[EDITO] Première séance à l’Assemblée : Bayrou louvoie face au RN

Le RN semble laisser une chance à Bayrou : « Espérons que votre action soit salutaire », lui lance Laure Lavalette.
assemblée nationale

On n’a qu’une seule fois l’occasion de faire une première bonne impression, dit-on. François Bayrou essuyait, ce mardi après-midi, son baptême du feu face aux députés, ceux-là mêmes qui n’ont fait qu’une bouchée de son prédécesseur Michel Barnier. Le Premier ministre est seul face à l’Hémicycle, sans gouvernement - et pour cause, puisqu’il n’est pas encore nommé. Dans ces circonstances, il a été convenu, en conférence des présidents de groupe à l’Assemblée, que chaque groupe poserait une question.

C’est Laure Lavalette, pour le groupe RN, qui ouvre le feu. La députée du Var a quelques mots de compassion pour ces « Français au milieu des malheurs du monde » : « Recevez notre sollicitude et toute notre affection », leur lance-t-elle.

Mais le propos se veut d’abord politique. Le RN entend placer chacun face à ses responsabilités : Emmanuel Macron, qui a dissous, et Gabriel Attal, artisan du front « républicain » qui a rendu le pays ingouvernable. « Le 7 juillet dernier, par un jeu de désistements indigne d’une démocratie mature, le président de la République a empêché une alternance pourtant largement demandée par les Français », attaque-t-elle, Marine Le Pen juste à sa gauche. Le front républicain se retourne bien contre le pouvoir. « Alors qu’il prétendait redonner au pays le choix de son avenir, Macron l’a privé d’une majorité claire au prix de l’instabilité et du chaos que nous connaissons aujourd’hui. » Le couple exécutif macroniste sera « seul responsable devant l’Histoire », pointe la députée.

Bayrou sera jugé sur ses « priorités »

Sans pitié avec la Macronie, le RN ménage cependant le nouveau Premier ministre. On ne saurait jurer de rien… « Espérons que votre action soit salutaire », lance Laure Lavalette à François Bayrou. Elle en profite pour allonger sa liste au père Noël : « loi d’urgence agricole », arrêt de l’accord sur le Mercosur, quitte à geler la participation de la France à l’UE, mise en place d’uns scrutin proportionnel, pouvoir d’achat, fiscalité, « urgence sécuritaire et migratoire ». Alors ? Alors, Bayrou sera jugé sur ses « priorités ». Avec le spectre d’un destin à la Barnier. Le Premier ministre est prévenu : « Vous nous trouverez ouverts au compromis, mais hermétiques au chantage », menace la députée, qui veut que les prochains mois soient, en dépit d’un « pouvoir déclinant », utiles à la France…

Bayrou va tenir le choc, fermement accroché à sa ligne de conduite : surtout ne rien dire, ne pas déplaire, ne pas donner de gage, exposer les rondeurs glissantes du politique madré et lissé par des décennies de pratique. Si la France n’était dans cet état grave, il y aurait de quoi de sourire. Il s'agit d'exprimer son respect envers chacun et chacune qui siège sur les bancs de l’Assemblée, « d’un bout à l’autre de l’échiquier politique ». Comme si le respect n’allait pas de soi. Et, de fait, exprimer son respect pour le RN du siège du gouvernement n’est pas si fréquent. Mais Bayrou explique qu’il est « un partisan acharné du pluralisme en politique. Ce n’est pas parce que nous avons des opinions opposées qu’on ne peut pas débattre », répond-il. Une poussée de démocratie, au moins dans les propos. L’extrême gauche doit être en sueur. « Je ne fais pas de différence entre les députés, poursuit Bayrou. Je pense que n’importe quel élu qui siège sur ces bancs a le droit à un respect équitable. » L’homme qui avait apporté à Marine Le Pen sa signature en 2022, le centriste, ambitieux et européiste, plantera-t-il le dernier clou dans le cercueil de la diabolisation du RN ? Le spectacle de l’exécution politique expresse de Barnier a-t-il ramené les politiciens égarés à la raison ? Dans les années 90, neutraliser le RN, c’était l’écraser médiatiquement. Aujourd’hui, c’est faire en sorte qu’il ne soit pas hostile. Bayrou, en bon Pyrénéen, tente de tenir l’ours RN au collier…

Le bénéfice du doute

Mais le Premier ministre ne dit rien de l’urgence sécuritaire, de l’immigration, de l’agriculture, du pouvoir d’achat… Rien qui puisse laisser deviner qu’il a ou non conscience de l’ampleur de la catastrophe. Il faudra se contenter de cette réponse : « Je ne dissimulerai rien, je ne laisserai rien sans traitement et sans réponse. » Il s’attèlera aux finances publiques, laissées sur une pente dramatiquement glissante par le macronisme : « Je crois avoir montré que ces problèmes sont pour moi essentiels. » Bon… Le dernier rejeton en date des partis au pouvoir depuis quarante ans en France exécute un numéro d’équilibriste, sans chuter.

C’est l’avantage de l’instabilité gouvernementale : les Français seront provisoirement indulgents avec François Bayrou qui s'installe, au bénéfice du doute.

Le Premier ministre a son modèle : le Béarnais Henri IV, sur lequel Bayrou a beaucoup écrit, fut un prétendant désastreux pour la France - mais un grand homme d’État, une fois parvenu sur le trône. Éternel candidat aux plus hautes fonctions, Bayrou a pour l’instant parfaitement rempli la case du prétendant désastreux. Il lui reste à montrer qu’il peut être aussi un grand homme d’État. Les Français ont des doutes ; le RN semble lui laisser une chance…

Picture of Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

48 commentaires

  1. « Je ne dissimulerai rien, je ne laisserai rien sans traitement et sans réponse. »… Mais le Premier ministre ne dit rien de l’urgence sécuritaire, de l’immigration, de l’agriculture, du pouvoir d’achat… Et, se taire, n’est-ce pas déjà tenter de dissimuler ? Avec sa nomination, la France et Pau ont gagné l’une un premier ministre à mi-temps, l’autre un maire à mi-temps… Car Bayrou a tellement confiance en sa capacité à résoudre les problème qu’il se réserve une porte de sortie en ne lâchant pas sa mairie… Mais il aura gagné au moins d’être un « ancien premier ministre » avec tous les avantages qui vont avec… Bureau, secrétaires, gardes du corps, voitures de fonction, indemnités, tout ça payé avec nos impôts… Ça fera le 4ème en un an… La France a les moyens…

  2. Avec Bayrou, je crains que ce ne soit « Bayrouth »: un champ de ruine à l’agonie, attisée par une haine réciproque des forces politiques en présence ancrées dans leur dogmatisme mortifères et incapables de s’unir et de se surpasser pour sauver notre démocratie malade.

  3. Contrairement à beaucoup, à la place de Bayrou, j’aurais fait comme lui. Aller à Pau plutôt qu’à Mayotte est pour moi une évidence. Le président s’en occupe, et le ministre de l’intérieur aussi (qui n’a pas besoin d’un chaperon). Bayrou n’aurait eu AUCUNE plus-value dans cette opération. D’autre part, il est très bon qu’il montre qu’il va revenir sur la constitution socialiste du non-cumul des mandats. Donc, priorité à l’efficacité plutôt qu’au « paraitre ».

  4. Tant que Macron ne sera pas sorti de l’équation , RIEN ne changera . Quand a Bayrou ce mec est fourbe , c’est un fieffé menteur . Il ne fera qu’empirer les choses . D’ailleurs ,ça commence bien ! Sa priorité c’est « son » conseil municipal à Pau , Mayotte et le gouvernement ,ça passe après ! Qui d’ailleurs a coûté près de 15 000€uros aux contribuables . Déplacement fait en jet de la « république » ….Ben voyons !!!!!!!

  5. Avec Bayrou se sera bairouth , il fait pitié avec sa méthode de vieux roublard de la politique, accroché à son micro il fait ce qu il à toujours fait parler pour rien dire et essayé d endormir
    Personne dans l hémicycle n a l air de le comprendre, il tourne en rond n a aucun cap ni aucune solution, du pur Bayrou

  6. Emberlificoter dans son « Moi-je » à lui…
    Pas encore revenu d’être enfin « couronné » premier ministre, le rêve de sa vie, après l’Élysée…
    « Emotioné » par son retour dans les ors de l’Assemblée…
    « Embonpointisé » dans son costume d’élu à vie…
    Notre François à nous, déjà prêt à dire « oui » à tout le monde, en pensant « non »…
    François, alors qu’il ouvre la bouche grassement nourrie au fric de l’État, en oublie de saluer la Présidente macroniste de l’Assemblée, ça commence mal, il s’en prend au protocole !
    Nommé un vendredi 13, notre François à nous s’attelle à grimper le Vignemale* qui se dresse devant lui, à 3.298 mètres d’altitude, ça ressemble presque aux 3.000 milliards de le gabegie macronienne… Comme c’est étrange…
    Je ne sais pas où l’on va, mais on y va tout droit !
    * Vignemale plus haut sommet des Pyrénées côté français 3.298m. Il y a plus haut côté Espagne, l’Aneto 3 404m.

  7. Les français ont plus que des doutes quand on connaît la composition de ce gouvernement où l’on sent encore la main de celui qui a créé le chaos. Rien ne changera et on assistera encore a uns descente du pays.

  8. Il vient d’officialiser son « brevet d’incompétence » ! Honte à celui qui l’a nommé, il ne vaut pas mieux !

  9. Monsieur Bayrou est quelqu’un de pacifique. Et comme tout pacifique, il ménage le chou et la chèvre. Est-ce une qualité ou un défaut ? Dans la situation où il se trouve comme Premier Ministre, je ne trancherai pas, je laisse ça à d’autres plus avisés.

    • J’ ai vu son intervention et il faisait peine à voir, accroché au micro, j’ ai cru un instant qu’ il était au bord du malaise. Quant à être véritablement compétent à ce poste, j’ ai hélas déjà mon avis. Parce qu’à sa décharge, tous ces hommes politiques ne font tout simplement plus de politique, ils ne sont plus les réels décisionnaires. Ce sont des agents au service de l’Europe.

      • Tout à fait d’accord. Mauvais orateur on voudrait respirer pour lui tant il manque de souffle mais du souffle il en à encore pour enfumer la galerie.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Bruno Retailleau n’indique pas comment renverser la situation migratoire
Marc Baudriller sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois