Élections en Allemagne : comme en France, le complot des cheveux gris

Le Monde est formel : l’Allemagne est encore coupée en deux, trente-cinq ans après la réunification. D’ailleurs, pour une fois, le quotidien du soir a raison : il suffit de regarder la carte du pays et de voir qui est en tête, au premier tour des législatives du 23 février. À l’est, c’est l’AfD ; à l’ouest, c’est la CDU, et on dirait bien, en effet, qu’au milieu, il y a toujours le mur. Mais le deuxième fait marquant, le plus marquant sans doute, si l’on passe sous silence l’effondrement de la gauche devant le réel, c’est la segmentation du vote par âge. En d’autres termes, les vieux ont sauvé le marigot politique allemand. Voyons cela.
Le journal relève d’abord la surpuissante progression de l’AfD, ce parti que tout le monde qualifie de nazi sous prétexte qu’il est allemand (alors que, comme on dit dans OSS 117, « tous les Allemands n’étaient pas nazis »), parmi l’électorat le plus jeune, celui des 18-44 ans. Chez les jeunes (18-24 ans), on vote plutôt pour les extrêmes, c’est certain, mais cette fois, on vote presque autant à l’extrême droite (21 %) qu’à l’extrême gauche (25 % pour Die Linke). À eux deux, les deux partis « de gouvernement », les partis « raisonnables », la CDU (démocrate-chrétien) et le SPD (social-démocrate) n’obtiennent que péniblement 25 %. Conclusion sans ambages du quotidien Der Spiegel : « Sans les plus âgés, l’Allemagne n’aurait plus de centre démocratique. » En d’autres termes, une « GroKo » (Große Koalition, ou Grande Coalition) entre la gauche et la droite ne va être possible que grâce au vote des vieux.
Ils sont polis, gentils et rassurants
La mafia des retraités « raisonnables » en Allemagne a au moins l’excuse d’avoir subi, à l’Ouest, la dénazification. Nés vers 1950, en pleine culpabilisation, peu après cette époque de haine de soi que décrit magnifiquement, entre autres, Le Questionnaire d’Ernst von Salomon, les plus de 70 ans, outre-Rhin, ont intériorisé la menace américaine : voter nationaliste, c’est être national-socialiste. Et ça marche.
En France, nous avons les mêmes effets mais pas les mêmes causes. Peu après l’élection de 2022, un article de L’Express montrait quelles dynamiques de vote étaient à l’œuvre, dans notre pays. Grossièrement, les très jeunes préféraient Mélenchon, la population active plébiscitait Marine Le Pen… et les « seniors » (ce mot qui caractérise les vieux qui ont honte de l’être) avaient choisi Macron. Le politologue Stewart Chau pouvait alors l’affirmer sans complexe : les plus de 60 ans ont fait l’élection de 2022.
Les plus de soixante ans, en 2022, étaient nés avant 1962 – on peut l’affirmer sans trop de risque de se tromper. Nombreux sont les « seniors » qui, dans cette tranche d’âge, n’ont pas voté pour Macron. Il ne s’agit pas de critiquer toute une classe d’âge, d’autant que les retraités ont, pour les plus âgés, connu les privations de la guerre ou les conflits coloniaux, et que les plus jeunes ont grandi au temps du giscardisme narcotique et du gauchisme triomphant. Les anciens mériteraient donc plutôt notre respect.
Il n’empêche : il y a, dans cette crispation des personnes âgées autour des figures du centrisme mou et des partis rassurants, quelque chose comme une forme de confort intellectuel. L’exemple de l’Allemagne nous laisse imaginer ce que pourrait être une élection de 2027 conditionnée par la grande peur des seniors : Édouard Philippe ou Gabriel Attal l’emporteraient haut la main parce qu’ils sont polis, gentils et rassurants. Un cauchemar. Espérons que, d’ici la prochaine échéance, nos patriotes de plus de soixante ans – qui constituent, très probablement, la majorité de l’espèce - arrivent à convaincre les plus frileux et les plus angoissés d’entre eux. La menace, la vraie, n’est pas le régime par répartition ou les nouvelles façons de faire de la politique. C’est la disparition de notre pays, à la même échéance que leur disparition à eux.

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61 commentaires
C’ est de moins en moins vrai, le vote RN a progressé en 2024 chez les + de 60 ans (il semble y avoir un effet Bardella….)
Les personnes « âgées » semblent pour la plupart avoir oublié leur jeunesse, n’en ont tiré aucune leçon quant à la lamentable évolution sociétale que nous vivons aujourd’hui. Leurs votes écolo-socialo-centro-macronistes ne favorisent guère l’intérêt de leurs « chers petits enfants » !!! Y compris les miens, hélas.
Toutes les personnes agées que je connais n’ont pas voté pour Macron.
Macron a été élu comme mitterrand avec les voix des fonctionnaires et assimilés et de la gauche en général.
Les chiffres parlent d’eux-même !
Les personnes âgées ont besoin d’être rassurées, et votent donc pour le candidat le plus rassurant. En France il s’est avéré que c’était le plus nul. En Allemagne, on verra….
Nous avons autour de 75 ans et n’avons surtout pas voté Macron !!!! Par contre si j’avais 25 ans….je quitterai la
France !A 25 ans je travaillais en Allemagne (de l’Ouest) , j’aurai mieux fait d’y rester , de quitter Düsseldorf pour m’installer en Bavière………