Éducation nationale : historique d’une débâcle

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Au début, il y avait une école, un système d’instruction qui fonctionnait selon des principes de bons sens, un b.a.-ba qui ne fonctionnait pas si mal que ça. Il y avait le lycée, pour ceux qui manifestaient des capacités aux études longues, le certificat d’études, pour ceux dont on voyait bien qu’ils n’étaient pas faits pour ça, et au milieu le cours complémentaire, pour ceux dont on ne savait pas trop, et ils pouvaient, au besoin, raccrocher le wagon un peu plus tard.

L'égalité absolue

Mais tout cela était trop simpliste, archaïque et pas assez idéologique. Alors vinrent les pédagogues novateurs. Porteurs d’un dogme d’inspiration maoïste, ils décrétèrent l’égalité, mais non pas l’égalité à partir des capacités de chacun, l’égalité absolue. C’est-à-dire que chaque élève pouvait apprendre n’importe quoi, pourvu qu’on lui ait appris à apprendre. Ainsi l’ancien cancre, devenu élève en difficulté, allait devenir le centre de toutes leurs préoccupations. Car ils ne comprenaient pas qu’en dépit de tous leurs efforts, et pendant que l’ancien bon élève s’ennuyait et n’apprenait plus grand-chose, cet élève n’arrivait jamais à rien, sinon à se faire suer sagement en classe ou, quelquefois, à chahuter et casser les pieds à tout le monde. Et même s’il suppliait qu’on le laissât devenir plombier, maçon, électricien, menuisier ou commerçant (métiers honnis et devenus tabous), on l’obligeait à subir le supplice du collège jusqu’à seize ans. Car en fait, ces maoïstes de la pédagogie avaient gardé les vieux préjugés bourgeois et, pour eux, il fallait que tout élève devînt ingénieur, professeur, médecin, chercheur ou avocat.

Donc, la cause était entendue. À la fin des années 70, on créa le collège unique qui, au nom de l’égalité des chances, allait pénaliser les enfants des milieux populaires. On y fit entrer de force tous les élèves dans des classes dites hétérogènes où ils bénéficiaient d’une pédagogie différenciée et créaient eux-mêmes leurs parcours de savoirs. On se demande d’ailleurs comment, puisqu’un enfant ne peut vouloir apprendre ce dont on ne lui a jamais parlé. Mais nos apprentis sorciers de la pédagogie, sous la conduite du professeur Meirieu, théoricien, docteur en sciences de l’éducation, poursuivirent leur travail de refondation avec l’aide active de leurs amis socialistes et syndicalistes et l'aide passive et lâche de leurs ennemis républicains, qui de toute façon mettaient leurs enfants dans le privé.

Donc, on fit un collège de plus en plus unique, et inique, où l’on pouvait entrer sans même savoir lire et écrire, et un bac pour tous que 60, 70, 80 et jusqu’à 95 % des élèves finirent par obtenir. La notation devint une punition traumatisante et la punition une méthode rétrograde. Et comme cela ne fonctionnait pas, on abaissa le niveau d’exigence, on remonta les notes, on les étira à l’infini, on admit les fautes d’orthographe, les charabias informes, les copies pleines d’inepties, les insultes, devenues incivilités, mais l’on avait enfin 95 % de bacheliers.

La fabrique du crétin

Et comme les universités étaient saturées, on créa Parcoursup. On tirait d’un ordinateur l’endroit où chacun irait faire ses études, avant d’aller faire la mise en rayon au supermarché. Et lorsqu’une crise éclatait face à tant de dysfonctionnements, on appelait Meirieu sur France Inter et ce Trissotin de la pédagogie expliquait qu’il n’y avait pas encore assez de pédagogie et qu’il fallait faire un peu plus ce qu’on faisait et qui ne marchait pas et l’on continuait.

Et c’est ainsi qu’en moins d’un demi-siècle, l’enseignement public est devenu une sorte de zoo où l’on n’apprend plus rien et où à l’indiscipline des élèves répond l’absentéisme et la pénurie de professeurs, lassés de voir que le plus beau métier du monde est devenu un métier de con. Et en sortant de ce système qualifié de « fabrique du crétin », tout reste à faire.

Et durant ce temps, les ministres, non plus de l’Instruction publique mais de l’Éducation nationale, Pap à l’École alsacienne, l’actuel à Stanislas, mettent leurs enfants dans des établissement privés, d’autant plus efficaces qu’ils ont gardé les anciens principes, bannis par les pédagogues qu’ils soutiennent...

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

Vos commentaires

29 commentaires

  1. « Et même s’il [l’élève] suppliait qu’on le laissât devenir plombier, maçon, électricien, menuisier ou commerçant (métiers honnis et devenus tabous), on l’obligeait à subir le supplice du collège jusqu’à seize ans. » Pourtant il me semble qu’ « il n’y a pas de sots métiers mais que de sottes gens » Ce qui me semble vrai, car nous avons tous besoin à un moment ou un autre de notre vie, de plombier, maçon, électricien, menuisier ou commerçant et autres professions qui n’imposent pas une licence d’histoire géographie, de littérature ou de mathématiques. Il suffit de savoir lire et compter!

  2. Le b-a-ba faisait plus que « fonctionner pas si mal que ça », il fonctionnait très bien. De son vrai nom méthode syllabique, dont l’irremplaçable méthode Boscher, il assurait une parfaite maîtrise de la lecture à 90% des élèves en fin de CP. les travaux du Pr Dehaene, neurophysiologiste, sur la méthode syllabique comparée à la méthode ideovisuelle, dite globale, ont démontré que si la première permettait la mise en place d’un large réseau de systèmes neuroniques interconnectés, la seconde ne débouchait que sur un seul foyer d’activité cérébrale qui restait isolé. En d’autres termes, seule la méthode syllabique permet un réinvestissement spontané des phonèmes, et l’apparition de liens denses entre l’ensemble des connaissances acquises. Comment tant d’enseignants, en contravention avec les décisions ministérielles, peuvent-ils encore utiliser des méthodes mixtes à dominante ideovisuelle?

  3. Un déclin plus ancien. La réforme Haby juste après mai 68. Le but depuis 1981 est de conserver le plus longtemps possible les élèves à l’école pour réduire les chiffres du chômage : bac pro puis licence pro pour ceux qui peinent à comprendre un texte.
    Une garderie gratuite avec cantine pour des parents parfois au chômage qui veulent avoir la paix.

  4. 1989, ma fille revient de l’école et nous montre comment elle sait bien lire. Elle prend son cahier et lit la phrase écrite
    IMPRESSIONNANT!
    Mais quand même intrigué, on a recopié cette phrase, lui avons fait relire cette phrase, et on a coupe au ciseaux les mots en les mélangeant. Et là on a vu notre fille faire appel à sa mémoire.
    Elle lisait les mots comme les égyptiens lisaient les hiéroglyphes. Des dessins, pas des mots. C’était l’ingénieuse méthode globale!
    Alors on lui a appris l’alphabet en chantant: AB CD EF GH, IJ KL MN OP etc.. Et les syllabes. B+A = BA O+U=OU, M+OU = MOU et ainsi de suite. Et on s’est fait grondé par la maitresse, car ma fille lisait des mots non appris. Les mots n’étaient plus des images, mais une suite de syllabes .
    Et je me souviens de ma réponse: « VOUS ALLEZ FAIRE UNE ECOLE DE CANCRES! » Ben voilà, j’étais pile poil sur le sujet. Et ce que vous voyez à l’éducation nationale, la chute des savoirs, vous allez le retrouver en médecine!!!

    • Les neurologues et neuro-ophtalmologistes ont toujours clamé que les aires cérébrales de la lecture et de la reconnaissance des images étaient différentes. Et que la lecture est un phénomène de secousses oculaires successives qui analyse des « paquets » de 2 ou 3 lettres avant de les synthétiser pour leur donner un sens. Rien à voir avec la méthode débile d’association de l’image du mot chocolat avec celle d’une tablette de chocolat, qui a fini par produire des centaines de milliers de dyslexiques…

  5. Excellent historique. J’ajouterais deux éléments. Le Général de Gaulle à la fin de la guerre a lâché aux communistes le ministère de l’Instruction Publique pour ne pas leur céder le Ministère de la Guerre vu les liens entre le PCF et l’URSS. La Gauche n’a jamais lâché le ministère de l’Education Nationale avec les résultats qu’on connait.
    L’autre élément c’est que les professeurs d’aujourd’hui ont été formatés par ce pédagogisme, que pourraient ils transmettre ? On en est à la 3 ème génération.. on est entré dans un cercle vicieux.

  6. Les délires du gauchisme ont fait tant de mal au pays, aux citoyens, qu’il faudrait leur élever un mémorial afin que chacun puisse venir prier pour que la gauche ne revienne jamais au pouvoir.

  7. Voilà qui est bien résumé et le résultat est là à voir le réalisme de nos dirigeants ! Peut-etre qu’avant ce gauchisme ils n’auraient même pas pu rentrer en sixième

  8. Excellent résumé de la situation et de la débâcle organisé par les élus pour saccager le système scolaire .

  9. N’oublions pas un de leurs prédécesseurs qui mettait ses enfants une fois en privé, une fois dans le public suivant son portefeuille… JP Chevenement …

  10. Je me souviens qu’à la fin du primaire et au début du secondaire, j’ai eu droit à la fascinante théorie des ensembles en maths. Or, un élève, qu’il soit en primaire, au collège ou au lycée, a besoin de comprendre, même plus ou moins intuitivement, à quoi sert ce qu’on lui enseigne. Or avec les maths dites modernes, une telle chose était tout simplement impossible puisque cette dinguerie ne sert à rien, si ce n’est à encombrer le cerveau des gamins avec des trucs inutiles.
    Donc, en 6ème, à la fin du cours, je suis allé trouver mon prof de maths, pour lui demander à quoi cela pouvait servir. Il me répondit que cela me servirait quand plus tard je ferai des maths…
    Les programmes scolaires Français ont pour but de rendre ennuyeux (pour rester poli) ce qui devrait stimuler l’intellect et susciter la passion.
    Le lyssenkisme post-soixante-huitard a muté pour devenir le wokisme. Maoïsme et théorie du genre sont en réalité un seul et même cancer.

    • Je ne comprends pas pourquoi la théorie des ensemblexest si souvent critiquée. Pour ma part, je l’ai bien comprise. Et je trouve qu’elle est souvent applicable dans la société de plus en plus complexe qui est faites de multiples ensembles, qui souvent se recoupent. Elle rejoint la folie de l’inclusivité.

      • La théorie des ensembles est effectivement applicable dans la vie quotidienne. Mais ce qui est remis en cause par beaucoup, dont je fais parti est que l’enseignement des maths modernes dès la 6° par des profs qui ne savent expliquer son but est une aberration. L’élève a besoin de concret et ce ne sera qu’une fois qu’il aura compris l’utilité des outils qu’il saura s’en servir. Donnez une chalumeau à un enfant, il aura bien d’autres idées que d’apprendre à souder.

  11. « En essayant continuellement on finit par réussir, donc plus ça rate, plus on a de chance que ça marche. » Proverbe Shadok. Peut s’appliquer aussi aux pédagogistes.

    • Einstein disait que refaire la même chose en espérant un résultat différent était le comble de la bêtise…

  12. L’Education Nationale c’est :  » Chef, j’ai coupé et c’est trop court…qu’est-ce que je fais ? je coupe encore ?  » Article magnifique.

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