Éducation : une leçon de sagesse imprévue donnée par L’Obs
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Les longs week-ends de mai se prêtent bien aux discussions de fond. Parmi ces sujets, il y a toujours l'éducation des enfants - généralement pour se plaindre que c'était mieux avant. Le spectacle des petits sauvages de 2023 ne saurait, a priori, que donner raison aux tenants d'une éducation « à l'ancienne » - du moins, à l'idée qu'ils s'en font. Les enfants qui ont une dizaine d'années, aujourd'hui, sont souvent drogués aux écrans, sur lesquels (notre amie Iris Bridier en parlait ici même) ils regardent parfois des films porno ; ils traitent leurs parents comme des pourvoyeurs de cadeaux, un peu faiblards et à moitié absents ; ils choisissent ce qu'ils mangent ; ils répondent aux adultes. Dans certains milieux favorisés, on fait passer cette mauvaise éducation pour un trouble de l'attention, voire (pire encore, en termes de mauvaise foi) pour un haut potentiel intellectuel. Or, ces petits monstres ne sont pas des zèbres : ce sont des ânes ou des singes, au mieux.
Cela étant dit, l'entretien que Sophie Rabhi accorde à L'Obs au sujet de l'éducation bienveillante est intéressant à plus d'un titre. Évidemment, son discours sur les « violences éducatives ordinaires », mis en exergue par le journal, peut sembler ringard. Elle estime que ces violences commencent quand les parents pensent savoir mieux que leurs enfants ce qui est bon pour eux. On pourrait en rire, mais ce serait injuste. Sophie Rabhi sépare, en effet, les injonctions nécessaires (empêcher un enfant de tomber d'une falaise ou d'ingérer du poison) de celles dans lesquelles il faut laisser les enfants faire leurs propres expériences. C'est nuancé et pas idiot. Elle ajoute également un élément intéressant : les parents permissifs, lobotomisés par l'éducation bienveillante, sont aussi ceux qui deviennent autoritaires, humiliants et laissent exploser leur colère pour des broutilles parce qu'ils se sont trop longtemps empêchés de reprendre leurs enfants.
Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, cette dame, décidément pleine de sagesse, considère que la notion de « limites », c'est-à-dire de coercition (et d'humiliation parfois), est trop marquée par le freudisme (qu'elle ne qualifie pas d'imposture, mais nous le faisons volontiers pour elle), et qu'il faut lui préférer la notion de « repères », en considérant ses enfants comme des « amis précieux ».
Il faut s'arrêter deux minutes sur une telle finesse sémantique, qui n'est pas à la portée de tout le monde. Les limites sont des interdits que l'on impose, les repères sont des mains courantes que l'on explique. En privilégiant les seconds, on gagne du temps sur l'opposition de la prétendue « crise d'adolescence » - concept nouveau à l'échelle de l'humanité, et qui s'est surtout avéré utile pour créer un nouveau segment marketing. Quant à cette notion d' « amis précieux », elle n'est pas une invitation à la faiblesse. Qui serait faible avec ses amis ? Il faudrait plutôt y voir une invitation à considérer ses enfants d'égal à égal - pas tout de suite, pourrait-on ajouter, mais en tout cas, que le but d'une éducation soit d'être, quand ils seront adultes, l'ami de ses enfants. Le soldat écrivain Hélie de Saint Marc, évoquant son entraînement de parachutiste, parlait de « traiter son corps comme un ami » - et il ne l'a pourtant pas épargné.
Alors, bien sûr, on est tout de même dans la presse de gauche et, à la question célèbre « D'où parles-tu ? », Sophie Rabhi répond en cochant toutes les cases : école Montessori en Ardèche, valeurs écolo, bienveillance... et, évidemment, échec total de son projet d'école, parce que la mesquinerie de la nature humaine a repris ses droits. Cependant, ses leçons sur l'éducation ont le mérite de renvoyer dos à dos deux caricatures qui ne sont, en fait, que les deux faces du même modèle : celui des parents bobos « à l'écoute » qui deviennent des parents humiliants, verticaux, coercitifs - cherchant, sans y parvenir, à ne pas faire comme leurs parents, c'est-à-dire ne sachant que s'inscrire en contre. La sagesse est peut-être, comme souvent, entre les deux : poser un cadre clair, sans surjouer la sévérité, ni se vouloir « pote », ni abandonner au premier choc, ni perdre ses moyens. C'est un métier. C'est peut-être même, pour nous parents, le seul vrai métier qui vaille le coup. Cela mérite qu'on y consacre l'essentiel d'une vie.
Bref, ce week-end, au café, la base de discussion vient de L'Obs. C'est assez rare pour être salué. Merci, les gars ! On attend pour bientôt, dans les mêmes colonnes, une louche de soupe wokiste, babillarde et bourgeoise, plus conforme à la ligne éditoriale - mais en attendant, cette parenthèse est bienvenue.
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23 commentaires
Avec un peu d’expérience, je pense qu’il faut contrer ses enfants quand on pense que cela est bon pour eux. Et ne pas rapporter tout à soi , y compris contre soi même. Parce que notre propre vécu ne doit pas devenir l’exemple surtout quand celui- ci a été négatif. Les parents qui disent qu’ils ne peuvent exiger de leurs enfants ce qu’ils n’ont pas été, se trompent. Il faut leur donner les rails et la vie se chargera du reste mais le fond restera .