Emmanuel Macron et la politique du pire

diable

Bien évidemment, les Français aspirent à l’ordre. Emmanuel Macron et le gouvernement l’ont bien compris. Depuis qu’il a lâché douze milliards et - le petit plus commercial offert par la maison - le grand débat national, le président de la République estime que la récréation est terminée et que les manifestations sabbatiques n’ont plus lieu d’être.

Que ces manifestations se soient radicalisées au fur et à mesure que le nombre de manifestants se réduisait a donné un argument imparable pour le pouvoir : ce n’est pas à une poignée de manifestants de s’autoproclamer « le peuple ». Surtout quand ce « peuple » montre le visage de la haine écharpé d’un keffieh. Mais faut-il, pour autant, que le Président se permette de tenir des propos dont l’approximation juridique peut, certes, se comprendre d’un Christophe Castaner, mais pas du premier magistrat de ce pays ? En effet, mardi, s’adressant à une cinquantaine d’élus du Grand Est, Emmanuel Macron a déclaré : "Lorsqu’on va, le samedi, dans des manifestations violentes, on est complice du pire." Le Président aurait dénoncé les participants à une manifestation non déclarée en préfecture, puisque telle est la règle dans notre pays, cela aurait eu sens. Mais par ces propos approximatifs, il va bien plus loin, sans doute trop loin, partant ainsi du principe que l’on aurait donc des manifestations réputées violentes a priori. Il conforte, légitime ainsi la ligne Castaner qui n’hésitait pas à déclarer, le 19 janvier dernier : "Ceux qui viennent manifester dans des villes où de la casse est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là." "Ineptie juridique", avait tweeté l’avocat Marine Le Pen ! À cette absurdité, l’on pourrait alors répondre par une autre absurdité en soulignant le fait que si le pouvoir sait que ces manifestations seront violentes, pourquoi ne fait-il pas tout pour empêcher qu’elles aient lieu ! À se demander si nous ne sommes pas dans un royaume qui réunirait désormais les couronnes des rois Ubu et Pétaud. Au fond, on l’aura compris, Emmanuel Macron veut que ces manifestations cessent et, en même temps, il sait très bien que leur banalisation hebdomadaire le sert. C'est bien le diable, en effet, si notamment les retraités, qui votent en moyenne plus que les actifs et aspirent par définition à l'ordre, n'auront pas oublié que Macron les a spoliés et n'iront pas mettre leur bulletin tout comme il faut dans l'urne le 26 mai. Une manif bien violente, le samedi 25 mai, même si elle ne comptait qu'une centaine de clampins, ne serait d'ailleurs que du bonheur électoral...

L’on pourrait, maintenant, disserter sur cette expression "complice du pire". Mélange détonant et étonnant de juridique et de sensationnalisme. Complice ? Cela veut dire complicité, donc responsabilité pénale, donc poursuites judiciaires. À voir... Et le pire ? Qu’est-ce que le pire ? Ce qu’il y a de plus mauvais. Le symétrique du meilleur - suivez mon regard. Au lendemain des annonces du président de la République, le 11 décembre 2018, le député LR Éric Ciotti déclarait qu’Emmanuel Macron était "le pire président de la Ve République". Marine Le Pen, en avril 2018, estimait, elle, qu’"Emmanuel Macron, c’est le pire de la droite et le pire de la gauche". L’on pourrait leur rétorquer, selon l’adage populaire, que le pire n’est jamais certain ! Mais "le pire", pour Emmanuel Macron, c’est en fait le mal. Quand, le 22 juin 2018, visant Salvini, le chef de l’État déclarait "... et des amis voisins, ils disent le pire et nous nous y habituons", il employait cette même rhétorique approximative qui permet de rejeter, après anathème, l’adversaire, pardon, tant qu’à faire, l’ennemi, dans le camp du mal.

"Il n’y a de pire injustice que de traiter également des choses inégales", disait Aristote. Pour les personnes, il en est sans doute de même. Et mettre dans le même sac, ou panier à salade, tous les manifestants en en faisant des "complices du pire" est peut-être aussi une de ces pires injustices.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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