Éducation nationale : Gabriel Attal ne rompt pas avec l’idéologie dominante

GABRIEL ATTAL

Quand, le 20 juillet 2023, lors de la passation de pouvoirs avec son prédécesseur à l'Éducation nationale Pap Ndiaye, Gabriel Attal promet de « remettre le respect de l’autorité et les savoirs fondamentaux au cœur de l’école », on se demande, avec surprise, si le bon sens va enfin revenir rue de Grenelle. Quand, le 5 octobre, à l'occasion de la Journée mondiale des enseignants, il annonce vouloir créer une mission « exigence des savoirs » pour proposer « des choix clairs », « des actes forts », « des objectifs ambitieux », on commence à craindre que cette énième mission ne soit chargée de noyer le poisson. Et quand on lit le questionnaire envoyé par le ministère à tous les personnels, on se dit qu'une fois de plus, on prend les Français pour des imbéciles.

Un QCM en forme d'enquête de satisfaction

Le ministère a, en effet, décidé de consulter l'ensemble des professeurs en leur demandant de répondre à un questionnaire à choix multiple : ce questionnaire limite donc le nombre de cases à cocher, sans possibilité d'autres choix ni de commentaires argumentés. Les questions reprennent des évidences ou de vieilles lunes pédagogiques qu'on révère, rue de Grenelle, depuis des décennies sans jamais incriminer la politique ministérielle. Le professeur est invité à répondre à une sorte d'enquête de satisfaction sur les programmes, le socle commun, les remises en cause de son autorité « depuis la rentrée scolaire » – car, avant, tout allait très bien, Madame la Marquise !

Pour améliorer la culture générale des élèves, l'une des réponses proposées est de « créer une discipline spécifique de culture générale ». Comme si la culture générale n'était pas, selon la définition d'Édouard Herriot, « ce qui reste quand on a tout oublié ». Cela suppose qu'on acquière auparavant des savoirs solides. Pour élever le niveau scolaire au collège, préférez-vous le dispositif « devoirs faits », l'« accompagnement personnalisé », la « différenciation », l'« utilisation d'outils qui permettent l'autonomie des élèves », l'« utilisation de documents et de progressions conçus en équipe », interroge le QCM ? Bref, des propositions qui correspondent aux marottes idéologiques du ministère.

« Les groupes de niveaux » rebaptisés

Les « groupes de niveaux » évoqués par Gabriel Attal – la seule annonce qui pourrait un peu changer les choses – avaient aussitôt suscité les protestations indignées de la gent égalitariste, criant à la discrimination. Dans le document ministériel, ils sont timidement dénommés « groupes de besoin ». Pas question de rompre avec l'idéologie dominante dans la pédagosphère, ni d'admettre qu'il pourrait y avoir des élèves doués et d'autres moins doués, des élèves travailleurs et des perturbateurs ! Pas question de rompre avec le dogme sacré de l'hétérogénéité ! On sait, par expérience, ce que devient un tel questionnaire : le ministère en interprète les réponses en ne retenant que ce qui est conforme à ses idées préconçues. Bref, une consultation bidon et orientée !

On est bien obligé d'en conclure, en le regrettant, que le redressement de notre enseignement n'est pas pour demain. De deux choses l'une : ou Gabriel Attal est sincère quand il déclare vouloir remettre le savoir au centre du système éducatif, mais, dans son ministère, on ne le suit pas, on n'en fait qu'à sa tête, on ne change le système qu'à la marge ; ou tous sont d'accord pour abuser l'opinion, le ministre fanfaronnant en promesses verbales, ses subordonnés poursuivant, par routine ou par conviction, la politique qu'ils ont toujours menée. Dans les deux cas, le résultat est le même : le néant !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Si on veut redresser l’EN, il faudra au moins 30ans. Et encore !…. à condition de mettre sous tutelle les sélectionneurs de recrutement pour empêcher la consanguinité gauchiste qui sévit depuis 40ans et attendre que tous les caciques en place soient partis en retraite

  2. Les groupes de travail seraient pourtant une excellente idée. Les meilleurs s’entretiennent, les moyens progressent et les moins bons aussi avec un entraînement adapté. C’est ce que je menais lors de l’entraînement physique de mon unité a l’armée. Très rapidement des moyens rejoignaient les meilleurs et les moins bons devenaient moyens. Ceci donnait a mon unité une très bonne cohésion ou dans l’action personne ne restait sur le carreau. Pourquoi pas dans l’éducation nationale

  3. On a du faire comprendre à Gabriel Attal qu’il devait entrer dans le moule s’il voulait avoir la paix et comme il soigne son image pour l’avenir, il laisse faire et on apprendra que les professeurs trouvent que l’enseignement est bien fait, les programmes correspondant à l’époque et tout le monde sera content que le changement ne change rien

  4. Je me souviens d’une enquête similaire au ministère de l’Équipement, auquel j’appartenais, dans les années 1980. Les résultats avaient été publiés avant la fin de la consultation. La destruction de l’instruction des jeunes Français a pour but de permettre aux seuls enfants d’une élite auto proclamée de s’instruire pour leur réserver le pouvoir comme dans l’ancien régime où la noblesse héritait du pouvoir par le fait de naître.

  5. Il y a encore beaucoup d’imbéciles heureux qui vont faire confaince à ce beau parleur qui ressemble comme deux gouttes d’eau à son chef. Du vent, rien que du vent.

    • Bravo Soleil 33 …vous avez tout dit et je suis d’accord avec vous ..et en plus ces gens là sont prêts à tout pour casser la France dans tous les domaines ..

  6. Mais pourquoi parler de Gabriel Attal? Nous ne sommes pas en cohabitation donc: les ministres y compris le premier, n’ont aucune marge de manœuvre, ils ne font qu’exécuter les ordres de Macron, un point c’est tout!

  7. A la fin de la guerre De Gaulle a cédé l’Education Nationale aux Communistes pour ne pas leur donner le ministère de la Guerre. L’EN est donc un bastion investi par la gauche depuis près de 80 ans. Claude Alègre fut le seul ministre à vouloir s’y attaquer, il s’y est cassé les dents. Ce bastion est maintenant infiltré par l’Islamisme et le wokisme. Les Universités aussi. Ainsi que certaines écoles. C’est donc foutu, irrémédiablement foutu. Sans aucun espoir. L’enseignement privé commence à être atteint et gangrené.

  8. Enseignant moi-même, je porte ici un petit commentaire à votre article M. Kerlouan.
    L’Education Nationale est à la dérive à l’image du pays tout entier, il y a un laisser-aller général et en particulier dans le système éducatif. On peut dresser une liste des causes du déclin du système scolaire, cette liste a été maintes fois établie ici ou dans de nombreux ouvrages (La Fabrique du Crétin par exemple) ; toutefois la cause fondamentale du déclin est omise car soit abstraite soit inconnue des débatteurs : la structure de l’Education Nationale. Celle-ci souffre de son caractère jacobin, centralisé et pyramidale. Le statut du fonctionnaire (à vie et non soumis aux résultats) aggrave la structure qui ne peut innover et changer de trajectoire. Toute innovation en peut se faire qu’en dehors du système. Ici on voit l’effet terrible de l’emprise de l’état sur l’éducation.
    On peut mener tous les débats et proposer toutes les réformes de bon sens : faire respecter les enseignants et les détenteurs du savoir, discipliner les élèves, responsabiliser les parents, mettre fin au collège unique, réguler les réseaux sociaux et les écrans, … tout cela est impossible à mettre en œuvre en pratique sans réformer au préalable l’institution. Et comme nous savons qu’une telle gageur est titanesque et impossible par son ampleur, j’en déduis que le déclin scolaire va se poursuivre…

  9. Il y a beaucoup d’enseignants dans ma famille . Et d’après ce que je les entends dire , je peux vous dire que rien n’est prêt de changer sans l éducation nationale . Les 3/4 des enseignants penchant vers la gauche …les idées de «  drouate » ne passeront pas .

  10. On peut ressentir la prise de position de G. Attal comme une très bonne chose ,sauf qu’après réflexion on peut ressentir une belle manœuvre (machiavélique ?) pour calmer la France plus classique à tendance droite . En fait comme son président , on annonce mais rien ne se passe , d’ici que tout ce remue ménage de phrases fortes , le résultat ne soit qu’un leurre afin d’anesthésier une fois de plus ,disons en permanence la population qui à force de blablabla perd tous ses repaires ,courage ,ambitions et espoirs ,bref elle devient zombie , quelle malheur

  11. Il y a des gens qui disent ce qu’ils font. Il y a des gens qui font ce qu’ils disent…Ce gouvernement, lui, ne fait rien….Rien pour la sécurité des Français. Rien Pour les Hôpitaux. Rien pour l’éducation…

  12. On accepte la sélection, la différence de niveau dans le sport mais on la refuse pour ce qui relève de l’intellectuel. Pourtant c’est la même chose, certains ont des capacités, une curiosité et d’autres non. Certains peuvent rester longtemps à travailler sur un bureau et l’entraînement peut un peu changer les choses. L’égalitarisme tue toute possibilité de réussite aux gamins doués issus de familles modestes !

  13. Attal fait comme son maître, de la communication. Il dit tout et n’importe quoi et fait exactement l’inverse de ce qu’il dit.

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