Emmanuel Macron plus populaire qu’avant les gilets jaunes ! Merci qui ?

Deux phénomènes, ces jours-ci : les gilets jaunes se "cégétisent" et l'opinion se remacronise. François Teutsch a finement analysé la récupération du mouvement par la CGT, son dévoiement et les limites de l'entreprise. Mais ce n'est pas la finesse qui caractérisait l'exultation extatique de Christophe Barbier, mercredi matin, sur RMC, commentant la nouvelle remontée d'Emmanuel Macron dans un sondage IFOP-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio : +6 points, après un +5 en janvier, soit une popularité supérieure (34 %) à celle qu'il avait en octobre, avant le début du mouvement des gilets jaunes ! Trop fort, notre Président !

Tous les commentateurs le disent : Emmanuel Macron n'est jamais aussi fort que quand il est en campagne. À bien y regarder, il est en cela le fidèle héritier d'un Mitterrand pendant la cohabitation ou d'un Chirac dont tout le monde s'accordait à reconnaître qu'il n'était jamais aussi bon que dans la conquête. Pas dans l'après. C'est peut-être l'une des lois incontournables imposées par le quinquennat et par l'époque.

L'objectif, pour Emmanuel Macron ? Retourner totalement la situation à son profit, effacer une élection qui s'annonçait difficile par un référendum qui brouillera les cartes et lui permettra – quelle revanche ! - de faire passer une réforme institutionnelle que l'affaire Benalla avait enterrée. L'opération semble en bonne voie.

Toujours selon ce sondage, Emmanuel Macron a retrouvé sa base électorale : les professions libérales et les classes supérieures (+17 points), les personnes âgées (+16) et la droite centriste (+12 chez les électeurs LR). Comment en irait-il autrement avec sa stratégie de l'ordre qui a abouti au vote d'une loi anti-casseurs ? La bourgeoisie âgée ne demandait rien d'autre. L'autre raison de cette remontée qui fait se pâmer les éditorialistes, c'est l'incapacité de l'opposition à saisir et exploiter la situation. La CGT a donné aux gilets jaunes le baiser qui tue et pousse davantage encore l'électorat de droite à se serrer derrière Emmanuel Macron. Mais l'exemple de LR est aussi stupéfiant : le gilet jaune allait très mal à Laurent Wauquiez, il s'en est vite débarrassé. Quant à François-Xavier Bellamy , il ne pourra que regarder courir son petit électorat bourgeois directement vers La République en marche en mai prochain, tout comme cela lui est déjà arrivé en juin 2017. Seul le Rassemblement national n'est pas atteint par la remontée du Président. Marine Le Pen est toujours là, bien utile. Mai 2019 peut être un parfait remake de 2017.

Mais - car il y a un mais, et même plusieurs...

D'abord, la situation économique et financière qui se dégrade. La prévision de croissance a été révisée en nette baisse, ce qui impactera fortement les comptes publics, déjà plombés par les mesures « gilets jaunes ».

Ensuite, il y a le feuilleton de l'affaire Benalla. Tout est fait pour que nous nous en lassions. Mais les révélations successives, l'instrumentalisation de la Justice contre Mediapart par Matignon, révélée hier, montrent que l'affaire est bien une affaire d'État loin d'avoir révélé tous ses secrets. Et elle affecte la personnalité et la gouvernance même d'Emmanuel Macron.

Enfin, il y a les contradictions que l'affaire Benalla et la répression des gilets jaunes n'ont fait que souligner : d'un côté la mise au pas, le contrôle, la répression de toutes les dissidences ; de l'autre, une mansuétude insupportable pour des casseurs, des djihadistes emprisonnés à l'étranger. Il y a un an, Emmanuel Macron lançait sa loi contre les "infox", et il inaugure cette année par une loi donnant le pouvoir, aux préfets, d'interdire à qui ils voudront de manifester. Et pour l'an III, ce sera quoi ?

Or, toutes les raisons qui ont poussé les gilets jaunes à cette révolte historique ne peuvent que s'exacerber de ces trois facteurs.

Quant à l'électorat âgé et aisé qui semble, aujourd'hui, revenir vers Emmanuel Macron, il peut aussi, à la moindre alerte (financière ou autre) se détacher de lui aussi rapidement. Notre Président a une popularité qui fait du yo-yo. Ces électeurs se lasseront peut-être d'en faire avec lui au gré de ses « coups ». Et de ses échecs.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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