Pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas prononcé le mot «catholique» ?

Les commentateurs ont été unanimes, jusque sur Boulevard Voltaire, à reconnaître la tenue, la justesse et la force du discours d'Emmanuel Macron en hommage au colonel Beltrame, mercredi, aux Invalides.

L'une des raisons de cette unanimité tient au fait qu'enfin, le président de la République a nommé les faits, dit la vérité sur le Bien et le Mal : "l'agression islamiste", "l'hydre islamiste", "l'islamisme souterrain" d'un côté, le geste d'un "héros français" de l'autre, digne de Jeanne d'Arc et des chevaliers. Il a aussi mis les points sur les i en confirmant que Mireille Knoll avait été assassinée "parce qu’elle était juive".

Mais l'objectivité impose, une fois l'émotion passée et le discours salué, d'émettre deux critiques.

D'abord, si un tel « enfin ! » de soulagement a été poussé de la part des commentateurs en entendant ce discours de vérité qui osait nommer les choses et les apprécier à leur juste valeur, c'est que cette opération-vérité dans les mots arrive justement bien tard. Faut-il rappeler la chronologie des assassinats et des discours, des dénis, des euphémismes depuis Merah en 2012 ? Six ans de retard, c'est quand même beaucoup... six ans à entendre parler de « terrorisme »... Et le plus grave, pour M. Macron, c'est qu'il n'est pas exempt de toute critique dans ce « retard ». L'historien qui comparera son discours de juin 2017 à Oradour-sur-Glane à celui de mars 2018 pourra voir de façon éclatante que le jeune Président élu au printemps 2017, malgré tous les attentats islamistes des cinq dernières années, n'avait pas osé nommer la barbarie islamiste.

Ensuite, si le mot « islamiste » faisait enfin son apparition dans le discours officiel, trois fois répété comme pour conjurer les coupables oublis des discours antérieurs, on ne peut que déplorer l'absence d'un autre mot, tout simple, tout vrai pour désigner le geste, le parcours, la foi, les valeurs du colonel Beltrame : « chrétien », et même « catholique ».

Pourquoi, à un moment où l'Histoire le poussait à nommer enfin la barbarie qui nous frappe, le Président n'a-t-il pas pu avancer jusque-là pour rendre à cet acte héroïque ses origines, sa « couleur », sa matrice spirituelles ?

Certains, et notamment des catholiques comme Jean-Pierre Denis, de La Vie, toujours avides d'un enfouissement supplémentaire, se réjouissent de ce silence. On ne peut, au contraire, que le déplorer.

D'abord au nom de la vérité. Si un catholique extrémiste se rendait coupable d'horreurs, il faudrait nous dire que c'est un catholique extrémiste, et on n'hésiterait certainement pas à le dire. Si un athée socialiste commettait un acte héroïque, il faudrait nous le dire, et on nous le dirait aussi. Un héros catholique, représentant l'une des plus anciennes traditions spirituelles de notre pays, a droit, lui aussi, autant que les autres, à cette reconnaissance. Et ce n'est pas faire injure aux autres traditions du pays.

Mais cet « oubli » est aussi gênant au niveau de la pédagogie à l'égard de la jeunesse (point central du discours présidentiel qui culmina dans son apostrophe aux jeunes ("L'absolu, il est là !") et de l'organisation de la « résistance », puisque le Président a désormais inscrit son action dans cette ligne.

En effet, ne pas replacer, dès ce discours d'hommage qui avait quelque chose de « fondateur », le geste et la figure du colonel Beltrame dans leur élément catholique, c'est se priver d'une source, d'un ressort indispensables dans la nécessaire reconquête culturelle de la jeunesse travaillée depuis des années par le "relativisme" et l'islamisme, comme l'a reconnu le Président. Surtout au moment où tout le monde voit bien que, face à l'islamisme, les « digues » Charlie, laïcité et « vivre ensemble » n'étaient même pas des lignes Maginot.

Le Président avait la jeunesse, la culture et le crédit pour le faire, pour oser cette transgression – vers la vérité et la résistance. L'occasion aussi était unique. Il ne l'a pas saisie.

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