Élisabeth Borne faite commandeur de la Légion d’honneur : est-ce bien normal ?

© Laurent Coust/SOPA Images/Shutterstock
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« En raison du calendrier politique », la publication de la promotion civile du 14 juillet dans l’ordre national de la Légion d’honneur a été exceptionnellement avancée, a annoncé la grande chancellerie de la Légion d’honneur, dans un communiqué. On pourrait se dire que la continuité administrative et républicaine fait abstraction de ce genre de considération, d’autant que le grand maître des ordres nationaux est bien toujours à l’Élysée.

La cravate de Borne

Est-ce le fait que dans cette promotion, on y trouve Élisabeth Borne, promue commandeur ? En effet, cette dernière, après avoir quitté, le 9 janvier dernier, Matignon, a retrouvé son siège de député, le 10 février. Or, les parlementaires, en vertu d’une ordonnance datant de 1958, « ne peuvent être nommés ou promus dans l'ordre national de la Légion d'honneur, sauf pour faits de guerre ou actions d'éclat assimilables à des faits de guerre ». Ceci, pour des raisons de séparation des pouvoirs exécutif et législatif. Il ne semble pas que les faits d’armes de Mme Borne durant la guerre du Covid ou son action à la tête de l’artillerie gouvernementale, calibre 49.3, relèvent de cette exception. La fenêtre de tir pour promouvoir l’ancien Premier ministre était donc relativement étroite : entre le 9 juin, jour de la dissolution mettant fin à son mandat de député, et le 7 juillet, jour où elle a retrouvé son mandat de député du Calvados. Le décret promouvant Mme Borne (Élisabeth), ancien Premier ministre, chevalier du 17 octobre 2013, est du 3 juillet 2024. Impeccable. Une précision : l’ancienne locataire de Matignon est promue directement commandeur, étant déjà grand-croix de l’ordre national du Mérite. N’ayant pas tenu deux ans au poste de Premier ministre, elle ne peut donc être élevée à la dignité de grand-officier de la Légion d’honneur, comme ce fut le cas, par exemple, pour Édouard Philippe, comme ce ne fut pas le cas pour Dominique de Villepin à qui il manqua – c’est ballot – quatorze jours pour prétendre à cette élévation…

Quelques noms, ici et là…

Mais l’on ne va pas faire tout l’article sur Mme Borne. On est content pour elle et l'on se réjouira d’apprendre que dans cette promotion du 14 juillet, l'inoxydable Michel Drucker, le visiteur des couloir du temps Jean Reno et l’ancienne championne olympique Marie-José Pérec reçoivent, eux aussi, la cravate de commandeur. L’ordre logique des choses. Que le docteur Michel Cymes, quarante ans de service, est fait chevalier, sur le contingent du ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. Normal. Tout comme la journaliste Caroline Fourest (trente ans de service), elle aussi sur le contingent de ce ministère. Bizarre. Que Mgr Bustillo, évêque d’Ajaccio, voit décidément la vie en rouge puisque, moins d’un an après avoir reçu la pourpre cardinalice, il va devoir épingler la croix de chevalier sur sa soutane.

Une grande figure de la Légion

Mais qu’il nous soit permis de faire une mention spéciale – et tant pis pour les people oubliés – pour le père Yannick Lallemand, ancien aumônier militaire, et plus particulièrement dans la Légion étrangère. Né en 1937, fils du colonel Adolphe Lallemand qui fut emprisonné pour avoir rapatrié des harkis à la fin de la guerre d’Algérie, Yannick Lallemand est ordonné prêtre en 1963 et devient aumônier militaire en 1970. En 1978, il saute sur Kolwesi avec le 2e REP… et l’un de ses frères, alors capitaine. Affecté, ensuite, au 1er régiment de chasseurs parachutistes, il sert au Liban et est présent au moment du Drakkar, mettant toute son énergie à rechercher ses camarades enfouis sous les décombres. C'est ensuite le Tchad, dans le cadre de l’opération Manta. Il quitte alors l’armée pour rester, durant dix ans, en Afrique où il se consacre aux populations locales. Puis retour dans la Légion. En 2018, il prend enfin sa retraite… à 81 ans. Fait rarissime, il est nommé « légionnaire d’honneur », distinction accordée à moins d’une dizaine de personnes dans toute l’histoire de la Légion étrangère, et (insigne honneur), en 2023, il porte la main du capitaine Danjou lors de la cérémonie de Camerone à Aubagne. Le père Lallemand est élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d’honneur.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/07/2024 à 22:57.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

51 commentaires

  1. Je pense qu’elle ne tardera pas a être décorée par les tripiers de Normandie de l’ordre de L’Andouille (de Vire, bien entendu).Et si je peux me permettre de citer Godefroid Kurth (livre « Clovis ») : « Les hommes ne sont jamais plus vains d’une dignité que lorsqu’elle est devenue absolument vaine ».

  2. « À force de tout voir l’on finit par tout supporter,
    À force de tout supporter l’on finit par tout tolérer,
    À force de tout tolérer l’on finit par tout accepter,
    À force de tout accepter l’on finit par tout approuver. »
    Attribué à St Augustin, et particulièrement adapté à la société française, qu’il s’agisse ici de l’attribution de la Légion d’honneur ou plus généralement de la conduite du pays.

  3. Quand le moment sera venu de demander des comptes à ceux qui ont détruit ce pays ainsi qu’à leurs soutiens, il suffira donc de consulter la liste des récipiendaires de ce hochet en passe de devenir une marque d’infamie.

  4. Vous m’enlevez les mots du clavier (!) car je me demandais en quel honneur, cette déco… pour faits de guerre CONTRE les Français POUR toutes les lois votées aux forceps grâce aux tirs de 49.3 en rafale ? C’est du grand n’importe quoi et c’est une honte, komdab.

  5. Oui, de chevalier elle a sauté toutes les étapes pour devenir « commandeur », mais, il n’y a pas qu’elle quand on lit le J.O ! Le gamin s’amuse

  6. cette médaille de la Légion d’Honneur est devenue une sucette comme on donne aux enfants, alors qu’elle devrait être exceptionnelle pour des fait exceptionnels !

  7. Dans son tombeau des Invalides, Napoléon n’a pas fini, hélas, de se retourner. On est bien mal monté avec celui qui se prend pour l’Empereur. Empereur de qui, de quoi d’ailleurs ?

  8. Ainsi donc Michel Drucker n’avait pas encore tous les échelons de la Légion d’honneur.!Il en reste combien ?
    On a besoin de le savoir .

  9. Normal, cette caste plus infecte que ne le fut l’aristocratie des derniers instants, fonctionne en circuit fermé. Elle se délivre des satisfecit, s’ auto-congratule, afin de se donner l’illusion qu’elle est efficace; protège sa carrière grâce à des cabinets-« conseils? ». Et tout le monde regarde ça avec complaisance, admiration… quelle bande de ploucs, qui se complaît dans sa médiocrité inconsciente.

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