[ÉDITO] Ministère de l’Immigration, parler (ou pas) de l’éléphant dans le salon

Capture d'écran ©Public Sénat
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Reviendra, reviendra pas ? Le ministère de l’Immigration ! La rumeur court depuis lundi - lancée par France Info - et a été déjà plus ou moins démentie, mais à gauche, l’habituelle indignation surjouée est à son comble.

Beaucoup de bruit pour rien ? C'est probable. D’abord parce que si un ministère dédié était la solution miracle à un problème inextricable, cela se saurait. Parfois, il peut même être lui-même le problème. La preuve par le ministère de l’Éducation ou de la Justice.

Ensuite parce que ce ministère a déjà existé sous Nicolas Sarkozy, avec le résultat que l’on sait. Comment Michel Barnier, pieds et poings liés, réussirait-il là où un homme de son parti qui avait tous les pouvoirs a échoué ?

Enfin parce que les dénégations gênées de l’entourage de Michel Barnier montrent qu’il a peur de son ombre. Or, pour le commencement du début d’une vraie politique en la matière, il faudra une volonté de fer, qui ne se laissera pas renvoyer à la niche, queue basse, aux premiers cris d’orfraie.

Élégance 

Michel Barnier est un homme élégant, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et c’est cette élégance intérieure, si rare, qui lui a permis d’arriver à Matignon. Marine Le Pen lui sait gré de son respect. Mais l’élégance peut-elle suffire à faire changer de route le paquebot France ? Il y avait une tripotée de parfaits gentlemen, sur le pont supérieur du Titanic ; sans doute sont-ils morts très dignement, mais ils n’ont pu rien faire. La France ne veut pas mourir dignement, elle veut être sauvée.

Mille signes, parfois infimes, montrent hélas que Michel Barnier ne s’est pas débarrassé de la tutelle morale de la gauche. Sa façon, tout d’abord, de parler de sa mère lors de son investiture - Gabriel Attal a, du reste, parlé aussi de la sienne avant lui. Dommage que ces mères qu’ils aiment tous tant soient immanquablement les grandes oubliées de leur politique. Michel Barnier a brossé avec émotion un portrait de feu sa mère évidemment flatteur - « une maman, c'est important » -, a évoqué toutes ses vertus et expliqué, au passage - ultime feuille de laurier à sa couronne -, qu’elle était « une femme de gauche ». Tout le monde a compris : c’est un supplément d’âme, une supériorité morale. Aucun homme politique de gauche ne se vanterait urbi et orbi d’avoir eu une mère de droite.

« Rien » ou « pas grand-chose »

Puis il a affirmé, lors de son premier 20 Heures, que s'il « respectait » les onze millions d’électeurs du Rassemblement national, il n’avait « rien en commun ou pas grand-chose de commun avec les thèses ou les idéologies » du RN. On peut donc en déduire que l’immigration, que l’on pensait être une préoccupation partagée avec le RN eu égard à ses déclarations lors de la primaire LR à la présidentielle, représente pour lui « pas grand-chose », presque « rien ». Se bat-on pour pas grand-chose et presque rien ? Non, bien sûr.

On peut cependant reconnaître un mérite à cette vraie-fausse rumeur : avoir mis en lumière l'éléphant dans la pièce. Même si ne cela signifie en rien qu'on va faire sortir le pachyderme. Même si l’interrupteur sera sans doute très vite ré-éteint.

L’expression vient de la fable Le Curieux, d’Ivan Krylov, le La Fontaine russe du XVIIIe, évoquée par Dostoïevski dans Les Possédés : « L’homme curieux de Krylov n’avait pas remarqué l’éléphant dans un musée, ayant concentré toute son attention sur les scarabées. » Dostoïevski de conclure : « Il n’est pas allé plus loin. » Il y a fort à parier, hélas, que Michel Barnier n’ira pas plus loin et retournera rapidement à l’observation des scarabées. Mais il n'est pas interdit de rêver.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

72 commentaires

  1. Je trouve que pour une fois, Gabrielle Cluzel fait preuve de beaucoup d »indulgence : L’échec de Sarozy n’est dû qu’à lui même : dans une déclaration célèbre, il a évoqué l’emploi d’un Kärcher dans le domaine de la sécurité et de l’immigration. Nous n’en avons jamais vu la moindre trace d’un commencement de mise en oeuvre. Pour Sarko comme pour la plus grande majorité de nos gouvernants depuis 40 ans au moins – et c’est plus que jamais le cas depuis la macronie – les mots tiennent lieu d’action.

  2. La possible création d’un ministère de l’immigration par Barnier n’a de sens que si le nouveau Premier ministre a vraiment l’intention de concrétiser les promesses qu’il a faites lors de la primaire de la présidentielle 2021 des Républicains, à savoir que pour s’opposer à la submersion et aux dérives migratoires il mettra en place son « BOUCLIER CONSTITUTIONNEL » sous la forme d’un REFERENDUM, afin de faire prévaloir le droit français sur le droit communautaire, et ainsi reprendre le contrôle de l’immigration. En 2021, Barnier promet en effet un moratoire de 2 ou 3 ans sur toutes les admissions d’étrangers, de réduire le regroupement familial, le nombre d’étudiants, de faciliter les expulsions, de reprendre le contrôle de nos frontières, etc.
    Or, je suis désolé d’avoir à dire qu’il faut s’enlever de l’esprit que ce scénario puisse se produise, car un tel référendum n’a aucune chance d’être organisé et encore moins d’aboutir pour des impossibilités juridiques absolues de deux ordres.
    —— 1/ – D’une part, ce référendum contrevient formellement à la législation européenne sur l’immigration telle que définie au Traité d’Amsterdam, au Traite de Lisbonne-TFUE (art. 67, 77 et suivants), aux multiples directives de l’UE, etc… D’où que la France serait à coup sûr condamnée par la Cour de justice européenne et la Cour européenne des droits de l’homme.
    —— 2/ – D’autre part, dans notre ordre juridique interne, un référendum est organisé selon les modalités et pour l’objet définis à l’article 11 de notre constitution. Le premier alinéa stipule que « Le président de la République…peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
    Or l’immigration – qu’on ne doit surtout pas cas inclure dans la politique sociale qui a pour objet la condition des travailleurs, la solidarité, l’assurance sociale, la sécurité sociale, l’assistance sociale – n’entre dans aucun des domaines (ratione materiae) susceptibles d’être soumis au référendum populaire. Il s’ensuit que tout projet de référendum sur l’immigration serait automatiquement censuré par le Conseil constitutionnel au visa de l’article 60 de la constitution et de l’article 46 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique, et qui prévoit la consultation du Conseil constitutionnel sur l’organisation des opérations de référendum.

  3. C’est un montagnard, il marche. Je me souviens des mots d’un autre montagnard devenu ami qui, lors d’une marche dans le Mercantour, me disait à propos de lui : « Il a le pas lent des gens qui vont loin. » Espérons qu’il ait été visionnaire.

  4. De toute façon, les économies sont bien parties. Au-delà de l’image qu’un tel ministère tentera de donner de lui, il ne fera qu’entériner la politique mondialiste ordonnée par Bruxelles et suivie par sa succursale parisienne en matière d’immigration. Les migrants continueront donc d’arriver dans les mêmes proportions et en guise d’économies, nous devrons supporter le coût du fonctionnement du ministère en question.
    Et avec un peu de chance, si le nouveau ministre parvenait à juguler le phénomène, la France se ferait coller une prune sévère par l’Europe.

  5. Un « ministère de l’immigration » ? Pourquoi faire ? Barnier est déjà occupé de mettre des « pares feux  » ! Il faut faire des économies ? Baahh ! on est mal barnier , (pardon mal barré ) ! ça commence bien . Il ne travaillera que pour cette  » europe » . La France et les Français il les enfumera comme il sait très bien le faire . L’immigration est un fléau . Aimé Césaire disait :  » Une société qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente  » …..

  6. Les fortes annonces de 2021 de M. Michel Barnier quant à son moratoire sur l’immigration et la reprise du contrôle de nos frontières nationales sont factices et chimériques, car elles se heurtent frontalement aux règles de fonctionnement de l’espace Schengen, au Traité d’Amsterdam, au Traité de Lisbonne-TFUE (art. 67, 77 et suivants sur les compétences de l’UE en matière immigration), à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’UE-CJUE et à celle de l’immigrationniste Cour européenne des droits de l’homme-CEDH.
    Barnier a donc fait des promesses électorales irréalisables et sans lendemain lors de la primaire présidentielle 2021 d’où il a été évincé au profit de sa concurrente Valérie Pécresse. Tout au plus, le nouveau Premier ministre peut-il réduire par voie de décret le nombre annuel de travailleurs immigrés admis (et en conséquence le nombre des regroupements familiaux qui en sont le corollaire) et celui des étudiants étrangers. Cette réduction est théoriquement possible, mais toujours sous la menace du couperet de l’UE, la CJUE et la CEDH. En fait Barnier n’a aucune marge de manœuvre.
    N’oublions pas qu’en matière d’immigration, le droit communautaire supranational prévaut sur notre droit français interne. En conséquence, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ne sont pas libres, mais au contraire tenus par ce principe juridique supérieur.

  7. J’ai bien peur que l’actuel Premier ministre parle et ne puisse agir dans le domaine de l’immigration , pour deux raisons :
    L’opposition de gauche (LFI et les Ecolos) pratiquent la violence dans les rues .
    Et de nombreuses administrations sont noyautées par la gauche (tribunaux , Education nationale …) .

    • L’européiste Barnier s’est auto-piégé par les promesses électorales qu’il a faites lors de la primaire de la présidentielle 2021 d’imposer un moratoire de plusieurs années sur l’immigration, une drastique réduction du nombre des visas des travailleurs immigrés, du regroupement familial qui va, des étudiants, de recouvrer le contrôle de nos frontières et d’agir pour une prévalence du droit français sur le droit européen. Ses promesses sont illusoires, mais il n’empêche qu’aujourd’hui le RN est bien fondé d’exiger que Barnier tienne ses promesses publiques, et de se tenir au coin du bois pour l’éjecter avec perte et fracas. Question : sauf à mentir et renier ses propos de 2021, il fait comment le PM Barnier maintenant ?

  8. Cette anpathie permanente pour le RN dont le programme , à part sur l’immigration, n’est guère mieux que celui du NFP, vu le montant de la dette fuyons !! Barnier connait bien les rouages de l’UE, pourquoi cela ne l’aiderait il pas à prendre des bonnes décisions pour s’émanciper de certains dictats ou pour obtenir des moratoires , Laissez nous rêver Madame !! Je n’aime pas les scarabées.

    • Je ne vois pas comment on peut suggérer que le nouveau PM Barnier pourrait s’émanciper des rouages de l’UE, étant donné qu’il est matériellement prouvé qu’il est des principaux concepteurs, plus précisément un des 16 pères du TCE qui a débouché sur le Traité de Lisbonne-TFUE de 2007 lequel – avec le Traité de Maastricht de 1992 – est la pièce maîtresse de la construction européenne. Il n’existe pas plus européiste, plus pro-Euro, plus pro-OTAN et plus pro-CEDH que Michel Barnier.
      Je rappelle que ce très important TFUE de Lisbonne signé par Sarkozy et ratifié par le parlement français et non par voie référendaire fixe toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, et ce malgré et au mépris du refus exprimé par les Français lors du référendum de 2005.

  9. Créer un ministère de l’immigration à ‘heure où les comptes publics sont dans le rouge foncé est une ineptie : il faut réduire le nombre de ministères. Le problème de l’immigration peut et doit être réduit avec des ministères de la justice, des affaires étrangères et de l’intérieur forts. Et avec suppression des syndicats dans ces ministères régaliens comme dans celui des armées. Dans la mesure où la fonction publique garantit un statut, les syndicats n’ont rien à y faire. Plus généralement la multiplication des administrations et ministères aboutit à la dispersion des moyens (que l’on a plus) garantie de l’inefficacité. La France n’a pas de problème d’immigration mais bien un problème de socialisme.

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