Emmanuel Macron : pour l’instant, l’artiste a perdu la main

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Le nouveau monde est en retard et l'ancien ne désarme pas.

De quelque côté qu'on les appréhende, ces derniers mois montrent que la machine présidentielle se grippe et que l'efficacité gouvernementale bat de l'aile. D'un coup, la magie est retombée. Ainsi, ce quinquennat a une tonalité ordinaire !

On sent bien que, pour ce quinquennat déjà bien entamé, les causes de cette banalisation sont multiples. Il ne faudrait pas négliger, pour leur élucidation, l'objective dureté de l'environnement, le tempérament rétif des Français qui souhaitent en effet la réforme mais pour le voisin et, plus généralement, le fait qu'un pouvoir n'arrive jamais en terrain conquis mais que, peu à peu, le réel reprend le dessus et qu'il lui arrive de faire mal.

Mais à côté de cela qui n'est pas rien, d'autres raisons révèlent que, pour l'instant, l'artiste a perdu la main.

Faut-il rappeler la multitude des épisodes troublants, de Benalla à Besson, de Nyssen à Pénicaud, d'Emelien à Kohler, qui projettent une lueur délétère, qu'elle ait ou non une issue judiciaire, sur un mandat qu'on aurait rêvé de voir à l'abri, intouchable ?

En Europe, la voix d'Emmanuel Macron est toujours aussi forte mais est de moins en moins entendue. Le couple franco-allemand perd de son influence et la volonté d'en découdre avec le front Orbán-Salvini est maladroite de la part du Président, car en dénonçant les nationalismes, notre Président renforce leur discours déjà probablement majoritaire. Il détourne aussi de l'esprit européen authentique qui ne devrait pas être le refus des États et des patriotismes mais leur éventuel dépassement quand ils sont à court de solutions purement nationales. Une Europe avec les peuples plus que contre eux.

Sa démarche toute d'empathie et d'intelligence avec Donald Trump - le caresser dans le sens d'une rationalité espérée - a montré ses limites car le président des États-Unis est non seulement un goujat - son absence à l'enterrement de McCain pour jouer ostensiblement au golf est d'une indécence absolue - mais, surtout, une personnalité totalement imprévisible qui obtient de grands succès sur le plan intérieur mais dérègle à loisir l'international. Son unique système est de dire non quand le oui est dominant, oui quand le non serait bienvenu.

Pour la France, je ne sais pas si le Président et son gouvernement ont "tué" le pouvoir d'achat mais il est clair, en tout cas, que c'est prendre les retraités pour des imbéciles que de tenter de leur démontrer qu'ils gagnent à perdre de l'argent !

Dans un autre domaine, comme on est loin de l'ambition d'une politique pénale soucieuse des moyens et consciente de l'obligation de susciter, par sa vigueur, sa cohérence, son humanisme non niais, enfin la confiance des citoyens ! Comme on est éloigné, aussi, de ce triptyque capital qui, dans la République, devrait réunir le pouvoir politique, la police et la Justice pour la réussite des deux dernières dans leur combat contre la délinquance et la criminalité, avec une solidarité malheureusement jamais acquise !

Le vaudeville lié au prélèvement des impôts à la source est éclatant, pour la démonstration d'une organisation qui prend l'eau, même pour des citoyens eux-mêmes peu familiers avec ces mécanismes.

La démission courageuse et responsable de Nicolas Hulot, dans un univers qui a oublié que l'important n'était pas d'être ministre mais d'accomplir, manifeste pour le moins que son bilan n'était pas jugé bon par celui qui était le mieux placé pour l'apprécier et l'évaluer, même si une ironie gouvernementale l'a prétendu tel .

La culture est plombée par de maigres avancées et par un ministre qui a perdu tout crédit. Il ne suffit pas de régulariser le transgressif mais de se dispenser de celui-ci.

Le remaniement qui sera annoncé le 4 septembre remplacera Nicolas Hulot, c'est sûr. Je parie pour Sébastien Lecornu, mais j'ai un doute : il semble fait pour ce poste.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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