[ÉDITO] Mercosur : ambiance sud-américaine pour Macron
4 minutes de lecture
Samedi soir, Emmanuel Macron est donc arrivé en Amérique du Sud. Un voyage de six jours dont la première étape est argentine, chez le très controversé Javier Milei. Avec un brin de complaisance, plusieurs médias rappellent que cette tournée sud-américaine tombe soixante ans après celle du général de Gaulle. Un périple de trois semaines qui avait conduit à l’automne 1964 le fondateur de la Ve République à visiter le Venezuela, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili, l’Argentine, le Paraguay et le Brésil. Auparavant, en mars de la même année, il s’était rendu au Mexique (avec ce fameux discours du « La mano en la mano »). Jamais un chef d’État français n’avait fait un tel périple dans les Amériques.
« Un grand pays n’a pas d’amis »
À son retour, De Gaulle écrivait au chancelier allemand Adenauer : « Je rentre en effet de mon voyage en Amérique du Sud convaincu qu’il appartient à l’Europe de jouer un grand rôle sur ce continent auquel elle est attachée par tant d’intérêts, d’amitiés et de traditions ». Ça, c’est pour l’Histoire et nul doute qu’Emmanuel Macron saura exploiter le filon de cette visite historique de son lointain prédécesseur. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois qu’il essaye de raccrocher son wagon à la filiation gaulliste, ne réussissant, peut-être, à convaincre que lui-même.
Les amitiés, les traditions, c’est très bien. Mais il y a aussi et surtout les intérêts. De Gaulle, lors d’un entretien à Paris Match, en 1967, l’avait clairement exprimé : « Un grand pays n’a pas d’amis ; les hommes peuvent avoir des amis, pas les hommes d’État ». Une sorte de reprise de la phrase de Lord Templeton, Premier ministre de la reine Victoria : « L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents ; elle n’a que des intérêts permanents ». De Gaulle avait été à bonne école à Londres ! Et les profusions d’embrassades, dont Macron semble se délecter lors de ces rencontres internationales où il se montre si à l’aise, masquent cette cruelle réalité.
Mercosur : les revirements de Macron
La cruelle réalité, aujourd’hui, c’est ce fameux traité avec le Mercosur, Marché commun du Sud regroupant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie, soit un marché de 300 millions d’habitants face au 450 millions d’ « Unioneuropéens ». Un traité que l’Union européenne, toute dominée par son idéologie mondialiste, sans-frontiériste et libre-échangiste, trimballe depuis bientôt 25 ans comme un mistigri. Rappelons aussi, sans vouloir être cruel, que, jusqu’en juin 2019, Emmanuel Macron voyait ce projet de traité de libre-échange plutôt d’un bon œil : alors que l’Union européenne avait trouvé un accord, il l’avait qualifié de « bon à ce stade », allant même jusqu’à dénoncer les prises de position « néoprotectionnistes » qui parcouraient notre pays. Et puis, tout d’un coup, à peine deux mois plus tard, volte-face, virage à 180 degrés. Le 23 août 2019, l’hôte de l’Élysée retirait son soutien à cet accord. Défense de nos paysans ? Que nenni. Au G7 de Biarritz, Macron dénonçait l’inaction du méchant Bolsonaro, alors à la tête du Brésil et bête noire des humanistes, en matière de biodiversité et de climat. « La Corrèze avant le Zambèze », disait-on dans les années 60 en pleine vague de décolonisation. Avec Macron, ce serait plutôt « l’Amazonie avant le Berry » !
A Bruxelles, pas à Buenos Aires
Plus de cinq ans ont passé. Cinq ans de tergiversations, d’hésitations, de discussions, de double langage et nous voici au pied du mur. Ou plutôt, voici Emmanuel Macron au pied du mur : « J’ai dit au président argentin que la France ne signerait pas en l'état ce traité de Mercosur ». Une déclaration qui vient à point alors que la colère paysanne monte en France, une nouvelle fois. Et pas que dans le Berry ! Cela dit, il faut tout bien lire cette déclaration. Ce « en l’état » veut tout et rien dire. En effet, la semaine dernière, Michel Barnier, venant défendre la position de la France, a rencontré Ursula von der Leyen, qui n’oublie pas qu’elle est allemande lorsqu’elle est à Bruxelles, à la différence des Français qui, eux, ne se souviennent pas qu’ils sont français lorsqu’ils servent dans une organisation internationale... La présidente de la Commission a sans doute écouté très poliment notre premier ministre, en pensant très fort à l'industrie allemande lorgnant sur le Mercosur. Elle a dû le raccompagner, toujours très poliment jusqu'à la porte en l'assurant que sa demande fera l’objet de toute l’attention qu’elle mérite. On l’a bien compris, pour faire court, dans cette affaire du Mercosur, c’est à Bruxelles et non à Buenos Aires que se réglera l’affaire.
Thématiques :
Mercosur