Emmanuel Macron chez les Grecs : entre coup de com’ et instrumentalisation de l’Histoire
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Jupiter chez lui. En deux jours, Emmanuel Macron a multiplié les opérations de communication à destination des Grecs et, bien sûr, de nous-mêmes. Georges Michel a bien vu l'instrumentalisation que le Président sortant ne manquera pas de faire de sa présidence de l'Union européenne, début 2022, pour assurer sa réélection. Mais cela a, de fait, déjà commencé. À l'occasion du bicentenaire de l'indépendance grecque, le 25 mars, Emmanuel Macron, qui n'a pu assister au défilé militaire organisé à Athènes en raison du Covid-19, s'est adressé au peuple grec à deux reprises.
D'abord dans une interview réalisée à l'Élysée pour la télévision grecque avec Nikos Aliagas, le présentateur vedette franco-grec. Symbole puissant. Tout comme les évocations de la culture et de l'histoire grecques par notre Président. Et sa petite phrase en grec qui fait se pâmer la presse people (« l'adorable attention du Président »...). Tout était grec, donc, et il ne manquait plus que le verre d'ouzo sur la table basse et un petit sirtaki pour conclure. Une interview politique, aussi, dans laquelle Emmanuel Macron n'a pas manqué de s'ériger en protecteur de la fragile liberté grecque toujours menacée : « Je suis de ceux qui pensent très fermement qu'on doit à chaque instant être aux côtés des alliés européens quand ils sont attaqués dans leur souveraineté, quand ils sont menacés dans leur indépendance, le respect de leurs frontières. C'est ce que la France, d'ailleurs, a fait à l'été 2020 quand cela s'est passé. » Beau comme l'antique, mais certains ont ironisé sur cette amitié désintéressée. Ainsi, cité par Marianne, un certain Nikiforos Petros Rallios, étudiant à l'université de Crète : « Des amitiés payantes : oui Emmanuel, il y a le lien des avions, des frégates... Tant de milliards que tu vas de nouveau gagner sur le dos de la pauvre Grèce », en allusion aux 18 Rafale (dont 12 d'occasion) que la France vient de vendre à la Grèce... et aux négociations sur un prochain achat de frégates militaires.
Il n'empêche : Emmanuel Macron a continué à jouer sur cette corde dans l'allocution de plus de quatre minutes, sous-titrée en grec, qu'il a aussi diffusée le 25 mars. Une évocation brillante de la guerre d'indépendance et de son importance dans les consciences européennes : Byron, Hugo, ils étaient tous là. Sans rien masquer de la dureté de cette guerre, la vision d'Emmanuel Macron déformait passablement la signification du conflit. D'abord par omission : rien sur l'ennemi. Cela semble, d'ailleurs, une constante de l'époque : nous menons des guerres sans nommer l'ennemi (hormis le virus, bien sûr). Mais contre qui se sont donc battus les Grecs ? Qui les asservissait ? Les torturait ? Un peu de Victor Hugo dans le texte, Monsieur le Président, s'il vous plaît : « Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. » Victor Hugo épique, mais véridique. Et, pour être cohérent - ou diplomate -, rien non plus sur le danger qui menace actuellement la Grèce. Ensuite, Emmanuel Macron a relié l'indépendance grecque à la construction européenne (bicentenaire de l'indépendance, quarante ans de l'adhésion à la CEE) : cela peut se défendre, tant l'idée hugolienne des États-Unis d'Europe et celle du printemps des peuples étaient liées chez les intellectuels du XIXe siècle. Mais de là à terminer son allocution sur les dangers du réveil des nationalismes : c'était tout de même un peu incohérent pour fêter ce qui était bien une guerre nationaliste contre l'Empire ottoman.
Il paraît que l'opération visait à séduire la droite grecque et le Premier ministre pour tenter de les intégrer au nouveau groupe LREM au Parlement européen : Renew Europe. Sans nul doute, la séduction aura été bien au-delà et il nous faut redire qu'il n'est jamais désagréable, pour nous aussi, d'entendre un président de la République qui connaît ses classiques, son Histoire et sait y inscrire son action, même si on ne souscrit pas à sa vision.
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