[L’ÉTÉ BV][EDITO] Pèlerinage de Chartres : les tradis sortent du placard. Maintenant on fait quoi ?

Pèlerinage de Chartres gardien de la tradition

Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, nous voulons célébrer la France éternelle.

On connaissait « l’enfant du placard », voici les cathos du placard. Qui viennent d'émerger de l’obscurité où on les tenait confinés et d’apparaître au grand jour, en clignant des yeux, éberlués, car eux-mêmes peinent à y croire. C’est ainsi, les portes finissent toujours par s’ouvrir, même quand on pensait les avoir bien fermées, et les reclus, par sortir. La faute à Bolloré, une fois de plus, diront certains, et à la retransmission, dimanche, de la messe de Pentecôte du pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté. Mais qu’espéraient-ils ? Que l’équivalent de la ville de Cahors - 20.000 personnes, sans parler du pèlerinage de la Fraternité Saint-Pie-X, dans l’autre sens, plusieurs milliers - continuerait à cheminer chaque année, à pied, de Paris à Chartres sans que personne ne le remarque ? Et du reste, BFM TV, aussi, en a parlé, évoquant son succès grandissant, comme la jeunesse de ses participants.

Le problème est que quand le dentifrice est sorti, difficile de le faire rentrer. Alors, on fait quoi ? On continue les brimades basse intensité, les camouflets feutrés, les prêtres renvoyés (comme celui de la Fraternité Saint-Pierre à Quimper), les confirmations rejetées (à l’instar de Sées), les messes longtemps quémandées, concédées à contrecœur et au compte-gouttes - le dimanche, mais à l’exclusion des grandes fêtes, et attention ! Sans catéchisme ni confessions, et dans l’église la plus excentrée - et parfois, in fine, retirées. Les mariages refusés, et tant pis pour les jeune filles en pleurs, désolées d’imposer une heure de route à leurs invités pour passer la limite du département et trouver évêque plus conciliant. Tant pis, aussi - et c’est encore plus triste -, pour l’église de leur village, toujours vide, toujours fermée, qui a vu jadis le mariage de leur grand-mère et que l’on aurait pu, pour une fois, comme alors, nettoyer, fleurir, éclairer et remplir de fidèles, de morceaux d’orgue et de cantiques… D’aucuns préfèrent encore la laisser close que confiée, l’espace d’un jour, à des « tradis ». Ces derniers investissent des fortunes dans des hangars pour tenter de leur donner forme d’église. Ne ferait-on pas mieux de leur céder les chapelles anciennes menaçant ruine que l’on ne peut plus entretenir ?

Au milieu des rires, ils pensent à souffrir et offrir

Naturellement, nos prélats ne sont pas du même bois et si, pour l’un d’entre eux, comme on peut le lire dans Famille chrétienne, il aurait fallu « interdire » (sic) le pèlerinage de Chartres cette année, d’autres voudraient faire montre d’ouverture. Mais le motu proprio Traditionis custodes du pape François, il y a trois ans, a brisé leur élan.

Bien sûr, il est cruel pour un certain clergé français, qui avait cru en son temps être à la pointe du progrès, d'être perçu aujourd'hui comme une assemblée de « boomers » dont les réformes liturgiques trop audacieuses ont figé dans un cadre seventies daté, et donc déjà démodé, une religion éternelle.

Peut-être ce clergé trouve-t-il absurde que, si jeunes, ces pèlerins pensent à leurs fins dernières (puisque c’était le thème de l’édition de cette année) ? « Quand on nous aura mis dans une étroite fosse, quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe, veuillez-vous rappeler, reine de la promesse, le long cheminement que nous faisions en Beauce », écrivait Charles Péguy, dont ils emboîtent le pas.

Qu’à l’âge de l’insouciance, ils veulent qu’on leur parle de l’enfer - sans lequel le sacrifice du Christ serait vain.

Qu’au milieu des rires, ils pensent à souffrir et offrir. Alors que justement, depuis tant d’années, ce clergé avait limé soigneusement aux entournures la « Pastorale de la Peur », comme l’appelait l'historien Jean Delumeau, avec l'espoir de rassurer et donc d'attirer.

Mais à un moment, il faut se rendre à l'évidence : si, au bout de 60 ans, les nostalgiques de la messe dite de saint Pie V que l’on croyait cacochymes et que l’on attendait de voir (tré)passer ne se sont pas éteints, qu’ils se sont même multipliés comme des petits pains et affichent une jeunesse insolente, c’est que l’on a confondu un EHPAD avec une pouponnière. Inutile d’attendre plus, c’est fichu, ils ne disparaîtront pas.

Une seule question : sont-ils catholiques, oui ou non ? S’ils le sont - peu importe la façon -, ils ont le droit de cité. Pleinement. Pas sur un strapontin éjectable, en marge, « gilet-jaunisés » et contraints à la mendicité. L’Église n’est pas la SNCF, avec ses wagons de plusieurs classes, ni la société indienne avec ses castes et ses intouchables.

Ce litige enkysté depuis de nombreuses années n’est pas qu’une tempête dans un bénitier, une querelle de sacristie qui ne passionnerait que les bigots. Car depuis plus de mille ans, quand l’Église éternue, c’est la France qui s’enrhume. Le nom du pèlerinage de Chartres - Notre-Dame de Chrétienté - est parlant : la chrétienté n’est pas qu’une somme de catholiques, elle est une vision de la société. Celle-là même qui, sédimentée durant des siècles, est en train aujourd’hui de se retirer sous nos pieds, vitesse grand V, avec tous les affres que l’on sait.

Le spécialiste des religions Guillaume Cuchet l’a dit, ce dimanche, à Boulevard Voltaire : dans le domaine spirituel, il y a le Grand Remplacement - celui, massif, des croyants par les athées - et le Petit Remplacement : à l’intérieur du cercle rétréci des religions mais gigantesque aussi à son échelle, celui du catholicisme par l’islam, qui deviendra religion majoritaire d’ici dix ou quinze ans. L’Église peut-elle s’offrir le luxe de repousser ces jeunes pousses qui repartent du vieux tronc, érigeant de nouveaux calvaires, là où tant d’autres, autour d’eux, les détruisent ou les méprisent ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/07/2024 à 12:04.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Les tradis représentent une force tranquille, pesante, certaine de son fait. Au point d’avoir été qualifiés d’extrémistes ! Une qualité qui leur est de moins en moins attribuée. L’évolution actuelle de la chrétienté nous apporte la preuve de cette force. Contre vents contraires, ces tradis ont introduit, sans bruit, leur coin dans cette étrange nouvelle approche du bien…., le mal était de la partie. Etrange pour des cathos! Et s’en tenir à ce mal était à combattre…. De plus en plus étrange ! Incompréhensible pour la foi ancrée chez certains. Ce qui a conduit progressivement à une désertification de nos lieux de culte. Nous ne reconnaissions plus notre église, notre Christ. Mais la foi nous maintenait en éveil. Et cet éveil se manifeste de plus en plus. Ce pèlerinage en témoigne et nos églises reprennent vie.

  2. Ce pape est un wokiste infiltré dans l’église pour la tuer et les évêques, plus soucieux de leur crosse et leur mitre que de leurs ouailles, en le soutenant, scient la branche sur laquelle ils sont assis. Les eglises sont de plus en plus désertées mais, paradoxalement c’est l’equivalent de la ville de Cahors qui participait au pèlerinage de Chartres, dont les rangs ont augmenté de 12% cette année, au point que les organisateurs ont dû refuser des inscriptions… Et ces nouveaux venus ne sont pas des vieillards nostalgiques mais des jeune de 20 ans qui veulent donner un sens à leur vie.

  3. on peut tres bien avoir la foi et se sentir chretien sans adherer à cette eglise deviante rock’n roll longue vie à ces jeune pelerins

  4. Merci Gabrielle, pour ces excellentes réflexions. Tous nos prêtres devraient les lire…et y réfléchir…

  5. Le clergé aurait du écouter ce bon vieil anar de Brassens : « Sans le latin, la messe nous emmerde… »
    merci à Cnews pour cette superbe messe, qui nous a rappelé la grandeur de notre religion, quand elle s’appuie sur la Tradition. La messe actuelle a des allures de causeries de bistro, l’officiant à tout du mastroquet derrière son bar ! Retournez les autels dans le bon sens nom de dieu, vers Dieu.

  6. Pourquoi combattre la religion chrétienne ? Parce qu’elle prône la compassion et la charité ? Parce qu’elle est accueillante, bienveillante, envers tous ? Parce qu’elle est pleine d’espoir, que ses fidèles sont comme des enfants qui aiment Dieu en l’appelant « notre père » ? Bref, parce qu’elle est l’image du bonheur ?
    Oui, ça doit déranger ceux qui vivent la crainte, la violence, la désespérance.

  7. Le Pape aura beau faire, il ne tuera pas la messe de toujours, c’est d’ailleurs la nouvelle Messe qui a vidé les Eglises, cette nouvelle messe qui a tout du rite protestant.

  8. Que sonnent les cloches pour saluer Notre Dame de Chrétienté et la ferveur de ces pèlerins !!

  9. L’intolérance de cette Église me choque, je suis pour le retour aux traditions, l’islam ne se gêne pas pour préserver leurs traditions archaïques, n’ayons plus peur d’affirmer notre croyance et de perdurer nos traditions religieuses, culturelles, historiques, patrimoniales etc… n’en déplaise au Pape

  10. Des gens de tout âge , et surtout beaucoup de jeunes ont fait ce pèlerinage , cela nous prouve quils sont nombreux à vouloir maintenir les racines chrétiennes de ce pays . C’est bon signe et ça redonne un peu d’espoir .

  11. Bravo chère Gabrielle pour v/edito chez Christine Kelly. Cela dit sur un autre sujet, la Caledonie, je regrette que le dossier e soit pas pris sous l’angle anthropologique qui n’est qu’une composante du dossier, mais une composante importante. Profondément chrétiens la déliquescence morale de la République avorteuse, mortiers etc est insupportable. Les européennes aux seins nus sur les plages sont des provocations insoutenables. Dernier directeur du quotidien de Nouméa, France Australe disparu en 1980, je pos les événements d’un autre œil que les commentateurs de plateau…

  12. En d’autres temps,cela aurait pu prendre des allures de schisme. En y réfléchissant bien, un bon coup de pied dans la fourmilière redonnerait sûrement un regain de jeunesse et de ferveur à notre religion moribonde

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