[EDITO] Rencontre Barnier-Le Pen à Matignon : un air de compte à rebours

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Peut-on encore gouverner la France en agitant le gouvernail dans la partie la plus molle du centre mou ? Les premières semaines de Michel Barnier montrent clairement que non. Alors que Marine Le Pen doit rencontrer, ce lundi 25 novembre, le Premier ministre Michel Barnier, le retournement spectaculaire des lecteurs de… Boulevard Voltaire via la rubrique Votre avis est révélateur.

Voilà un peu plus d’un mois, le 12 octobre dernier, 81 % des votants sur notre question hebdomadaire estimaient que le RN avait eu raison de ne pas censurer le gouvernement Barnier. La droite patriote française était prête à laisser sa chance à l’ancien négociateur européen du Brexit. Changement de décor complet, ce week-end. Ce 24 novembre au soir, vous êtes 1.650, soit 66 % des répondants à notre question hebdomadaire, à être favorables au vote d’une motion de censure contre le gouvernement par le Rassemblement national, contre 650, soit 27 % d’avis contraires (6 % ne se prononcent pas).

« Le gouvernement Barnier sera un espoir déçu »

Ce retournement de l’opinion de droite façon crêpe Suzette trouve un écho dans les propos du Rassemblement national dont le ton vis-à-vis du pouvoir a lui aussi changé. « Expulsion des délinquants étrangers, peines planchers, le gouvernement et le ministre de l’Intérieur ont fait voter contre les propositions que nous portions à l’Assemblée dans le cadre de la niche parlementaire du RN, nous explique le député européen et président de la délégation RN au Parlement européen Jean-Paul Garraud. On sait très bien que le gouvernement Barnier sera un espoir déçu. » Marine Le Pen ne disait pas autre chose, sur X, et au micro de RTL, le 20 novembre dernier.


Le ton de l’entretien de ce lundi avec Barnier est donné. Le RN, premier parti de France, veut compter, peser pour la première fois sur la stratégie du gouvernement et sa traduction dans le budget de l’État. C’est cela ou la censure en cas de 49.3. Le RN refuse le relèvement de la taxe sur l’électricité ou de la fiscalité sur les entreprises, et veut obtenir la suppression de l'aide médicale d'État (AME) aux étrangers ainsi que la baisse de 5 milliards de la contribution de la France à l'Union européenne.

Marine Le Pen est-elle affaiblie par le procès des assistants du FN ? Pour la présidentielle, c’est évident. Mais elle est suivie par la majorité de ses troupes, tandis que Michel Barnier perd des plumes. Selon le baromètre IFOP pour Le Journal du dimanche, seuls 36 % des sondés se disent satisfaits de sa gestion (-4 points en un mois), alors qu’ils étaient 45 % lors de sa prise de fonction, en septembre. Les plus mécontents sont les sympathisants de La France insoumise (80 %), les chômeurs (79 %), mais aussi les électeurs du Rassemblement national (73 %, +4 points). Et ce n’est pas Emmanuel Macron qui sortira le Premier ministre de ce toboggan : le président de la République culmine à 22 % de satisfaits, comme en octobre. C’est son niveau de popularité le plus bas depuis… 2017 !

La longue galerie des impuissants

Ceux qui ont patiemment détruit toute idée de nation – fasciste, forcément fasciste, la nation… - ne trouvent aujourd’hui aucun argument pour demander des efforts aux Français. Résultat : le nuage de demi-taxes et d’économies de bouts de chandelle de Michel Barnier agace, inquiète. Pour une grande partie de l'opinion, la longue galerie des impuissants, des virtuoses de l’immobilisme et des prometteurs de lendemains qui chantent grâce à l'Europe et la mondialisation compte un visage de plus : celui de Barnier. Selon une étude Ipsos pour La Tribune Dimanche, 53 % des Français souhaitent que le gouvernement Barnier tombe. Parmi eux, les révolutionnaires de La France insoumise (88 %), les rescapés du Parti socialiste (73 %) et les deux tiers des troupes du Rassemblement national (67 %). Ce lundi, la rencontre Michel Barnier-Marine Le Pen risque de raccourcir encore l’espérance de vie d’un Premier ministre qui n’aura mis que trois mois à décevoir. Il y a comme un air de compte à rebours. Pourtant, la voie du courage est encore libre...

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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