[EDITO] Telle la statue du Commandeur, trois poilus de 14 viennent de surgir !
3 minutes de lecture
« Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito », disait Einstein.
Par hasard, en enfouissant une ligne électrique à Fleury-devant-Douamont, l’une des neuf communes meusiennes autour de Verdun déclarées « mortes pour la France », qui n’a pas été reconstruite, on vient de retrouver, la semaine dernière, les dépouilles de trois soldats français. Il n’est pas rare que l’on tombe, dans la région, sur des ossements ou des vestiges divers de la bataille de Verdun, mais il est assez rare d’y découvrir des squelettes entiers comme ceux-là. Ils étaient ensevelis les uns sur les autres. Deux avaient les jambes repliées, leur casque, leurs caisses de munitions et même une fiole d’alcool avec eux. L’un avait moins de 20 ans, le deuxième n’était pas trentenaire, le dernier était un adulte d’âge plus mûr. Leurs plaques sont abîmées mais les spécialistes ne désespèrent pas de les identifier et de retrouver la famille. Si ce n’est pas le cas dans les six mois, ils seront inhumés dignement, dans la nécropole voisine, avec leurs nombreux frères d’arme inconnus. Quant on sait qu’il était déjà parfois difficile de mettre un nom sur les blessés vivants… On se souvient d’Anthelme Mangin, dit « l’amnésique de Rodez », dont l’historien Jean-Yves Le Naour retrace le périple dans Le Soldat inconnu vivant (Fayard). Giraudoux en tira un roman - Siegfrid et le Limousin - et Anouilh une pièce de théâtre : Le Voyageur sans bagages.
Mercosur
Par hasard, il se trouve que la même semaine, le mouvement des agriculteurs en colère reprend, sur fond de Mercosur imminent. Leurs grands-parents ou arrière-grands-parents ont labouré tous les champs français, y compris ceux de bataille. La moitié des poilus étaient ruraux, la moitié de ceux qui sont morts en 18, des paysans. Entre 1914 et 1918, 550.000 agriculteurs sont tombés au combat, soit plus d’un tiers des pertes totales, 500.000 autres sont revenus blessés. Ils n’ont pas seulement irrigué notre terre de leur sueur mais aussi de leur sang. Statistiquement, au moins l’un des trois soldats retrouvés à Fleury-devant-Douaumont est un paysan.
Dans le recueil Paroles de poilus, il y a une lettre d'Henri Joseph Thomas, agriculteur à Saint-Georges-d’Espéranche (Isère). Il écrit à son fils Armand de 15 mois, au mois d’août 1915, et lui fait quelques recommandations : « Devenu un homme, sois du nombre de ceux qu’on appelle les honnêtes gens. » Et puis encore : « Rappelle-toi que le vrai bonheur ne se trouve pas dans la richesse et les honneurs, mais dans le devoir vaillamment accompli, et les bonnes actions. » Il sera tué, quelques mois plus tard, le 30 mars 1916, à Verdun. Pour son pays, pour l’avenir des siens, c'était en tout cas ce qu'on lui avait vendu. Pas, comme Flambeau de L’Aiglon, pour des prunes.
La terre et les morts
Leurs descendants les ont écoutés. Ils sont devenus des honnêtes gens. Ils ont choisi le devoir vaillamment accompli à la richesse et aux honneurs. Et puis leur lopin de terre, la douce lumière du soir près du feu qui réchauffait leur père et la troupe entière de leurs aïeuls comme dans la chanson de Cabrel. Sauf que ce sol se dérobe sous leurs pieds. Les frontières pour lesquelles les poilus se sont battus mètre par mètre dans les tranchées ont été enfoncées par les traités de libre-échange, l’agriculture française est sacrifiée sur l’autel de l’industrie… allemande, et Notre-Dame-de-l’Europe, seul monument de Fleury-devant-Douaumont, bâti sur les ruines de l’ancienne église détruite, ressemble à la chapelle mortuaire de toutes les espérances. Le citoyen français doit devenir le nouveau voyageur sans bagage, ni racine, ni culture, au sens propre comme au sens figuré. « Les Français rêvent-ils d’être des radis ? », s’exaspérait, en 2015 sur son blog, Jacques Attali. Dans ce projet, forcément, le paysan fait tache.
Les accents barrésiens sont mal vus. Il n’empêche. Si nous ne nous rappelons plus la terre et les morts, ce sont la terre et les morts qui se rappellent à nous. Telle la statue du Commandeur. À la faveur, parfois, d'un bricolage électrique.
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36 commentaires
Merci pour ce brillant hommage, je me considère comme un survivant de 14, en effet mon grand-père né en 1893 a fait trois ans de service militaire (1911 à 14) et a embrayé par 4 années de guerre dont il a miraculeusement survécu. Son « chef » lui avait dit, « Pierre, reste à l’armée, il ne te reste plus que quelques années à faire pour avoir droit à une pension… », il refusa et rentra au « pays ». Fils de paysan, devenu maréchal-ferrant puis chef d’une entreprise familiale de transport, il se maria après 1918 et eut quatre enfants dont l’un était mon père. Voilà pourquoi je m’estime être un survivant de 14. Alors les coups de menton de nos petits dirigeants et de nos petits élus de pacotille me laissent complètement froid, comme un certain E.Macron qui avait osé dire, « il faudra bien envoyer quelques petits gars en Ukraine », qu’il y aille lui-même, ça ferait une belle recrue… Bref, n’oublions (surtout) pas nos poilus et plutôt que de fêter Halloween, pensons à honorer nos aïeux en ce prochain 11 novembre.
Oui nous sommes tous, plus ou moins des survivants de la guerre , mon grand père que je n’ai pas connu puisqu’il est décédé d’un infarctus au début des années 50 a été estafette au tristement célèbre et héroïque Chemin des Dames . Il a fait Verdun , a été blessé , et a fait une cure de sanatorium en Suisse après la guerre parce que ses poumons étaient atteints par les gaz utilisés par les allemands . Il a entretenu une correspondance avec son père car il avait la chance d’avoir un père imprimeur en province , ce qui ne fut pas le cas de tous les enfants des agriculteurs et ruraux qui n’avaient pas tous la chance de pouvoir aller à l’école , les travaux des champs primant sur le reste . Il fallait bien nourrir la France pour ensuite donner son sang au pays.
C’est une très bonne initiative de la part de madame Gabrielle Cluzel, à l’occasion de ce fait qui peut apparaitre anodin mais très symbolique , de rappeler aux générations actuelles tous les sacrifices consentis pour conserver notre pays et la légèreté avec laquelle nos dirigeants jouent avec la souveraineté du pays .
La statue du commandeur est bien choisie , pour imaginer comment nos morts doivent nous juger 110 ans après !
Moi aussi. Mon grand-père paternel, né en 1889, a fait deux ans de service militaire puis a été « mobilisé » en 1914, à 25 ans donc, et démobilisé – « renvoyé dans ses foyers » – en 1919. Son père était « cultivateur » comme on disait encore dans mon enfance, dans un village de l’Aube, mais il ne possédait que 25 hectares de terre, avec 7 ou 8 enfants, filles et garçons, il n’y en avait pas pour tout le monde, c’était le fils aîné qui reprenait la ferme, les filles tâchaient de trouver un mari et les garçons un emploi. C’est ainsi que mon grand-père est devenu ouvrier maçon jusqu’à l’âge de la retraite, bien méritée !… Il a donc passé 7 longues années sous l’uniforme pour « servir son pays », tout ça pour en arriver là où nous sommes aujourd’hui !… Alors oui, foutez-nous la paix une bonne fois pour toutes avec Halloween et rendons hommage à « nos morts » le 1er novembre, jour de la Toussaint ( ou le 2, jour des défunts ) et le 11 bien sûr. Requiescant in pace.
Je pense aussi à mon grand-père qui s’est battu pour la France et est revenu trépané.
« Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito », disait Einstein.
Ce bonhomme est en passe d’enfoncer Kong Tseu, maître Kong alias Confucius pour le nombre de citations plus niaiseuses les unes que les autres… On sait qu’il n’a jamais parlé d’abeilles dont il se contrefichait ; par contre il est bien le grand inspirateur et promoteur de la bombe A !
Merci pour ce récit et de nous apprendre d’avoir retrouver 3 corps de soldats Français mort aux champ d’honneur.
Merci très émouvant .
Merci, Madame Cluzel, pour ce très émouvant article. Le parallèle que vous tracez entre ces poilus qui se rappellent à nous et notre agriculture « bradée » sur l’autel de la mondialisation, tire les larmes…
Le corps de mon arrière grand-père, 23 ans, papa depuis un mois, porté disparu, fut identifié en 1925. Aujourd’hui, je suis révoltée par toutes ces vies sacrifiées, ces familles orphelines sacrifiées pour que des jeanfoutres du genre Attali ou Macron pérorent et fassent les beaux.
Mon père, bac en poche à 17 ans, a devancé l’appel en 1915. Quand j’étais enfant, il m’a emmené au Chemin des Dames et à Douaumont. Il a servi jusqu’en 1921. Ça m’a marqué pour la vie !
Heureux pour vous que votre père ait survécu ! Heureux qu’il vous ait appris tout ce qu’il s’est passé durant cette grande guerre dont on doit se souvenir. Mon grand-père y a laissé 3 orphelins, 2 filles et un garçon, officier de marine, à la fin de la 2ème guerre mondiale, sur son sous-marin (la Perle), à la suite d’une erreur des alliés (hollandais) coulé par une escadrille. Malheureusement, nos enfants, ont à peine consciece de tout cela, et nos petits enfants encire moins.,
La faute en revient à la « rééducation nationale » largement gauchiste qui a privilégié de ne parler que de faits qui devaient préparer à ce que nous vivons aujourd’hui .
Un pays sans mémoire et culpabilisé du peu qu’il se souvienne par des pol pot doux !
Merci pour ce très bel hommage à nos ancêtres qui ne pouvaient savoir que Wall Street les envoyait au casse-pipe ! Et que ce que vivent nos agriculteurs aujourd’hui était déjà programmé par les lobbys de jadis, à travers, entre autres, le plan Kalergi.
Ça ne fera pas la Une des médias de grand chemin, probablement pas même un article quelque part, la découverte de soldats qui sont mort pour que la France reste la France face aux boches qui voulait nous enavhir, ce n’est pas une information qu’il faut diffuser.
Pourtant, ce n’est pas si lointain où des hommes et des femmes se sont battus pour que la France reste la France avec ses valeurs t ses traditions.
Ces découvertes, eu égard à la boucherie que fut la guerre de 14/18, sont toujours émouvantes.
Tout comme les monuments aux morts, ou les plaques des cimetières de campagne.
Espérons que l’on puisse mettre un nom sur ces soldats.
Excellente chronique, merci
Quand je pense que beaucoup de monuments aux morts présentent l’inscription « Morts pour la France », je me demande s’il ne faudrait pas la remplacer par : « Morts pour rien ! ». Les Allemands nous ont annexé sans un coup de fusil, mais sont incapables de réagir quand le plastiquage par nos « amis » de Nordstream détruit la compétitivité de leur industrie (et un peu de la nôtre). Annexés par des ronds de cuir mous, alors que nos parents et grand parents avaient résisté à des méchants !…
Merci à vous Madame Cluzel, le sacrifice de tout ces jeunes adultes français ne doit surtout pas être oublié.
U bel article qui rend hommage à nos anciens, qui se sont battus pour la France qu’ils ont tant aimé contrairement à notre époque actuelle, où l’on assiste à une apologie de la détestation de la France, ces gouvernants prêts à livrer la France « aux prédateurs ». Un peuple, c’est comme un arbre , si on tue ses racines, il finit par mourir, il serait peut-être temps de se réveiller en valorisant toute notre Histoire, nous en portons la responsabilité
Et oui… bientôt, hélas, « mort pour la France » ne voudra sûrement plus dire grand chose…
Demandons à Guénolé s’il ne serait pas judicieux de raser les monuments aux morts…