Édouard Husson : « Pour Emmanuel Macron et LREM, c’est une défaite cinglante »
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Réaction d'Édouard Husson aux résultats du premier tour des élections régionales et départementales qui insiste aussi sur la stratégie du RN.
Le premier tour des élections régionales et départementales est terminé. Le véritable gagnant de cette élection est encore l’abstention avec 68 %. C’est du jamais vu dans les élections régionales. Comment interpréter ce chiffre ?
Cette abstention massive signifie un désaveu considérable pour la réforme des régions de 2015. Ces grandes régions sont loin des électeurs et cela prouve que depuis des années la classe politique vit de manière totalement déconnectée des besoins de la population. Cette dernière a besoin d’avoir l’impression qu’elle prend une décision. C’est d’autant plus flagrant que ces énormes régions censées ressembler à celles d’Allemagne et d’Italie ont peu de pouvoir et de budget. On est donc dans une situation caricaturale. Je suis étonné que l’on n’ait pas du tout utilisé cet argument.
L’autre argument qui a été utilisé et qui est tout à fait juste, c’est que cela en dit énormément sur l’absence d’offre politique face à la demande des Français.
Le grand perdant de cette élection est la déception dans le camp du Rassemblement national.
Si le parti de Marine Le Pen arrive globalement en deuxième position, c’est largement en dessous de tout ce que les sondages annonçaient.
Une photo de Jordan Bardella signant le registre électoral devant une femme voilée résume bien le décalage entre le discours du Rassemblement national de Marine Le Pen et ses actes.
Je suis très étonné que monsieur Bardella n’ait pas saisi cette occasion de rappeler les principes de laïcité. Il avait une occasion en or et il ne l’a pas saisie. Est-ce que cela en dit long sur l’absence de transformation, en actes, du discours du Rassemblement national ?
En politique, il ne s’agit pas d’être aimé, mais d’être élu. Que Marine Le Pen souhaite avoir les contours plus vifs sur tel ou tel sujet, cela peut se comprendre par rapport à son père, mais elle ne le fait pas comme il faut.
Le Rassemblement national reste très faible sur le sujet de la compétence économique. On ne voit pas que Marine Le Pen a fait beaucoup de progrès sur cette question. En revanche, elle a tendance à vouloir arrondir les angles pour se républicaniser. Ce qui est très étonnant, c’est qu’elle accepte l’argumentation de ses adversaires selon laquelle le RN n’aurait pas été un parti républicain jusque-là. C’est pourtant un parti républicain comme les autres.
Lorsque vous voulez vous placer plus au centre pour rassembler mieux en vue d’une élection présidentielle, il faut bien le faire et ne pas renoncer à ce qu’est votre noyau idéologique.
Pour le dire autrement, les deux partis les plus sanctionnés, La République En Marche et le Rassemblement national sont des partis qui préparaient déjà le deuxième tour de l’élection présidentielle. La principale leçon de ces élections régionales est peut-être que les Français ont rappelé collectivement qu’il y aurait un premier tour et que ce dernier n’était pas joué.
En restant dans le tempo du calendrier électoral, Les Républicains en sont sortis plus gagnants.
Encore une fois, je crois que l’on ne doit pas se tromper d’obstacle. Le Rassemblement national sonne La République En Marche pour la même faute. Les Républicains ont peut-être mis en valeur leur enracinement local, mais ils sont en meilleure position qu’ils l’étaient il y a quelques jours. L’opinion française est extrêmement volatile. Rien ne nous dit qu’il n’y aura pas une abstention importante au premier tour de l’élection présidentielle. Les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets.
Le grand perdant est La République En Marche puisqu’ils sont très loin derrière les deux premiers.
Pour la plupart, ils ne seront pas présents au second tour de ces élections régionales.
Je crois que cela signifie une chose très simple. J’ai toujours pensé que La République En Marche lancée par Emmanuel Macron était un candidat profondément réactionnaire dans le sens où il allait à rebours de son époque. L’époque est dans la décentralisation, pour la démocratie locale, pour l’appropriation de la décision au niveau local. Or, on n’a jamais eu de gouvernement aussi centralisé sur la Ve République. Je pense qu’Emmanuel Macron centralise la décision bien plus que tous ces prédécesseurs réunis. Je crois que La République En Marche paye cela très fièrement. Il n’a jamais fait l’effort d’enraciner, de développer localement et les Français le sentent très bien. Représenter 10 % d’un tiers de l’électorat qui a voté, c’est une détresse absolument sanglante.
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