[ÉDITO] Rapport Draghi : l’incroyable aveu

mario draghi

Mario Draghi tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport en anglais de 66 pages, l’ancien président du Conseil des ministres d’Italie et ancien président de la Banque centrale européenne ramène le rêve européen à la réalité : un pathétique naufrage. Ce rapport est un pavé lancé dans l’océan de la doxa européiste imposée depuis des décennies. Dès l’introduction, Draghi pulvérise les pudeurs françaises sur les échecs de l’Europe de Bruxelles : « L’Europe s’inquiète du ralentissement de la croissance depuis le début de ce siècle », écrit le « sauveur de l’euro ». Il constate qu’on a tout tenté « pour stimuler la croissance » mais que « la tendance est restée inchangée ». Faiblesse et impuissance.

Il y a plus grave, pour les pays européens et les gouvernements européistes qui ont vendu sans relâche l’idée d’une UE indispensable pour contrer la puissante économie américaine. « Selon différents indicateurs, un large écart de PIB s’est creusé entre l’UE et les États-Unis », écrit Draghi noir sur blanc. « Par habitant, le revenu disponible réel a augmenté presque deux fois plus aux États-Unis que dans l’UE depuis 2000 », précise-t-il. Relégation.

Les Français relégués paieront la facture

Les ménages du Vieux Continent ne payent donc pas seulement le rêve européen par une immigration sans frein mais aussi par un appauvrissement rapide. Le sentiment de relégation des campagnes, des petites villes, des villes moyennes, des gilets jaunes, des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des professeurs, des infirmières, etc., si bien décrit par l'auteur des Dépossédés Christophe Guilluy était du même tonneau que le sentiment d’insécurité : ce n’était pas un sentiment mais une réalité chiffrée.

L’Europe s’est accoutumée à un taux de croissance faible : les grandes entreprises sont donc allées chercher de la croissance en Asie, nous explique le professeur Draghi. « Super Mario » ne nous dit pas en revanche que, pour croître, les mêmes grandes entreprises sont aussi allées chercher de la main-d’œuvre pas cher en Afrique. La facture sécuritaire et sociale sera payée par les mêmes Français relégués, les contribuables et les prochaines générations.

L'épais rideau médiatique tendu devant la faillite européiste devait s'ouvrir un jour. « Les fondations sur lesquelles nous avons bâti sont aujourd’hui ébranlées », constate benoîtement Mario Draghi. « L’ère de la croissance rapide du commerce mondial semble révolue, les entreprises de l'UE sont confrontées à la fois à une concurrence accrue de l’étranger et à un accès plus restreint aux marchés étrangers. » En clair, l’Europe joue les benêts de la mondialisation. Et se tire des balles dans le genou. « L'Europe a brusquement perdu son principal fournisseur d'énergie, la Russie. Pendant ce temps, la stabilité géopolitique diminue et nos dépendances se sont avérées être des vulnérabilités. » L’indépendance des nations avait donc des vertus ? On se pince.

Défi existentiel

Mais l’Europe ? Cette Europe tournée vers le monde, loin des réflexes néanderthaliens de ceux qui réclamaient des frontières (l’horrible chose) pour les personnes et les biens ? Cette Europe du progrès, de la croissance et de la lumière universelle ? « L’Europe est largement passée à côté de la révolution numérique menée par Internet et les gains de productivité qu'elle a apportés, tranche Mario Draghi. L’UE est faible sur les technologies émergentes qui seront le moteur de la croissance future. » Diable !

Or, la main-d’œuvre va décroître, en Europe, à la satisfaction des écolos qui considèrent que chaque enfant naissant pollue. Comme les vaches et leurs veaux. Il va donc falloir violemment doper la croissance et la productivité, recommande le docteur Draghi. « Si l’Europe ne parvient pas à devenir plus productive, nous serons obligés de choisir. […] Nous n’allons pas pouvoir financer notre modèle social. Nous devrons revoir à la baisse certaines, sinon la totalité, de nos ambitions. C’est un défi existentiel. »

Le diagnostic est indéniable, mais la prescription laisse sceptique : endetter l'Europe de 750 à 800 milliards d'euros supplémentaires pour relancer la machine ! Quant à réduire l’épaisseur de la réglementation - ce que demande Draghi -, autant muer l’énorme machine bruxelloise en start-up ! Pas simple...

Mitterrand et l'Europe « première puissance industrielle » !

À ce stade, il faut regarder en arrière. Quelques semaines avant le référendum de Maastricht du 20 septembre 1992, le champion du « oui » en France, le Président François Mitterrand, s’emballe dans les locaux de Sciences Po Paris. « Est-il normal de penser que seules existent au monde deux grandes puissances économiques et commerciales et, par voie de conséquence, politiques : les États-Unis d’Amérique et le Japon ?, interroge le Président, qui troque alors les idéaux de la gauche pour ceux de l'Europe. Va-t-on laisser "enfoncer" tous nos marchés par ces puissances-là ? »

Ses arguments seront repris par tous ses successeurs, de droite et de gauche. Les discours critiques sont balayés, leurs auteurs qualifiés de faibles d’esprit. L’Europe, lançait Mitterrand, « pourrait être aussi la première puissance industrielle, la première puissance technologique… Et si elle ne l’était pas, du moins pourrait-elle parler d’égal à égal avec ceux qui décident pour le reste du monde. »

Trente-deux ans plus tard, la réalité s’impose. Envahie, débordée, appauvrie, endettée, affaiblie, l’Europe de Bruxelles court vers l’abîme, l’Allemagne fait de moins en moins exception. Le Royaume-Uni s’est enfui et le remords n’étouffe guère les peuples d’Europe de l’Ouest qui ont refusé le funeste rêve, comme la Suisse ou la Norvège.

Ceux qui ont menti n’ont pas de solution mais ils présentent la facture - salée.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

78 commentaires

  1. Draghi étale la victoire de l’oligarchie. Il met en évidence une Europe vassalisée dirigée par les marionnettes infatuees mises en place par les US. La réponse serait de détruire l’Europe Maastrichienne au profit d’une communauté Européenne respectant les souverainetés.

  2. L’armée de fonctionnaires bruxellois et tous ceux qui en profitent ne vont pas revoir leur plan de carrière comme cela. Draghi ne fait que révéler ce que beaucoup pensent depuis longtemps. Ce machin imaginé par les Américains, entre autres, ne le fut pas pour les peuples et encore moins pour les dindons de la farce, à savoir les Français. Il ne le fut que pour quelques-uns, dont les sièges sociaux ou les fondations restent confortablement installés dans des paradis fiscaux, au sein même pour certains de cette même Europe, avec l’assentiment complice depuis 40 ans de nos gouvernements. Ils nous avaient promis paix et prospérité, nous avons guerre et faillite, et je crains que ce ne soit que le début.

  3. Ce n’est pas de « la mauvaise gestion », c’est un piège dès le début, par nature. L’union européenne* n’est pas une nation, elle est une organisation politique supranationale – et donc anti-démocratique – aux mains du « monde de la Finance » (le plus souvent étatsunien), dont la vocation, la fonction, est d’exploiter les peuples, tous les peuples.
    L’u.e. nous appauvrit-elle ? Oui, puisqu’elle oblige les entreprises des pays membres à être en concurrence avec des pays qui n’ont pas le même niveau de vie, pas les mêmes protections sociales et environnementales, sans correctif douanier : ainsi, les nations d’Europe de l’ouest sont forcément ruinées, provoquant endettement et chômage.
    En outre, en obligeant les Etats à se financer, en payant des intérêts, auprès des grandes banques mondiales privées, et non par leur propre banque nationale (donc sans intérêt), ces mêmes Etats sont surendettés, étranglés et donc à la merci de ce « monde de la Finance » qui lui impose sa politique mondialiste.
    L’union européenne est-elle démocratique ? Non, bien sûr, puisque la démocratie est le pouvoir du peuple sur lui même. Elle ne peut donc exister que dans le cadre d’une culture qui forme un peuple et d’un territoire, c’est-à-dire avec des frontières où s’appliqueront ses lois. Un peuple + un territoire = une nation, condition indispensable à la démocratie. Le pseudo-parlement de l’u.e. est fantoche (car sans réel pouvoir), le pouvoir politique est détenu par les Commissaires de l’u.e., non élus.
    L’union européenne est-elle écologique ? Pas du tout, au contraire ! Elle provoque des transports mondiaux effrénés, notamment par mer qui sont les plus polluants de tous (une véritable horreur, renseignez-vous), elle contraint les peuples tiers, par le biais d’accord avec leurs dirigeants, à surproduire, quitte à saccager la planète, elle fait avorter toute économie écologique qui a forcément besoin de protection douanière pour voir le jour.
    On pourrait continuer longtemps la liste de tous les méfaits de ce cauchemar qui ne nous apporte rien, sinon pauvreté, pollution.
    Et les français sont contents, ils en redemandent et votent encore pour rester dans l’u.e. Quand on est au-delà de la logique, dans le suicide, j’avoue que les arguments me manquent…
    * et non l’Europe ! comme voudrait le faire croire ceux qui abusent l’opinion publique. L’Europe est un continent, par une nation. Dire « Europe », c’est un abus de langage pour nous faire croire que l’u.e. serait légitime. Ne sont pas benêts en tombant dans le piège.

  4. Marc Baudriller, bien démontré.
    Jacques Attali, en 2005, a révélé l’origine mitterrandienne de cette idée fausse d’une « UE politique » (SDN en replay). Pour soi-disant « compenser le poids de l’unité allemande dans le contexte de la chute de l’URSS » après 1989. Mais avant de quitter l’Élysée, ce même Mitterrand répéta que les Français étaient en guerre avec les États-Unis « sans le savoir »… Aujourd’hui, nous savons.
    Dragui, homme-lige de Goldman Sachs Bank, fait « COMME SI » l’UE formait un « État » et lui suggère à nouveau ses normes. Comment oser édicter « du droit », lancer à nos frais des « orientations » par des idéologies dérivées qui camouflent une nouvelle Guerre US porteuse de crises, à la suite des abandons orchestrés par cette même « UE »? Qui paiera ces erreurs fatales? En tout cas, pas les BRICS attachés à un monde multipolaire qui redresse la tête, après avoir subi.

  5. Mais qui nous a mis dans cet état de délabrement si ce n’est l’Europe elle-même ! Le déclin de la France a commencé avec Giscard et pour ne rien arranger les sanctions imbéciles contre la Russie , cette guerre russo-ukrainienne que tous nos petits bonhommes soutiennent, financent au détriment de notre pays exsangue. La solution : augmenter nos impôts ! Ben voyons !
    Orban, est bien seul dans tout ce magma européen .
    Si on avait suivi la politique européenne de de Gaulle en s’alliant avec la Russie, nous aurions formé une Grande Europe, mais avec la médiocrité de nos politiques, nous sommes devenus les vassaux des Américains et ils ont gagné ne voulant surtout pas de cette alliance . Nous récoltons ce que nous avons semé.

  6. Quel panégyrique !
    Draghi ne craint pas de « cracher dans la soupe », lui qui doit sa très confortable retraite à tous ces européens que lui et tous ceux de sa « confrérie » se sont assurés l’asservissement.
    En conclusion, de « Tous pour un », il faut souhaiter revenir à un « chacun pour soi » !
    Et que Vive l’EuropEXIT !
    Et pendant ce temps là ?
    Et bien pendant ce temps là, la France, oh pardon, la Macronie s’offre un premier ministre encore plus européiste que Draghi !
    Résident français en Grande-Bretagne depuis 29 ans, je ne regrette vraiment pas d’avoir voté « POUR » le Brexit.
    Quand j’étais jeune la CECA [Communauté européenne du charbon et de l’acier] faisait rêver, l’Europe des Draghi, Macron, Von der Leyen, Barnier, j’en passe et des plus ou moins pire, n’est plus qu’un repoussoir !

    • Selon les médias français le Royaume-Uni regretterait amèrement le Brexit (il faut bien freiner les velléités des pro-Frexit). J’aimerais bien savoir qui ils ont interrogé: des traders de la City? Des jeunes wokistes lobotimisés? Des patrons de grandes sociétés? Pas sûre que les classes moyennes soient mécontentes d’être sorties de ce marasme…

      • FAUX !
        C’est keir Starmer qui commence à faire du pied à l’UE.
        En revanche, Tony Blair, qui a encore son mot à dire au Labour, ainsi que de nombreuses « big wigs » Labour l’ont recadré.
        Les britanniques, y compris une très grande majorité d’électeurs Labour ne souhaitent pas un retour dans l’UE !
        De plus l’UE a poliment fait comprendre à Starmer que le retour de la Grande-Bretagne dans l’UE est impossible.

  7. Pas tellement besoin de main d’œuvre, surtout besoin de gens sachant programmer des ordinateurs, automates, etc… Il faut compter sur une éducation performante et sélective, pas l’école des fans actuelle. Mais c’est bien si certains « penseurs » de gauche commencent à comprendre deux trois trucs sur l’économie… Mais pas seulement, l’éducation devrait être mise en avant par le RN, comme elle l’est par Reconquête

  8. Sur le fond , Draghi enfonce des portes ouvertes , tout le monde sait (ou devrait savoir ) tout ça .
    Sur la forme , ce rapport fera-t-il évoluer quelque chose , même minime ?
    J’en doute , ils sont de milliers à vouloir protéger leur train de vie ou respecter leurs allégeances .

  9.  » Trente-deux ans plus tard, la réalité s’impose. Envahie, débordée, appauvrie, endettée, affaiblie, l’Europe de Bruxelles court vers l’abîme, l’Allemagne fait de moins en moins exception. Le Royaume-Uni s’est enfui et le remords n’étouffe guère les peuples d’Europe de l’ouest qui ont refusé le funeste rêve, comme la Suisse ou la Norvège.  » : 32 ans plus tard nous payons le prix de cette folie , de cette mauvaise gstion , de l’ambition de quelques uns , et nous payons le prix fort aussi bien financier qu’insécurité . Il faut détruire cette UE destructrice et coûteuse dirigé par des arrivistes avides de gain et de pouvoir au détriment des peuples et surtout reprendre notre souveraineté dans tous les domaines .

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