Élisabeth Borne et le 49.3 : ça, c’est fait !

Cet article a été publié le 19/10/2022.
49.3 ? Nombre d'or de la première année du second quinquennat d'Emmanuel Macron. En beaucoup de choses dans la vie, c'est la première fois qui coûte. D'abord, on est un peu tremblant, hésitant et parfois même maladroit. Et puis, finalement, on se jette à l'eau. Très vite, ensuite, on y prend goût, avant qu'avec le temps, ça devienne une habitude, une mécanique ; bref, la routine. Souvenons-nous du premier 49.3 d'Élisabeth Borne, en octobre 2022. Le début d'une longue série. Retour sur l'usage de cette arme constitutionnelle dans les mains de l’exécutif qui n’a son pareil nulle part ailleurs dans les autres grandes démocraties...
On dit qu’on ne peut pas être et avoir été. Emmanuel Macron, son gouvernement et, plus largement, la Macronie le découvrent à leurs dépens. Durant cinq longues années, ils ont régné sans partage avec une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Tout cela marchait, votait ou applaudissait au coup de sifflet. C’était tout simplement beau. Comme une parade militaire. Un peu lassant, à la longue, mais beau comme peut l’être aussi une mécanique bien huilée. Lorsqu’il fallait combattre de nuit, on était assez nombreux pour se relayer, assurer la permanence, monter la garde à la tranchée, s’il y avait risque d’escarmouche. Bref, on avait l’assurance des armées réputées invincibles « parce que nous sommes les plus forts », ces armées qui ne perdent pas de temps à se remettre en cause car elles ont toujours raison. Jusqu’au jour…
Jusqu'au jour où vint le vilain mois de juin 2022. Des incongrus, des ingrats, des qui n’ont rien compris à tout ce qu’avait fait de bien pour eux Emmanuel Macron, son gouvernement et, plus largement, la Macronie eurent l’idée saugrenue d’élire une Assemblée nationale d’un nouveau genre. Une Assemblée représentant pour une fois, grosso modo, l’ensemble des sensibilités politiques du pays. Et là, effectivement, ils découvrirent qu’il est compliqué d’être et d’avoir été. Être minoritaire à l’Assemblée, du jour au lendemain, alors qu’on avait une majorité écrasante, faut reconnaître que ça doit sérieusement piquer aux yeux. On ne change pas de logiciel comme ça. C’est la tragédie que vivent Emmanuel Macron et consorts. C’est pourquoi le fameux 49.3 était inéluctable. On savait qu’ils appuieraient sur la queue de détente du fusil. Restait plus qu’à choisir le bon moment.
Mais, au fait, l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, c’est quoi, au juste ? « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. » Une arme constitutionnelle dans les mains de l’exécutif qui n’a son pareil nulle part ailleurs dans les autres grandes démocraties. Le Conseil des ministres a armé son fusil en délibérant, comme le prévoit la Constitution. Il ne restait donc plus qu’à tirer le moment venu.
Le moment était venu. Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement au titre de l’article 4.3 pour faire passer le projet de loi de finances 2023, partie recettes. Elle jouait relativement (tout devient relatif, depuis que la majorité l’est !) sur du velours. En effet, les oppositions avaient 24 heures pour déposer une motion de censure afin de faire tomber le gouvernement. La NUPES l'a fait immédiatement et le RN devrait probablement suivre. Partant dispersées et sans le soutien des LR, ces motions seront rejetées, le gouvernement ne sera pas renversé et le budget sera voté. Tout ça, c’est du cinéma, me direz-vous ? Oui, mais non. Car désormais, les choses auront au moins le mérite d’être claires. Ce gouvernement ne tient que par la force des institutions transmises en héritage par de Gaulle et son légiste Michel Debré. Il faut bien que la nation ait un budget pour 2023 parce qu’on ne peut pas faire autrement, que l’entreprise France doit bien continuer à tourner, vaille que vaille, que les factures, les pensions et les traitements soient versés, etc. Mais si l’acceptabilité de l’impôt repose sur son libre consentement par les contribuables, que dire du budget d’une nation voté par moins de 50 % des députés dans un pays profondément marqué par la notion de majorité absolue ?
Si l’on ajoute à cela un contexte social plus que tendu qui semble installer une distorsion durable entre ce que certains appellent le pays réel et le pays légal, on voit mal comment Emmanuel Macron pourra longtemps faire croire qu’il a été réélu sur son programme et qu'il peut faire ce qu'il veut.
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29 commentaires
Comment appelle t-on un « parti » constitué d’un salmigondis de gens, qui s’arrogent le droit d’user et d’abuser du 49-3, car n’ayant pas de majorité ? Je crois que ça s’appelle à minima un excès d’autorité qui mène tout droit à l’abus de pouvoirs, qui s’il n’est pas sanctionné, mène tout droit au despotisme. Je crois que nous n’en sommes pas loin!
Nous y sommes déjà
Elu grâce aux magouilles , soutenu par la presse financée avec nos impôts , ce gouvernement dirige ce pays sans la majorité , passe en force toutes ses décisions , cela s’appelle une dictature.
Durant 5 longues années , la macronie a été portée et encensée uniquement grâce aux médias , mais le mécontentement du peuple grondait déjà : la gestion catastrophique des GJ et du covid ont très vite monté les Français contre Macron , la Borne ayant achevé le peu de crédibilité qui restait ; les Institutions ne sont plus ce qu ‘ elles étaient , ce gouvernement ne tient que par un verrouillage du système ; pour combien de temps encore ?
C’est la 4ème république dans la 5ème : Un PR intouchable avec des partis qui se chamaillent.