[EDITO] Manouchian coche toutes les cases d’une panthéonisation

tombeau Voltaire Panthéon © Samuel

La crypte du Panthéon accueille, ce 21 février, Missak Manouchian et madame, mais celle-ci n’est pas « panthéonisée », elle ne fait qu’accompagner les cendres maritales. Une autre « femme de » y est déjà (Sophie Berthelot). Que les féministes se rassurent, des hommes aussi sont entrés ici à titre d’acolytes : le mari de Simone Veil, le père de Victor Schoelcher. Au total, on approche des 90 personnes inhumées depuis 1791. Entre périodes fastes et moments calmes, le choix des inhumations reflète la vie politique française.

Ouvrant le ban, la Révolution a panthéonisé six personnes de 1791 à 1794 ; mais il n’en reste que deux, Voltaire et Rousseau, qui, de leurs tombeaux, continuent de régner sur le programme du bac de français. Mirabeau, Marat et Picot de Dampierre sont ressortis de la crypte aussi vite qu’ils y étaient entrés, lorsqu’ils furent suspectés, post mortem, d’avoir été « royalistes ». Quant à Lepeletier de Saint-Fargeau, c’est sa famille qui vint le rechercher. Échaudés par ces erreurs d’aiguillage, Directoire et Consulat s’abstinrent de panthéoniser.

En 1806, Napoléon rend la nef au culte, tout en gardant la crypte comme tombeau du régime. L’Empire est le grand pourvoyeur de dépouilles : 42 grands hommes, essentiellement des militaires, des juristes, des politiques. Nécropole républicaine, le Panthéon reste un haut lieu impérial. La Restauration rend à l’édifice son rang d’église complète, sous-sol compris, mais y laisse les tombeaux. À part la translation du corps de l’architecte Soufflot en 1829, aucune inhumation n’a lieu durant plus de cinquante ans.

La IIIe République exhumatrice

La IIIe République, qui veut en finir avec les rechutes royalistes ou impériales et s’imposer à la population catholique, voit dans la mort de Victor Hugo (1885) l’occasion de redonner au Panthéon son rôle de mausolée civique. Les catholiques regimbent mais la République passe outre les protestations en jouant de la popularité d’Hugo. Cette panthéonisation est un acte fondateur. Positivisme oblige, les successeurs du poète au Panthéon seront des républicains et des scientifiques.

Courrier de Saône-et-Loire, 29 mai 1885.

Alors que, sous l’Empire, la plupart des grands hommes y ont été enterrés directement, on doit à la IIIe République d’avoir procédé (pour moitié, à peu près) à des exhumations en vue de panthéonisations. Des soldats de la Révolution et des people de la gauche républicaine (Gambetta, Jaurès, Zola) sont tirés du caveau familial pour devenir les hôtes du Panthéon. Réactionnaire, la République ne trouve de « grands hommes » que dans le passé, lointain ou proche.

Ce procédé devient systématique avec les IVe et Ve Républiques, tandis que le Panthéon continue d’être un baromètre politique. En 1948, les scientifiques Perrin et Langevin sont inhumés en grande pompe en tant que (respectivement) socialiste et communiste. L’année suivante, Éboué et Schoelcher sont encore des choix éclairants, tout comme celui de Jean Moulin en 1964.

Le Panthéon... pour lutter contre l’extrême droite

Si Mitterrand panthéonise un révolutionnaire, un européiste et les Curie, et si Sarkozy aurait aimé y faire entrer Albert Camus, les derniers Présidents ont surtout panthéonisé des résistants (six), une victime du « fascisme » (Jean Zay, qui pourtant voyait dans le drapeau un « torche-cul ») et des non-Blancs (Dumas et Baker, classée résistante également). Le message est aussi clair que puéril : il s'agit de lutter contre la montée de l’« extrême droite » et du racisme. C’est l’option répétée de Mitterrand, de Chirac, de Hollande, de Macron…

Manouchian ne déroge pas à la règle. Puisqu’il s’agit de « résister » à la montée de « l’extrême droite », quoi de mieux qu’un résistant ? Et dans cette posture anachronique, quoi de mieux qu’un communiste ? Et à l’heure de la submersion, quoi de mieux qu’un immigré ? On le voit, le poète coche toutes les cases d'une panthéonisation en 2024. Mais, vu l'usure du procédé, pas sûr qu'elle ait une portée autre que symbolique.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

50 commentaires

  1. La seule chose qui m’importe et à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse (merci à qui me la donnera) : est-ce que Massak Manoukian a, en tant que communiste, dénoncé immédiatement le pacte germano-russe et est devenu résistant dès cette signature ou a t-il attendu pour le devenir que Hitler envahisse l’URSS. Le reste n’est que fioriture macronienne.

  2. Luttons contre les extrêmes, je suis bien d’accord : Extrême gauche, qu’on l’appelle fascisme (comme l’était ce socialiste de B. Mussolini) ou communisme (actuellement le pire régime de la planète). – – – – – – – Ou Extrême droite, bien qu’il n’y ait plus qu’un seul parti d’extrême droite en France aujourd’hui : Renaissance (= « Renaissance de l’ultra-droite »), les macronistes, très élitistes, faisant tout pour favoriser l’élite mondialiste richissime qui exploite les peuples pour leur malheur.

  3. Curieux qu’il y ait eu si peu de résistants fusillés ou massacrés en France digne d’entrer au Panthéon ! Les maquisards du Vercors, ce doit être un mensonge de l’histoire !

  4. Comme la légion d’honneur ou le Panthéon je me sent pas vraiment concerné par cette mascarade encore que pour le panthéon le choix soit un peut plus sérieux encore que … mais pour la légion d’honneur prenons le parti d’un rire moqueur on y peux rien. Par contre si les problèmes s’accumulent de plus en plus et de toutes les directions pour les panthéonisonneurs institutionnels qui préfèrent la lutte contre leur dangers grandissant en continuent, la droite, ils ne voient pas que que cette lutte la favorise dans l’opinion car les électeurs ont quelque chose entre les deux oreilles.

  5. le Panthéon devient un théâtre pour Jupiter , tout ça avant les élection de juin , tout ça pour contrée  » l’extrême drouaaaate  » comme il dise, mais ça ne prend plus , on s’en souviendra en mettant notre bulletin dans l’urne !

  6. Il faut indéfiniment rappeler que le nazisme n’était pas de droite mais inspiré du national socialisme.

  7. Jusqu’à présent personne ne nous a donné de définition ni de l’extrême droite ni du loup-garou…Il y eut beaucoup de royalistes (extrême droite ?) dans la Résistance. Bernanos, envoie ses fils combattre avec la France libre : Michel Bernanos participe au Débarquement ( juin 1944). Raymond Toublanc, Jean Dauphin, Jacques Bordier, Hubert de Lagarde morts déportés dans les camps nazis. Louis Pélissier, chef de groupe du réseau Morhange et compagnon de la Libération, et Marcel Joyeux, tous deux fusillés. Raymond Fassin avec Jean Moulin, et ceux qui ont organisé le débarquement d’Alger en novembre 1942 : d’Astier de La Vigerie, Alfred Pose, Jacques Tarbé de Saint Hardouin. Bonnier de La Chapelle a liquidé l’amiral Darlan..La famille de France a connu aussi l’horreur : Amélie d’Orléans, son mari et leurs deux enfants, Philibert et Maurice ont été arrêtés en 1944 par la Gestapo et déportés à Buchenwald.

  8. Enfin si notre lycéen amateur de théâtre avait relu le discours de Malraux pour l’entrée de Jean Moulin au Panthéon il aurait compris que de Gaulle y faisait entrer la résistance dans son ensemble sans faire de tri rassemblant «entre ici avec ton cortège d’ombres «  .Gageons que ces Magnifiques paroles , le sus nommé en sera très éloigné.

  9. On en apprend tout les jours !! Je ne savais pas que les morts (depuis 80 ans, néanmoins résistants) pouvaient faire partie du « club » très fermé que la bien-pensance nomme : arc républicain » !!

  10. Tout y est , rien à rajouter ; l’olibrius est satisfait : il a encore une fois montré combien il vomissait les Français et ouvert une nouvelle brêche dans nos valeurs , tout immigré clandestin pourra désormais se déclarer apatride et attendre tranquillement la reconnaissance éternelle se son pays d’accueil. Encore d’une captation culturelle et historique sans exemple .Soyons clair je ne remets pas en cause les mérites du bénéficiaire à titre posthune de cet honneur mais j’ai un défunt beau père qui réfugié roumain (arrivé à pied ) à 18 ans est devenu médecin , à combattu en1940 dans 1 un régiment de marche de la légion étrangère (donc composé uniquement d’étrangers volontaires ) s’est ensuite engagé dans un réseau de résistants Picard qui exfiltrait les aviateurs alliés de France , dénoncé il fut interné au camps de Royalieu à Compiègne avant d’être déporté à Buchenwald dont il a eu la chance de revenir .

  11. Alexandre Dumas est né d’une mère blanche et d’un père métis ,enfant naturel d’une esclave noire et d’un père issue de l’aristocratie normande. Donc pas vraiment noir le père Alexandre mais blanc à 75%.

  12. La réécriture de l’histoire a des seules fins de calculs électoraux (où est d’ailleurs la politique là dedans) devient obscène. On comprends mieux dès-lors pourquoi l’éducation-nationale s’efforce de ne former que des êtres acculturés. Honte à tous ces manipulateurs qui au lieu de gouverner pour le bien de leur nation et de leur peuple ne font que diviser et falsifier.

    • Il faut étre très prudent avec les historiens qui ne reflètent l’histoire que de leur poition politique et de leur point de vue !
      Je parle ici de faits sur des hommes, pas toujours facile à cerner. Un bataille par exemple est une victoire ou une défaite, chaque historien y voyant le « pourquoi » de la défaite ou de la victoire, mais le résultat reste le même.

    • On y trouve tout… comme à la Samaritaine ! Ou presque ??? Laissons en paix Manouchian et sa famille, ils ont donné leur sang pour la France.
      Il n’y avait pas lieu de faire tout ce ramdam autour de ce Résistant. Ma famille a créé le mouvement Voix du Nord, et nous avons toujours refusé les honneurs de la République.

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