vance ont eu l’initiative de la paix et mènent les négociations sans se soucier le moins du monde ni de l’Europe ni de la France, encore moins de Macron, le Président français veut « continuer à soutenir l’Ukraine jusqu’à la négociation d’une paix solide avec la Russie ». Il a des idées sur cette paix qui « ne peut pas être la capitulation de l’Ukraine ou un cessez-le-feu fragile ». On entend Trump et Vance murmurer « Cause toujours »…

Inquiétude pour la souveraineté française

Il « réunira les chefs d’état-major à Paris, la semaine prochaine ». Encore un sommet de l'impuissance. Et entend réarmer. Soit. En enrobant tout cela d'un européisme diffus. « L’Europe de la défense que nous défendons depuis huit ans devient donc une réalité, jubile le chef de l’État, soudain inquiétant. Cela veut dire que des pays européens sont davantage prêts à se défendre et se protéger, qu’ils produisent les équipements dont ils ont besoin sur leur sol, qu’ils sont davantage prêts à coopérer. » C’est clair comme un jus de chique, mais on est inquiet pour la souveraineté française. Et la main tendue à l’Allemagne ne rassure pas. « [...] répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, j’ai décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection, par notre dissuasion, de nos alliés du continent européen. Quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République, chef des armées. » Si vous avez compris, c’est qu’il s’est mal exprimé…

Macron va orchestrer une coopération militaire européenne, mais comment, avec qui, avec quel argent, quelle stratégie, quels efforts de la part des pays européens qui n’ont aujourd’hui pas vraiment investi dans leur armée, comme l’Italie ou l’Allemagne. On va donc sortir les investissements militaires du déficit public. Soit. Il faudra malgré tout payer quelques dizaines de milliards d’euros, au bas mot. Où ce pays exsangue les trouvera-t-il ? Macron reste Macron.

Tout sauf une ligne claire qui devrait commencer par un constat d’échec. L’UE, qui a coûté si cher à la France en argent comme en perte de souveraineté, a été écartée du jeu comme un vulgaire palefrenier, avant d’être trahie par Zelensky lui-même, revenu vers Trump avec les meilleures intentions du monde. Comme s’il ne croyait pas à l'efficacité de l’appui réitéré de l’Europe. La France craint avec raison de subir, après le coût de la guerre, celui des droits de douane. Le retour des mondialistes à la réalité est décidément brutal, mais ce sont comme d'habitude les Français qui s'apprêtent à payer la facture.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/03/2025 à 15:00.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

242 commentaires

  1. Bravo ! Excellent tout est dit. Nous savons que Macron n’est pas l’homme de la situation. Il va refaire un « sommet » des loosers européens, céder notre défense aux Allemands qui en rêvent depuis 1870, et augmenter massivement les taxes comme le souhaite Eric Lombard notre grand argentier socialiste pour qui l’économie c’est « taxer les plus riches », pas les top riches mais la classe moyenne qui ne vote pas à gauche.

  2. Qui m’aime me suive me dit un galopin qui n’a jamais grandi. Il a peur et il se cache dans le grandiloquant, il est de pacotille et fait le flambant. Il change d’avis comme de chemise et ne sait sur quel pied danser. A force d’être mal aimé il finira par être détesté !

  3. Comme je ne veux pas casser mon téléviseur vu le prix que ça coûte,et comme l’image et la voix de ce sinistre personnage égocentrique,menteur,voleur, manipulateur, mégalomane m’est devenue tellement insupportable depuis 2017 que je n’ai pas regardé comme d’habitude son discours plein de vent .Je ne peux plus le voir à un point qui défie l’imagination. Les comptes-rendus de BV me suffisant très largement et au moins je n’ ai pas de montée de tension.

  4. On nous rabat les oreilles à nous expliquer que la Russie est une menace pour la France. Personne, je dis bien personne, ne nous a expliqué pourquoi ni comment. Affirmer que Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine ne démontre qu’une chose: une méconnaissance totale de Poutine, des russes, et surtout des réalités stratégiques.
    La seule et véritable menace pour la France, bien réelle celle-là, s’appelle Emmanuel Macron. Et c’est cette menace qu’il faut prendre en compte sans plus tarder.

  5. Quel intérêt les russes auraient à envahir l’Europe ???
    Et après que pourraient ils en faire ?
    Comment conserver X états sous sa coupe ?
    On voit bien l’impossibilité de la chose
    Nos va t en guerre n’ont trouvé que cela pour maintenir leur peuple qui commencent à trop réchigner

    • Oui, j’ai vu . La CE accuse l’ingérence russe , or l’ingérence est bien européenne ! Cet homme dérange et on l’accuse de tous les maux et est empêché de présenter sa candidature ! Le peuple roumain donne un bel exemple de révolte, de contestation à cette ignominie. On sait comment ont terminé les époux Ceaucescu …..

  6. J’ai retenu que Macron faisait comme si rien ne se passait dans son dos sur la résolution du conflit russo-ukrainien, soit les États-Unis, Zelinsky sous le bras, et la Russie, sur le chemin de la paix. J’ai retenu aussi qu’il n’ignorait plus qu’il y avait des nations européennes, et que celle -ci pouvait coopérer (cela n’est plus de l’ordre d’une intégration pure et simple). J’ai retenu aussi que la décision d’appuyer sur le bouton nucléaire, quoi qu’il arrive, restera française et cela n’est déjà pas si mal (désolé, Mr Baudriller). Éviter de parler du danger imminent de l’islamisme de notre pays, de la submersion migratoire et l’insécurité, et bien entendu, son corolaire, surestimer la possibilité d’une agression d’un pays européen par la Russie ont quelque peu entaché ce discours consensuel.
    Mais qu’en sera-t-il de tout cela, dans quelques jours, cet homme nous ayant habitué aux mensonges et aux volte-faces ?

  7. M. Macron réinvente le célèbre principe Shadok : Plus ça rate, et plus on a de chances que ça marche. Qui va très bien avec celui de l’administration : Pourquoi faire simple, alors que l’on peut faire compliqué.

  8. Bref, « nous sommes en guerre » et retour du « quoi qu’il en coûte ». Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu ça. Une chose est sûre, la France ne se relèvera pas de 10 années de macronisme. L’effet Macron aura été plus destructeur que tout l’arsenal atomique russe et chinois réuni.

  9. qui peut dire à Macron que ces mensonges et ces délires ça ne prend plus , qu’il faut qu’il démissionne comme l’a fait le général De Gaulle qui LUI aimait la France et avait beaucoup d’honneur en donnant la parole au peuple avec un référendum !

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