Égypte : une arnaque électorale couverte par la Communauté internationale…
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Les Égyptiens votent actuellement pour leur nouveau président. Ce n’est pas une blague, même si cela y ressemble un peu. En effet, Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu, purge actuellement une longue peine de prison pour des « menées terroristes » hautement fictives, après avoir été renversé au bout d’un an d’exercice par l’actuel chef de l’État, le maréchal Abdel-Fattah al-Sissi, unique candidat à sa propre succession. Ça ressemble tant à une blague que les candidats ne se bousculant pas au guichet, il a fallu susciter une autre candidature pour faire joli dans le décor : celle de Moussa Mostafa Moussa, un proche du maître du Caire.
Le seul enjeu sera donc celui de la participation. À ce sujet, le quotidien libanais L’Orient-Le Jour confirme : « À la dernière présidentielle, le taux de participation n’avait atteint que 37% après deux jours de scrutin, incitant les autorités à prolonger ce dernier de 24 heures, pour atteindre 47,5%. ». Des autorités qui semblent cette fois avoir pris leurs précautions, toujours selon la même source : « Preuve de l’importance de la question, la gouverneure d’Al-Bahaira, Nadia Abdo, a dit aux responsables locaux que les localités au fort de taux de participation seraient récompensées. "Nous leur fournirons l’eau, l’assainissement des eaux usées, l’électricité". »
Cela suffira-t-il à motiver une population ayant le légitime sentiment de s’être fait voler son « printemps » de 2011 ? On peut en douter. Les opposants, laïcs, islamistes ou supposés tels, ont fui ou ont été incarcérés. Les Frères musulmans, confrérie dont le président Morsi est issu, sont repartis dans la clandestinité, après qu’une de leurs dernières manifestations de soutien à l’ancien gouvernement ait été réprimée dans le sang, causant la mort de plusieurs milliers de personnes, dans l’indifférence générale de nos médias. Quant à l’économie, elle va au plus mal. Les prix explosent tandis que les denrées essentielles ne sont plus subventionnées par l’État.
Alors, qui soutient encore le maréchal Al-Sissi ? Les USA, tout d’abord, sachant que l’Égypte est depuis longtemps son principal point d’ancrage dans la région. L’Arabie Saoudite en second lieu, histoire de faire pièce à la grandissante influence de Téhéran : Ryad n’a pas oublié que l’un des premiers gestes diplomatiques du président déchu avait été d’enfin ouvrir le Canal de Suez à la marine de guerre iranienne. D’où cet actuel paradoxe voulant que les salafistes égyptiens soutiennent, sur ordre saoudien, un régime laïc, tandis qu’à leurs yeux les Frères musulmans sont tenus pour trop « libéraux »…
Et puis, il y a encore la France, à laquelle l’Égypte vient d’acheter pour six milliards d’euros d’armes. Largement de quoi être tenu pour « pays ami » par Emmanuel Macron. Et surtout l’éternel chantage de ces militaires assurant être le meilleur « rempart contre le terrorisme islamiste », menace qui n’en finit plus d’avoir bon dos.
Car c’est aussi grâce à ce statut que l’économie égyptienne est tenue en coupe réglée par la junte au pouvoir, avec toute la corruption et la misère y afférent ; soit le meilleur terreau qui soit pour ce même « terrorisme islamiste », à en croire la part prépondérante des intellectuels égyptiens dans la théorisation de ce phénomène. Ce qui n’empêche pas la Communauté internationale – c’est-à-dire les Occidentaux – de continuer à fermer les yeux.
Mais les peuples ne vivent pas que de pain ; il y a aussi l’honneur. Et si, en son temps, Gamal Abdel Nasser, le père de l’indépendance, lui aussi, à l’origine, membre des Frères musulmans, avait su redonner à l’Égypte sa fierté nationale, ces temps sont désormais révolus. Surtout depuis que ce sont les USA qui ont pris l’habitude de payer les factures, le budget du Caire étant largement pris en charge par la Maison Blanche. Une dépendance financière qui a évidemment un coût politique : celui de faire de cette nation multimillénaire une colonie n’osant dire son nom.
Cela, Mohamed Morsi l’avait bien compris. Les Égyptiens aussi. Et la clique au pouvoir tout autant, mais à sa façon, qui a mis le premier derrière les barreaux et les seconds en une sorte de prison intérieure. Le problème n’est donc pas de savoir s’il y aura une révolution prochaine, mais seulement quand elle adviendra.
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