Éducation nationale : la grève du 12 novembre est-elle justifiée ?

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Encore une grève ! diront certains. D'autres soutiendront ce mouvement de protestation, lancé – c'est loin d'être toujours le cas – par l'ensemble des syndicats. Le motif principal ? Le budget de l'Éducation nationale, qui doit être discuté mardi à l'Assemblée, prévoyant la suppression de 2.650 postes dans les collèges et lycées publics, 550 dans le privé et 400 dans l'administration. Quelques organisations y ont ajouté la réforme du lycée, la réforme de l'enseignement professionnel, voire, selon la formule consacrée, « la casse du statut général de la fonction publique ». Mais pour sauver l'enseignement de la crise où il est tombé, une telle action risque d'être inopérante.

Les professeurs dénoncent les suppressions de postes, qui se traduiront par une diminution des postes offerts aux concours de recrutement (CAPES et agrégation) dans la plupart des disciplines, une tension sur les remplacements et le recours à davantage d'heures supplémentaires. Ils comprennent d'autant moins ces mesures, principalement budgétaires, que la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) annonce une hausse de 40.000 élèves, chaque année, entre 2019 et 2021. Ils craignent, enfin, que d'autres réductions d'effectifs de professeurs ne se produisent d'ici la fin du mandat présidentiel, pour atteindre le chiffre de 50.000 dans la fonction publique d'État.

Les déclarations d'apaisement de Jean-Michel Blanquer ne suffiront pas à calmer les inquiétudes. Comme la hausse des taxes sur les carburants a attisé la colère de nombreux Français, après le matraquage fiscal dont ils font l'objet et un pouvoir d'achat en berne – quoi que dise le gouvernement –, les suppressions de postes viennent s'ajouter aux facteurs qui, depuis longtemps, alimentent la crise de l'enseignement et du recrutement : le manque de soutien de la hiérarchie, l'absence de reconnaissance, la présence, toujours vivace, des idéologues de la pédagogie dans les structures de l'Éducation nationale et au niveau européen. Enfin, le mouvement #PasDeVague, suscité par le braquage d'une enseignante par un lycéen, témoigne du malaise des professeurs, quotidiennement confrontés à la violence et aux incivilités.

Au-delà de la question des suppressions de postes, les professeurs veulent donc protester contre des conditions de travail de plus en plus difficiles. Imagine-t-on la situation des néo-titulaires qui commencent leur carrière dans de telles conditions ? Il n'est pas certain qu'il soit habile d'y mêler des critiques contre la réforme du lycée ou l'enseignement professionnel : certes, l'élargissement de la plate-forme revendicative permet d'additionner les mécontentements, mais noie l'essentiel dans l'accessoire. Mieux vaudrait mettre l'accent sur la nécessité absolue de faire régner dans les établissements scolaires la sérénité indispensable aux études.

Le problème, c'est que cette politique, à la fois préventive et répressive, ne fait l'unanimité ni dans le corps enseignant ni rue de Grenelle. Le jour où les professeurs feront grève pour que tous les élèves qui veulent travailler puissent le faire sans être perturbés, pour que les professeurs qui accomplissent leur mission de transmission du savoir obtiennent la reconnaissance et le soutien de leur hiérarchie, leur action sera approuvée par une grande majorité de l'opinion publique.

Mais, ces conditions fussent-elles réunies, il restera un obstacle de taille auquel le ministre sera confronté : comment instaurer la confiance et l'exigence avec un Président qui suscite de plus en plus la défiance et défend une conception abusivement utilitariste de l'école ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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