« Emmanuel Macron pourrait faire un troisième mandat »

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Alors que la rumeur enfle après les propos de Richard Ferrand, Frédéric Rouvillois, essayiste, professeur de droit constitutionnel et auteur de nombreux ouvrages spécialisés, décrypte les rouages de la Constitution : si elle était révisée, elle pourrait permettre au Président de se représenter aux présidentielles.

Marc Eynaud. Dans une interview au Figaro, l'ancien président de l'Assemblée nationale et proche d'Emmanuel Macron Richard Ferrand appelle à plus de souplesse dans l'interprétation de la Constitution. Ses propos ouvrent un débat sur un éventuel troisième mandat d'Emmanuel Macron. Cela serait-il possible ?

Frédéric Rouvillois. La règle des deux mandats est relativement récente, dans la Ve République. Elle pourrait changer. En effet, initialement, il n’y avait pas de limitation de cet ordre. En 2008, lors de la dernière grande révision constitutionnelle, cette règle a été modifiée, interdisant à un chef de l’État de faire plus de deux mandats consécutifs. Emmanuel Macron pourrait faire éventuellement un troisième mandat, en laissant passer son tour une fois. Il s’agit d’une règle constitutionnelle, la plus élevée dans la hiérarchie des normes juridiques, mais elle pourrait être modifiée. Pour cela, il faudrait réviser la Constitution et, donc, avoir avec soi la majorité des deux assemblées : l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ensuite, il faudrait passer par un référendum ou par l’approbation du Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Or, dans toutes ces hypothèses, Emmanuel Macron est complètement bloqué : on ne voit pas comment il pourrait avoir une majorité à l’Assemblée ou au Sénat pour faire voter une telle révision. Il n’aura pas les trois cinquièmes des voix au Congrès. Et s'il essayait de passer par un référendum constituant, ce serait encore pire, les Français ne lui feraient pas de cadeau. Sur ce plan-là, je serais étonné qu’il ait plus de 25 % de voix favorables. Étant donné le rapport de force, ce débat n’est pas actuel.

M. E. Mais si le débat était malgré tout ouvert, ne risquerait-il pas d’échapper à la majorité ?

F. R. C’est une espèce de boîte de Pandore, et on ne sait pas très bien ce qu'il pourrait en sortir. Cela dit, le président de la République et le gouvernement domineraient la procédure et pourraient y mettre fin à tout moment. C’est ce qu’a fait Georges Pompidou, au début des années 70, lorsqu’on songeait à réduire la durée du mandat présidentiel. Il s’est aperçu que cela allait être compliqué et que cela ouvrirait sur d’autres choses. Il a décidé d’arrêter les frais. Il y a donc la possibilité, pour le chef de l’État, de refermer la boîte de Pandore en question à tout moment.

M. E. À quoi attribuez-vous la réflexion de l’entourage d'Emmanuel Macron à ce sujet ?

F. R. Tout d’abord, on ne sait pas très bien ce qu’en pense le principal intéressé. Au fond, il a des vues sur son propre avenir qui ne se limitent pas à la France. J'ai l'impression que ce dont il rêve, c'est d’être le leader, le président d’une Europe quasi fédérale, une sorte de Washington de l’Union européenne. Ses deux mandats ont été compliqués et hachés par des crises successives, je ne sais pas s’il a envie d’y revenir. En revanche, les membres de son entourage, comme Richard Ferrand, ont tout intérêt à ce que celui à qui ils doivent leur notoriété, les palais de la République, etc., reste en place. Ils ne savent pas ce qui pourrait advenir après. Si une dame, plutôt classée à droite, devient présidente de la République, le sort de Richard Ferrand sera moins rutilant qu’il ne l’est actuellement. En toute hypothèse, ce sera, pour l'entourage d'Emmanuel Macron, moins bien, moins confortable, moins facile. C’est, je le crois, la raison de leur positionnement.

Entretien ce 19 juin : Marc Eynaud

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Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

36 commentaires

  1. Tout doucement, mais fermement la dictature macronienne se met en place. Déjà que toute liberté individuelle a disparu. Je pense que la prochaine étape sera le sacre de l’empereur.

  2. Hé oui, ce cher Richard Ferrand a un vieux contentieux judiciaire à propos d’un certain immeuble siège des Mutuelles de Bretagne, dossier qui pourrait passer sur le haut de la pile dans l’après-Macron. Cela vaut bien la peine de modifier la Constitution, non ?

  3. Le rêve de Macron est de devenir le Président de l’Europe. S’il a une chance de succéder à Von der Leyen, il lâchera la France. Mais s’il juge qu’il lui faudrait un troisième mandat pour inféoder un peu plus la France à l’Europe et se mettre dans la poche ceux qui en désignent le « patron », il tordra la main à la constitution pour y arriver. La grenouille se croira alors aussi grosse que les boeufs Biden, Poutine ou Xi Jinping… À moins qu’elle éclat avant…

  4. Quand un Gouvernement fait le job on est peiné de le voir cesser. Depuis 1980 ce n’est plus le cas jamais .

  5. « Si une dame, plutôt classée à droite, devient présidente de la République » : Mme Marine Le Pen est devenue tellement « paria » que ce « merveilleux » constitutionnaliste qu’est M. Frédéric Rouvillois, n’arrive pas à prononcer son nom. Il existe bien une redoutable épidémie de peste brune « bleu blanc rouge » dans la macronie. Cela dit, que M. Macron songe à se présenter à un troisième mandat de président de la République, il y a longtemps que cette « idée » circule. Soit, après avoir mis la France tellement à sac, il pourrait se représenter en 2032 devant l’impuissance de son successeur de 2027 à remettre rapidement la France à flot en se présentant comme le recours idoine, soit il démissionne dans les mois prochains en confiant les clés de la maison – à titre très provisoire – à un fidèle parmi les fidèles pour se représenter en 2024/2025. Il choisira l’option à ses yeux la plus favorable pour lui à ses yeux, lorsqu’il aura fini de faire toute cette gesticulation sur la réindustrialisation de la France médiatiquement présentée comme une réussite, la mise en place d’une armée UE, la réconciliation avec l’Italie, les difficultés supposées de lutter contre l’immigration incontrôlée, la neutralisation de la Russie dans son conflit avec l’Ukraine, etc. Tout ce cinéma, c’est pour ça et rien d’autre : la manipulation des électeurs français.

  6. Tous les macronistes doivent avoir peur de l’après Macron. Je reste quand même persuadé que les français sont capables de re-voter une troisième fois pour cet individu qui a mis la France à genoux.

  7. Cella ressemble à un scénario de film d’horreur. La peste le choléra…Macron. On a vraiment dû faire quelque chose de très mal dans une autre vie pour que le tout-puissant nous envoie de telles calamités !

  8. Merci Marc Eynaud. On est vraiment dans le n’importe quoi, donnons au peuple le droit de s’exprimer par référendum puisqu’on peut faire ce qu’on veut en matière « d’interprétation » de la constitution. Sinon armons le peuple!

  9. On n’ en veut plus mais le projet serpente dans les tuyaux et la menace se profile .Au secours …

  10. Dans l’hypothèse peu probable d’une modification pour le motif personnel d’un 3eme mandat . la portée de cette modifcation ne devrait pas être rétroactive . La règle pour Mr Macron devrait donc être celle en vigueur au moment de son élection en 2022.

  11. Heureusement que nous avons un personnel politique qui s’intéresse aux véritables problèmes de la France.
    La dette, le déficit commercial, notre système de santé, etc. Tout cela n’est rien au regard de l’avenir de Richard Ferrand…

  12. Avec toutes les casseroles attachées aux basques des fidèles de Macron, on comprend mieux leur souhait qu’il les protégea le plus longtemps possible.

    • Il commence à ne plus y avoir de places sous le tapis…Sauve qui peut! Les rats ne vont pas encore quitter le navire. Ils s’y accrochent…

  13. Macron, deux mandats, c’est deux mandats de trop. Alors trois… vous imaginez les dégâts ! Il méprise la France et les Français — qui le lui rendent bien —, c’est tellement trop riquiqui pour lui. Ce qu’il veut, c’est pouvoir dire « je suis le Maître du Monde ». SuperMacron, il vise l’Europe, parce que ça, c’est géant.

  14. Pitié on en veut plus . Y a t’il encore des français qui voteraient pour lui , je n’oses y croire …..

    • Allez, faites preuve d’audace : l’extrême droite engendrerait un tel chaos et l’extrême gauche une dictature que seul Macron (ou un clone) pourrait sauver la France.
      On en est là et tout sera fait pour en convaincre une majorité

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