Édouard Philippe, successeur d’Emmanuel Macron : le système à bout de souffle ?

EDOUARD PHILIPPE

Mardi 25 juillet. Emmanuel Macron est en visite à Nouméa, entre bains de soleil et de foule, quand un passant l’aborde tout en lui disant : « En 2027, peut-être qu’Édouard Philippe vous remplacera. » Et voilà que tombe le verdict présidentiel : « Je tiens à ce qu’il y ait vraiment une suite à ce que l’on a mis en place. Et que celles et ceux qui m’ont accompagné depuis maintenant six ans puissent prendre le relais. » Jusque-là, rien que de très anodin. Puis cette petite phrase qui n’en finit plus d’agiter le Landernau politico-médiatique : « Édouard Philippe a bien fait à mes côtés. C’est un ami. » Tiens donc.

En politique, l’amitié n’est pas toujours de mise, tant la concurrence y est rude. Et on ignorait, d’ailleurs, qu’Emmanuel Macron ait pu un jour tenir son ancien Premier ministre pour un… ami. Logique : les traîtres vivent dans la hantise d’être à leur tour trahis. Le jeune époux de Brigitte Trogneux, qui a grandi à l’ombre de François Hollande, a trahi ce dernier. Avec Édouard Philippe, Matignon commençait à faire de l’ombre à l’Élysée. Le maire du Havre a été tôt remercié.

En politique, toujours, il est rarissime qu’on désigne publiquement son possible dauphin. Le général de Gaulle n’en avait pas ou ne voulait pas en avoir. Pas plus que Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing ou François Mitterrand. Certes, Jacques Chirac – entre deux Corona, probablement – avait décrété qu’Alain Juppé était « le meilleur d’entre nous ». On a vu le résultat : l’éternel espoir de la Chiraquie est vaincu aux primaires de la droite en 2016.

Soutien ou baiser qui tue ?

Il s’agirait donc d’une première, consistant à ce qu’un président de la République puisse désigner son successeur alors qu’il vient juste d’inaugurer un second mandat ; lequel est tout de même censé se poursuivre pendant encore quatre ans. Certes, on dit Emmanuel Macron hanté par l’idée de devoir remettre un jour les clefs du château à Marine Le Pen. On dit aussi qu’Édouard Philippe serait le mieux placé pour éviter ce cataclysme présumé. Alors, de deux choses l’une. En faisant ce geste, devant les micros et les caméras, Emmanuel Macron est sincère. Mais est-ce forcément le meilleur moyen d’adouber son possible et futur remplaçant ? En effet, avoir le nom de Macron tamponné sur le front n’est pas forcément le meilleur gage de succès à venir. Là, s’il y a sincérité, il y a aussi maladresse, pouvant s’agir d’un involontaire baiser qui tue. Autre hypothèse, celle de la phrase lancée en l’air, de manière faussement désinvolte, histoire de diviser pour mieux continuer à régner. En effet, nombreux sont-ils ceux qui se verraient bien calife à la place du calife. Bruno Le Maire ne pense qu’à ça, même s’il paraît parfois penser à autre chose, lorsque rédigeant ces livres dont on sait qu’ils ont été conçus pour n’être lus que d’une main. Gérald Darmanin, l’éternel sous-Nicolas Sarkozy, piaffe d’impatience. Quant à Gabriel Attal, il se verrait bien, lui aussi, tirer les marrons du feu.

De fait, que cette sortie macroniste soit innocente ou non, il s’agit d’une sorte de bombe à fragmentation, sachant que la France est aujourd’hui divisée en trois blocs électoraux. D’un côté, le Rassemblement national ; de l’autre, La France insoumise, la première formation paraissant en une meilleure forme que la seconde. Au milieu, l’union des centres, de gauche et de droite. Le « cercle de la raison », la « bonne gouvernance », comme affirmerait l’impayable Alain Minc. C’est cette troisième force qui se trouve, aujourd’hui, être la plus fragile, puisque ayant asphyxié les deux traditionnels partis de gouvernement qu’étaient naguère le Parti socialiste, à gauche, et Les Républicains, à droite. Des formations n’ayant même pas obtenu, lors de la dernière élection présidentielle, les 5 % permettant au moins de se faire rembourser leurs frais de campagne.

Emmanuel Macron aurait prophétisé que s’il n’était pas élu, une populiste le serait bientôt à sa place. D’où, peut-être, ce chant du coq destiné à faire d’Édouard Philippe l’ultime rempart contre le marinisme montant. À moins que ce ne soit celui du cygne, dernier soubresaut d’un système manifestement à bout de souffle.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

62 commentaires

  1. Ah non, pas lui ! Aucune personnalité, creux, arriviste sans fidélité à des valeurs morales et politiques – d’ailleurs un ministre de E. Macron peut-il être autre chose ? Français, vous n’avez pas donc envie que le cauchemar cesse ?

  2. Je l’avais écrit ici il y a plus d’un an : ils nous préparent un scénario à la Poutine, une marionnette pendant 5ans et hop retour de Macron le destructeur de la France. J’aurais bien dit « Français, votez bien » mais je crains de parler dans le vide

  3. Décidément, les médias – éternellement en service commandé – n’ont pas fini de nous saouler avec Edouard Philippe. Même BV emboite le pas. Et le manège va encore durer quatre ans.

  4. Macron n’est pas idiot, Philippe est le mieux placé pour remporter l’élection présidentielle et les centristes lui feront bien plus confiance qu’en Le Maire ou en Darmanin, les deux autres options de « Renaissance ».
    Marcon pense à son avenir, c’est-à-dire à la Commission européenne, pour être adoubé à cette machine encore faut-il que la France soutienne quelqu’un et c’est pour cela qu’il fait des mamours à Édouard Philippe.

  5. Et les français voteraient encore pour un candidat qui aurait montré pendant toutes ces années son absence de potentiel à gouverner !

  6. Le passage d’Edouard Philippe au gouvernement a été une catastrophe, la répression des Gilets Jaunes par les forces de l’Ordre sur les ordres de macron et Philippe a été terrifiante de violences, le traitement de l’épidémie du covid avec des interdictions de sortir sans auto attestation ou l’interdiction de cinéma, théâtre ou l’impossibilité d’aller boire un café pour les non vaccinés ont démontré le coté dictatorial, autoritaire et anti démocratique des deux individus donc pas question de voter pour un clone de macron.

  7. « Soutien ou baiser qui tue ? »
    N’écartons pas l’hypothèse du dérapage verbal comme l’acte « inexcusable » du policier qui a tiré sur Naël !
    Il est toutefois évident qu’Edouard Philippe est le mieux placé pour poursuivre l’œuvre de Macron. N’est-ce pas lui qui inaugura le fameux « quoi qu’il en coûte » et qui provoqua le mouvement des gilets jaunes ?

  8. Une seule solution pour arrêter les dégâts soulignés en 2022 , bien voter dès les Européennes pour désamorcer la bombe que représente ces « institutions » en espérant que les partis non socialistes et (ou ) non écologistes perdent lla majorité et que l’actuelle oligarchie retourne dans ses foyers ensuite on recommence chez nous . Il faut absolument éviter que les mous et les hésitants dont EP soient reconduits .

  9. Ah non pas lui, j’ai pas la mémoire courte, la gestion du covid je l’ai en travers de la gorge, mais même sans ça, rien que le fait qu’il ait été 1er ministre sous macron le disqualifie, il n’aura jamais mon vote, pas plus d’ailleurs que le maire ou darmanin, tous des traitres. Pour qui a t’il voté ? j’ai la réponse, « macron » sans aucun doute, alors il fait parti des responsables de la mouise dans laquelle on est.

  10. Macron / Edouard Philippe le changement dans la continuité. Autrement dit , on continue à accueillir à bras ouverts tous ceux qui ne se sentent pas bien dans leur pays , quelque soit la situation de ce pays. On continue à faire plaisir à nos  » Amis » allemands même si ça on se tire une balle dans le pied . On continue la repentance vis à vis de toutes nos anciennes colonies avec une mention particulière pour l’Algérie . C’est l’UE qui continue de nous dire comment répartir ces migrants dont on ne sait que faire. On continue à suivre docilement les USA, et donc à alimenter le conflit Russo-Ukrainien , tant pis pour le plan de paix . Alors , jamais au grand jamais je ne voterai pour le clone de Macron .

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