Émeutes en Corse : en France, désormais, la violence est-elle le seul moyen de négociation ?

Chez les Corses, bougies et Bisounours n’ont pas vraiment cours.
corse

Violence, terrorisme, haine de la France, défaillance de l’État. Depuis l’agression d’Yvan Colonna, la Corse est en proie à de violentes émeutes. Car chez les Corses, bougies et Bisounours n’ont pas vraiment cours. Le « Vous n’aurez pas ma haine » n’existe pas, c’est même plutôt le contraire. Ainsi, depuis une dizaine de jours, les indépendantistes sont sortis du maquis, des manifestations se succèdent à Bastia, Ajaccio, Calvi et Corte, cette ville berceau du nationalisme corse. Leurs banderoles ? « Gloire à toi Yvan » et « État français assassin ». Il est reproché à l’administration pénitentiaire de ne pas avoir assuré la protection d’un terroriste, meurtrier de préfet, face au danger… du terrorisme djihadiste.

Depuis l’arrivée de Gilles Simeoni à la tête de la collectivité territoriale en 2015, une coalition de formations autonomistes dirige la Corse. D’aucuns, comme Arnaud Benedetti, regrettent la méconnaissance de la Macronie de la réalité corse et de sa complexité. Selon lui, la soudaine flambée de violences n’est que le fruit amer du refus de poursuivre les discussions sur l’autonomie de la Corse. Il explique que « l’arrivée aux responsabilités des nationalistes depuis 2016 n’est pas le fruit du hasard, ni d’un accident de l’Histoire. C’est une réalité tangible, résultat d’un long processus de maturation démocratique et de “l’adieu aux armes” opéré aussi par les organisations clandestines. Toute politique à partir de Paris qui ne tiendrait pas compte de ce nouveau contexte prendrait le risque de constituer un retour en arrière. »

Le refus de la France d'organiser le transfert des détenus dans leur île (refus sur lequel Jean Castex vient de revenir) a été vu comme une humiliation par les indépendantistes, infligée par l’État français. Car c’est bien contre le France, et non contre le terrorisme djihadiste qui a infiltré la société française et qui, en l’occurrence, est responsable de l’agression d’Yvan Colonna, que les Corses manifestent. C’est leur rejet de la France qu’ils expriment, à travers tout ce qui, pour eux, représente l’État. Dans la seule journée de dimanche, à Bastia, 39 CRS, 27 gendarmes mobiles et 3 policiers locaux ont été blessés. Selon le journaliste William Molinié, d’Europe 1, des cocktails Molotov et des bombes agricoles ont été utilisés contre les forces de l’ordre, qui ont même essuyé des tirs de carabine à plomb.

Vu du continent, il y a un certain paradoxe dans le rejet de la France revendiqué par les autonomistes corses : la Corse est, juste après l’Île-de-France, la région la plus dotée en fonctionnaires par rapport à la population globale : 81 agents de la fonction publique pour 1.000 habitants dans les trois fonctions territoriales confondues – État, territoriale et hospitalière -, contre 73 pour 1.000 habitants en moyenne pour les autres régions. Ce sont les agents territoriaux qui ont le plus de poids, 36 pour 1.000 contre 26 pour 1.000 dans le reste de la France, avec une augmentation de 8,2 % entre 2015 et 2018, selon la note d’un ancien rapporteur général de la Cour des comptes, François Ecalle, relayée par Corse-Matin. L’emploi public représente en Corse 28 % de l’emploi salarié (Le Figaro).

Par rapport aux gilets jaunes et autres manifestants anti-passe contre lesquels il n’avait pas de mots assez durs, voire carrément méprisants, le ministre de l’Intérieur use envers les Corses d’un langage beaucoup plus… sobre, pour ne pas dire irénique : il appelle « au retour du calme sans délai », après des scènes ultra-violentes où l’on a vu les forces de l’ordre battre en retraite face aux militants. Il se rendra sur l’île mercredi et compte engager sans délai des discussions sur l’évolution de son statut, vers plus d’autonomie.

Sans se prononcer sur l’opportunité de cette évolution destinée à être inscrite dans la Constitution, on ne peut que déplorer un signal mauvais adressé à une société française fracturée et en crise : en France, désormais, tout s’obtient par la violence ?

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

94 commentaires

  1. Macron, ses sbires, sa smala, et les membres de la secte LREM, ne vivent que dans le rapport de force, tant ils sont persuadés être les seuls à détenir la vérité, le droit, le bien !
    LREM n’est qu’une secte mondialiste dangereuse, dont le gourou est un grand malade !

  2. La France est moribonde, en voilà encore une bonne preuve ! Et ce qui se passe en Corse le prouve bien aussi: sans casse…. pas d’ espoir d’ être entendu, rappelez vous des gilets jaunes dont le seul souci était de survivre dans de meilleures conditions !! Que pensent ils aujourd’hui 15 mars 2022 ????

  3. C’est le début de la fin pour la macronnie , si Colonna décède, Macron ne s’en relèvera pas .

  4. L’UKRAINE en est la meilleure preuve; Les accords de MINSK n’ont pas été respectés malgré les relances incessantes, fermes mais polies. L’entrée en guerre de la RUSIIE montre que la violence reste la seule façon de faire respecter ses droits. Si nos politiques et administratifs pouvaient être pénalement responsables des morts que leurs décisions illégales ou infondées ou non partagées par le peuple, ils seraient plus prudents et plus efficients. Responsables mais jamais coupables.

  5. Malheureusement ce n’est pas nouveau : voyez Notre Dame des Landes. La violence a gagné depuis Hollande.
    Quant à la Corse, un référendum sur l’indépendance puis une fois que celle ci sera votée, se retirer en 3 mois ! A eux de se débrouiller ! Sans aucune « compensation ».
    Ça fera d’énormes économies pour l’Etat.

    • Comme nous avons fait avec nos anciennes colonies, aujourd’hui ils sont tous chez nous. et ça nous coute un argent fou.

  6. C’est effectivement grave mais la responsabilité en incombe entièrement à l’Etat et plus particulièrement au ministère de la justice et à l’administration pénitentiaire incapable de maintenir l’ordre et la sécurité dans ses prisons. Une militarisation des matons sous l’autorité de la Gendarmerie devient indispensable.

  7. Manifester passivement ne sert à rien et l’on risque d’être blessé par les forces de l’ordre avec la bénédiction de Macron .Faut il , pour se faire entendre et respecter , agir comme les corses ?

  8. Y.Colonna n’est qu’un assassin, il n’y a rien à défendre, il méritait la prison à vie, les Corses feraient mieux de s’en prendre aux djihadistes qu’à l’Etat. Je me demande ce que donnerait un référendum pour ou contre l’indépendance totale, y compris financière de la Corse, à mon avis les indépendantistes seraient minoritaires.

    • Vous vous avancez en disant que c’est un « assassin », tout du moins ce n’est pas l’éxecutant !

      • Oui, bon, il faisait partie du groupe qui a assassiné un homme, ce n’est pas un enfant de choeur innocent condamné pour rien.

  9. Pour bien connaître le problème, le maintien des corses sous le statut D.P.S n’était qu’un moyen « technique » pour ne pas les envoyer purger leur peine en Corse, une seconde peine en sorte alors que sarko en a supprimé une autre bien plus dangereuse. Colonna était-il l’assassin ? j’en doute et je sais de quoi je parle. Quant à ce qui s’est passé à Arles, je trouve qu’il se passe de drôles de choses ces temps-ci, la faute est évidente mais les responsables n’en tirent pas les conséquences !

  10. Réponse à votre question. vous ne vous en apercevez que maintenant??? Comment les « Zones de Non Droit » sont elles apparues.. en cassant du flic ? pourquoi on ne bouge pas face aux antifas??? car il cassent! Pourquoi les gilets jaunes , anti GPA ou anti-pass non rien obtenus? car ils n’ont rien cassé!

  11. A peine voit-on des arabes qui flingue un corse que de suite c’est la faute à la France, on parle autonomie, jamais identité, pas un mot de haine envers les barbus, bref du foutage de gueule en grande pompe.

    • Contrairement aux Balkans, au Liban et à Israël, l’histoire ne nous a pas légué plusieurs religions disputées par plusieurs ethnies. Nos gouvernants ont laissé entrer voir fait venir en France durant plus de 50 ans des étrangers aux mœurs et à la religion différentes. Certes, c’est un djihadiste qui a agressé Yvan Colonna mais ceux qui nous gouvernent depuis 1962 sont aussi coupables que lui.

  12. Grandeur et décadence de l’unité territoriale française, avilissement de ces politiciens qui s’autorisent à donner des leçons de bonne gouvernance à l’étranger mais sont incapables de maintenir une cohésion nationale, c’est dans ce type de situation que l’on perçoit la faiblesse de nos institutions et la lâcheté de nos politiciens.

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