Emmanuel Macron, candidat « en temps voulu ». C’est-à-dire ?

MACRON CREUSE

« En temps voulu », il a dit. En non-campagne électorale dans la Creuse, lundi 24 janvier, Emmanuel Macron a répondu ainsi à la question d’un étudiant qui l’interrogeait sur sa candidature pour un deuxième mandat. Une expression passe-partout qui permet de gentiment botter en touche et de maintenir le suspense. Après tout, c’est de bonne guerre.

« En temps voulu » : la même expression que le président de la République avait employée, en 2019, après l’incendie de Notre-Dame. « J’ai eu le pape au téléphone. Je l’ai évidemment invité à venir et il viendra en temps voulu. » En temps voulu, c’est-à-dire le moment venu. Le moment n’est, semble-t-il, pas encore venu et le pape encore moins. N’allez pas en déduire qu’on imagine un seul instant qu’Emmanuel Macron ne sera pas candidat. Il le sera afin de terminer le travail si bien commencé. En plus, réélu, sauf si les Français décidaient en juin de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier en ne réélisant pas une Assemblée aux ordres, ce sera open bar pour cinq ans et dans tous les domaines : sociétaux, sociaux, transfert des dernières bribes de souveraineté à Bruxelles, etc., and so on, und so weiter...

Non, il sera candidat et, pour l’instant, il profite au maximum de son supposé statut de « maître des horloges ». En clair et en moins lyrique, il joue la montre. Faire campagne aux frais de la princesse, c’est quand même bien pratique. On s’est moqué de Valérie Pécresse nous annonçant en chuchotant qu’elle partait pour le Doubs en voiture et pas en Falcon, mais il faut reconnaître que sur le fond, elle avait raison. Du reste, ce mardi matin, sur l’antenne d’Europe 1, Éric Ciotti a invité la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) à se « saisir du problème ».

Faire campagne à bon compte, retarder le moment venu, tenter de s’imposer comme le candidat naturel de l’ordre et éviter le débat avec ses adversaires ? Pour l'instant, « ça passe crème ». Le sénateur Stéphane Ravier a beau jeu d'ironiser, dans un tweet, sur cette situation qui commence à lasser : « Son Altesse Sérénissime Emmanuel Ier ne veut pas se rabaisser à débattre ? Peut-être trouve-t-il que l'élection n'est pas de son niveau et va-t-il demander au Conseil constitutionnel de le nommer Président à vie afin d'en finir avec cette formalité ? »

La présidence du Conseil de l’Union européenne est, du reste, pour Macron, une magnifique chance, même si cela peut être un outil à double tranchant, comme notre ami Marc Baudriller le soulignait, la semaine dernière. La crise ukrainienne peut d’ailleurs être une belle occasion, pour Macron, de rafistoler sa statue régalienne : incapable de réinstaller la République sur ses « territoires perdus », il est prêt à envoyer des troupes en Roumanie pour protéger ses frontières face à la menace russe. La frontière, qui est vilaine lorsqu’il s’agit d’interdire aux migrants de pénétrer sur le territoire européen - « Seize pays demandent à Bruxelles de financer des clôtures aux frontières de l’UE… Macron refuse ! » souligne, dans un tweet, Nicolas Bay, député RN au Parlement européen -, retrouve là toutes ses vertus…

En temps voulu, donc. En 1965, le général de Gaulle avait annoncé sa candidature pour un deuxième mandat le 4 novembre, soit juste un mois avant le premier tour. Refusant de faire campagne, se pensant au-dessus de tout cela, il laissa le terrain à ses adversaires, principalement Mitterrand, et se retrouva, contre toute attente, en ballottage au soir du premier tour. En 1981, Valéry Giscard d’Estaing se déclara le 2 mars, un peu plus de cinquante jours avant le premier tour. Quelques extraits de son allocution (on ne sait jamais, cela peut servir…) : « Je vous rendrai le pouvoir que vous m’avez confié en mai 1974 […] Je ne ferai appel ni à la haine, ni à la véhémence […] Je rendrai compte de mon mandat. […] Je montrerai comment j'ai respecté les engagements pris en 1974. Je vous dirai les motifs et les circonstances de toutes les décisions importantes de mon septennat… »

En 1988, c’est le 8 février que François Mitterrand annonçait qu’il était prêt à rempiler. C’était au 20 Heures d'Antenne 2. Le journaliste Henri Sannier : « Monsieur le Président, êtes-vous à nouveau candidat à la présidence de la République ? » Réponse de François Mitterrand : « Oui. » On ne pouvait faire plus concis. La suite, après, n’avait plus grand intérêt. En 2002, Jacques Chirac joua aussi la surprise. C’était le 11 février, à Avignon : « Alors, chère Marie-Josée Roig [maire RPR de la cité des papes qu'un certain Christophe Castaner n'avait pas pu empêcher, en 1995, malgré quelques vilenies, de prendre la mairie aux socialistes...], vous m’avez posé une question directe et franche. Eh bien, j’y répondrai dans le même esprit : Oui, je suis candidat. Et j’ai voulu le dire au milieu des Français, avec vous. »

En 2022, on compte sur l’imagination débordante d’Emmanuel Macron pour nous surprendre et nous dire « Voici venu le temps... des rires et des chants... c'est le pays joyeux... »

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/01/2022 à 14:07.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

62 commentaires

  1. J’imagine JUPITER, revêtant le costume de CASIMIR pour nous annoncer qu’il rempile pour le plus grand bonheur des Français et pour achever, en quelques semaines, la construction des États-Unis d’Europe qui le désigneront (naturellement et sans contrainte) Président à vie de ce nouveau « machin ».

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