[ÉDITO] Submersion populiste : l’Allemagne, aussi ? Et la France ?

Capture d'écran #merzrede
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Tremblement de terre politique, en Allemagne ! La CDU (autrement dit la « droite modérée » chrétienne-démocrate) a voté ce mercredi, au Bundestag, des projets de loi en matière d’immigration… de concert avec l’AfD (autrement dit l’« extrême droite »). Un événement inconcevable, il y a quelques années encore, notamment au « bon temps » de « Mutti », autrement dit Angela Merkel ! L’instigateur de cette petite révolution copernicienne dans le pays où la réductio ad hitlerum, arme privilégiée du cordon sanitaire, y joue à domicile ? Friedrich Merz, président de la CDU depuis trois ans, et qui pourrait être le prochain chancelier, après les élections législatives qui auront lieu le 23 février. Petite révolution copernicienne, donc, dans le pays où Merkel, en 2015, ouvrit grand les portes à une immigration sans précédent en lançant son fameux : « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »). Les événements de Cologne et d’ailleurs le démontreront.

Le contre-pied de Merkel

Friedrich Merz ? Qui est cet homme, celui que Mediapart appelle « l’anti-Angela Merkel », accusé de couper le sacro-saint cordon sanitaire ? Âgé de 69 ans, il fut le rival de toujours de Merkel (70 ans) au sein de la CDU et a rongé son frein quand elle régnait sans partage. Il a même arrêté, un temps, la politique, est passé dans le privé, où il a fait fortune, ce qui le rend crédible aux yeux des patrons allemands qui défilaient, hier, dans les rues pour dénoncer le déclassement allemand. Catholique conservateur, le wokisme n’est pas son truc ! On le qualifie de libéral-conservateur et il a beaucoup critiqué la décision d’Angela Merkel, en 2011, de faire sortir l’Allemagne du nucléaire. Il y a dix jours, dans un meeting, il a pris le contre-pied de sa meilleure ennemie en lançant : « Das werden wir nicht schaffen » (« Nous n’y arriverons pas »). À quoi faire ? À intégrer « les plus de trois millions de migrants en provenance de pays tiers », expliquant que « cela surchargerait le pays de problèmes tels que les soins médicaux, l’école ou le logement ». Question de « proportion », comme dit le démocrate-chrétien Bayrou, de ce côté-ci du Rhin. Merz a dénoncé vigoureusement les politiques d'immigration des derniers gouvernements allemands, mais aussi européennes. Il avait d’ailleurs promis une politique d’immigration sévère au moment de l’attentat de Magdebourg.

Alors, bien sûr, on lui a reproché plusieurs de ses propos, notamment lorsqu’il avait déclaré que certains migrants pouvaient mieux faire soigner leurs dents que des Allemands. L’aile gauche de la CDU avait appelé, alors, à sa démission. Mais le vent tourne, en Allemagne : certaines estimations ne donnent-elles pas 200 sièges à l’AfD, aux élections du 23 février ? Et Merz compte bien, à travers une ligne qu’on peut qualifier de très droitière, lui couper l’herbe sous le pied. Pas d’entente avec l’AfD (il affirme même que, dans l’absolu, il préférerait se coaliser avec les Verts) mais, cette semaine, il présente trois textes au Bundestag pour muscler la loi sur l’immigration et souhaite les faire passer « quels que soient les soutiens politiques » - comprendre : y compris avec les voix de l’AfD. « Un bon texte ne devient pas mauvais parce qu’il est soutenu par les mauvaises personnes. » À gauche, évidemment, on s’étrangle.

Et la France, dans tout ça ?

Ce n’est pas encore la « submersion populiste », mais ce qui est en train de se passer en Allemagne s’inscrit dans ce « phénomène mondial », cette « réaction de rejet contre le consensus libéral centriste et technocratique qui domine l’Occident depuis la chute du mur de Berlin » et qui traverse de nombreux pays, comme le soulignait, dans un entretien donné au Figaro, le journaliste américain Fareed Zakaria. Selon lui, s’ouvrirait devant nous une « nouvelle ère, pour plusieurs décennies peut-être », où « l’idéologie dominante sera un populisme de droite, conservateur ». En France, où la « vague populiste » a tout de même porté onze millions d’électeurs aux dernières élections législatives, on ratiocine sur les mots. Bayrou parle de « sentiment de submersion » et c’est le drame national ! En 1991, Giscard avait parlé d’invasion. À raison d’un mot tous les trente ans, forcément, les solutions ne risquent pas d'avancer très vite… Mais l’Histoire n’est pas linéaire : ce qui n’était pas imaginable hier devient envisageable aujourd’hui et faisable demain. Comme dirait Merkel, nous y arriverons ! Ou pas…

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

62 commentaires

  1. Dans les années 80, les USA avaient Reagan et le royaume uni avait Thatcher. Nous, nous avions Mitterrand…
    Cette époque a signé le début de la dégringolade de la France mais nous avions tenu le choc grâce aux trésors qu’avaient laissé les générations précédentes.
    Aujourd’hui, tout l’occident est en ordre de bataille économique sauf… Bah nous, comme d’habitude.
    La différence c’est qu’on a plus rien pour nous sauver.
    La gauche française a bien chanté, mais c’est tout le peuple qui va danser maintenant.

  2. Les « droites » françaises n’ont toujours pas compris qu’il faut se rassembler…avant qu’il ne soit trop tard…

  3. En France nous sommes beaucoup plus contaminés, depuis 1789, par l’idéologie rousseauiste et franc-maçonne, que l’Allemagne ! L’épisode national-SOCIALISTE allemand n’a duré qu’une trentaine d’années, même s’il a été ravageur!

  4. Assister à la panique à la frénésie politique et médiatique qui submerge la pensée progressiste européenne, responsable de l’effondrement total dans tous les secteurs, est un moment d’agrément que je désespérais voir arriver un jour.

  5. Bonne nouvelle certes. C’est peut-être le réveil des peuples (je n’aime pas le terme de populisme infecté d’à-priori idéologiques). Il ne reste qu’à espérer que cela conduise à une remise dans le bon sens de notre superstructure européenne. Bye bye VDM et consorts ?

    • Populisme. J’avoue préférer les mots comme: Patriotisme… Nationalisme. Car la France est une Nation et elle est notre Patrie.

  6. le reveil de la france pas pour demain hélàs
    on nous refait le coup du référendum ; j’ai pas digéré celui de 2005

  7. « Arme privilégiée du Cordon Sanitaire »? Comme c’est bien vu et bien dit. L’Allemagne de 2025 paie les dividendes des années Merkel comme nous ceux des trois derniers Présidents dont Sarkozy qui passait pour « de Droite »à l’époque.

    • Je ne pense pas qu’il faille jeter « le petit Nicolas » avec l’eau du bain. Pensant les amadouer il s’est certes laissé bluffé par des politiques de gôche mais n’oublions pas que les 6 premiers mois d’Hollande ont été consacré au détricotage de ce qu’il avait fait. Par ailleurs son programme de 2° mandat allait vraiment dans le bon sens.

  8. Merkel qui a décidé seule d’accueillir des milliers de migrants , l’Allemagne a trié pour garder les migrants dont elle avait besoin et le reste s’est éparpillé en Europe, en particulier dans la France voisine si généreuse en aides diverses .
    Et Merkel ne regrette rien , elle vient de le dire dans un livre , et maintenant elle sort de sa réserve pour revenir faire des leçons de morale politique , je rappelle à la fille de pasteur « Elle ont des yeux mais ne voient pas  » Psaumes 115-5

  9. En France,Marre que tous ces gens élus sur des combines ou mal élus,incompétents et collés à leurs sièges.. Sur l’immigration Bayrou vient de dire qu’il n’y aura pas de référendum même si 75% des gens en veulent un! Censure du RN svp en expliquant bien que ce n’est pas pour une communion de vue avec lfi ( meme si les programmes….) car qui ne dit mot consentement…et le consentement à n’importe quoi ça suffit!…

    • Le Référendum est l’arme secrète du peuple. Il fût écarté du jeu après que Sarkosy ait constaté qu’il n’était pas favorable à l’Europe voulue par les Allemands, à Berlin comme à Bruxelles, et dont nous mourrons.

  10. L’histoire est un balancier : quand il va très loin dans un sens, il revient immanquablement très loin dans l’autre. Il suffit d’être patient. Rappelez-vous, après la révolution et la République, on a eu l’empire, après la guerre de 1870, ça a été « la belle époque », puis La guerre de 14, puis « les années folles », puis la guerre de 40, puis les « 30 glorieuses »… Rien n’est immuable. Aujourd’hui on atteint les abysses de la bêtise…Et le pire est que même les gens les plus sensés s’écrasent. Trop la trouille de se faire traiter de faschos… Les sondages montrent que 75 à 80% de la population en a marre, mais c’est « la MAJORITE SILENCIEUSE »… Elle ne trouve son bonheur, que dans le seul fait que, quand une catastrophe arrive, « ce soit chez le voisin… » et pas chez elle. Elle se terre devant les 20% restant qui, eux, pour compenser leur petit nombre, crient très fort, menacent, dénoncent, invectivent, se conduisent comme des voyous. La dictature, c’est quand un petit nombre s’impose par la force à la majorité… LFI, 70 députés et toutes les présidences des commissions à l’Assemblée, Le RN premier part avec plus de 120 députés… Rien. Et ce sont les RN qui sont les faschos ?

    • Je suis entièrement d’accord, l’histoire reste ouverte et rien n’est figé, surtout pas les errements d’une génération endoctrinée par l’utopie gauchiste depuis Mitterrand. Le récit national ne débute pas avec la Révolution ou la Terreur, comme le voudrait le laisser croire Mélenchon. Nos jeunes et les moins jeunes restent les scribes de cette histoire. Cette période, marquée par des dirigeants vaniteux arrivistes voire douteux comme d’autres avant eux ne sont qu’un battement de cil et l’histoire les évaluera.

  11. Merci Gabrielle, pour votre billet. Tout est dit, et bien dit, comme toujours.
    Je vais essayer de croire à votre conclusion, en oubliant le « ou pas » ….(sourire)

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