Élections sous forte tension en Afrique : la désillusion démocratique
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L’agenda électoral 2020 du continent africain compte douze élections présidentielles, dont huit également législatives. Après celles de ce 28 octobre en Tanzanie et du 31 en Côte d'Ivoire, quatre sont encore prévues en Afrique de l’Ouest et centrale, dont trois dans des pays francophones.
Comme l’enfer, des discours pavés de bonnes intentions.
Sur place, loin des diasporas et des analystes déconnectés des réalités locales évolutives, des courants d’opinion idéologisés fortement politisés et médiatisés, l’indice d’explosivité des contestations politiques sur fond de tensions intercommunautaires montre que l’esprit du discours de La Baule, prononcé par le Président Mitterrand, le 20 juin 1990, est loin de souffler sur ce continent de braises ethniques ardentes.
Bien intentionné, ce discours historique de portée universelle conditionnait désormais l’aide aux pays d'Afrique à leur démocratisation. Mais son auteur, l’académicien Erik Orsenna, africaniste de cœur, a été mieux inspiré dans son précis de mondialisation Géopolitique du moustique. Car à l’échec des décolonisations s’ajoute celui de la démocratisation, modèle politique hors-sol africains.
Bien intentionné également, mais terriblement maladroit et incomplet, celui du Président Sarkozy du 26 juillet 2007, à Dakar, rédigé par son conseiller Henri Guaino, déclarait notamment que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l'Afrique » vient du fait que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire ».
Entre tradition et modernité, un écart difficile à combler.
Invention européenne récente, la démocratie directe postule l’égalité de dignité et de droits entre les êtres humains, qu’elle place à un sommet indépassable de la chaîne du vivant. Les cultures ancestrales africaines, dans leur grande diversité géographique et ethnique, affirment la hiérarchie de groupes et d’individus. Elles relient culture et nature dans des croyances animistes, mêlant le culte des esprits et des ancêtres à toute autre religion et spiritualité.
Ces deux visions différentes du monde ont des conséquences directes sur les modes de gestion des populations. Opposé au principe d’autonomie individuelle, celui d’hétéronomie africaine impose à l’individu des règles qui le soumettent à une communauté inspirée par des critères qui le transcendent. Facteur d’équilibre social en milieu rural, en voie de marginalisation et peut-être un jour de folklorisation, ce principe qui concilie l’intérêt général et les intérêts particuliers a été dilué et dévoyé dans un milieu urbain envahissant et déshumanisant.
Une manipulation politique schizophrène.
En effet, les dirigeants politiques africains affichent simultanément leur culture locale clientéliste pour flatter et s’imposer à leurs groupes ethniques soumis et regroupés par quartiers, et une culture politique inclusive nationale de façade, pour s’imposer par des élections truquées et tromper une communauté internationale complaisante. Une nouvelle génération de dirigeants sous influences étrangères prend progressivement le pouvoir, technocrates membres du gotha mondialiste, acquis par intérêt personnel à des idées pseudo-progressistes incompatibles avec leurs valeurs traditionnelles.
C’est ainsi que la démocratie, dont on constate les limites, les impasses et le besoin de redéfinition dans ses pays d’origine, s’enracine avec ruse, retard et selon le même modèle dépassé en Afrique, après soixante ans d’indépendances africaines sans cesse proclamées, jamais réalisées.
Alors que de nombreux Africains revendiquent le droit légitime de réécrire leur Histoire et de prendre enfin leur destin en main, les Français ont beaucoup désappris de l’Afrique sous le coup des idéologies mensongères et culpabilisantes de l’anticolonialisme primaire. Le meilleur service qu’on puisse rendre aux Africains est de les laisser s’émanciper seuls avec leurs ressources, amplement suffisantes.
Entre volonté de continuité et désir d’évolution, besoin de stabilité et aspiration au changement, il revient aux populations africaines de définir elles-mêmes leur niveau d’exigence envers leurs dirigeants, de respect de l’intérêt général avec un niveau supportable de redistribution. Et à la communauté internationale de ne pas se rendre complice de la défaillance et de la prédation publiques généralisées, par une conditionnalité responsable et une confiance raisonnée qui n’exclut pas le contrôle.
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