Emmanuel Macron reçoit Giorgia Meloni à l’Élysée : un dégel durable ?

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Mardi, Emmanuel Macron a reçu Giorgia Meloni à l’Élysée. Il aura fallu trois jours de tractations - pas toutes abouties, selon Libero quotidiano, le dîner officiel entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron a sauté en raison de désaccords – pour que les deux dirigeants les plus antithétiques de l’Union européenne se rencontrent officiellement à Paris.

Certes, ils s’étaient déjà vus en marge de déplacements officiels à l’étranger, mais l’affaire de l’Ocean Viking et les provocations de Gérald Darmanin en novembre et en mai derniers à l’encontre de la dirigeante italienne dont, sans vergogne aucune, il fustigea l’inefficacité en termes de politique migratoire, avaient singulièrement refroidi l’ambiance entre les deux pays. À tel point qu’Antonio Tajani, ministre des Affaires étrangères italien et réputé fort modéré, avait annulé avec fracas sa visite à Paris. Et ce n’est pas le long message adressé par Emmanuel Macron à… Mario Draghi – son jumeau européiste - lors de l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni à l’automne dernier qui augurait de relations sereines entre les deux pays.

C’est aujourd’hui la candidature de Rome pour l’Expo 2030 qui a servi de prétexte à la venue en personne de Giorgia Meloni, accompagnée du maire de Rome, Roberto Gualtieri (gauche), et du président de la région Latium, Francesco Rocca (droite). Emmanuel Macron, quant à lui, soutient la candidature de Riyad, il vient d’ailleurs de recevoir Mohammed ben Salmane à l’Élysée. Cette rencontre intervient donc après de multiples tensions entre la France et l’Italie

L’urgence est migratoire, dossier explosif et emblématique des différences profondes entre les deux gouvernements : faiblesse voire paralysie politique côté français, traduite dans les faits par une insécurité galopante et pluri-quotidienne, et tentative de construire une politique de restrictions des flux côté italien, par de multiples rencontres de Giorgia Meloni avec les dirigeants libyens et nord-africains et par un tour de vis sur les libertés prises par les ONG. C’est loin d’être suffisant, mais c’est un commencement. Ce dossier sera abordé lors de cet échange.

Conférence de presse conjointe à l’Élysée

Emmanuel Macron a évoqué, mardi soir, « ce rapport si unique qui existe entre l’Italie et la France » car, dit-il, « cette amitié m'importe en premier lieu et permet de faire vivre les controverses mais toujours dans un cadre respectueux ».

Giorgia Meloni, quant à elle, lors d’une allocution plutôt lisse, en tout cas très diplomatique, affirme vouloir « faire progresser notre dialogue commun au profit de nos intérêts respectifs et au profit de l’Union européenne ». Elle poursuit : « Nous avons une sensibilité commune sur de nombreux thèmes - la Méditerranée, la Tunisie, la Libye -, nous travaillons à des objectifs communs. » Sur l’Union européenne, Giorgia Meloni, tout en euphémismes, explique : « Nous allons devoir, dans les semaines qui viennent, prendre des décisions majeures sur l’avenir de l’Europe, les relations transatlantiques, sur la projection internationale de notre continent. Il est donc essentiel que Rome et Paris continuent à travailler au niveau bilatéral comme au niveau multilatéral, je pense à l’UE, à l’OTAN, au G7. »

Abordant l’urgence migratoire, et se tournant alors vers Emmanuel Macron, elle rappelle qu’« on ne peut pas gouverner les mouvements secondaires si, en amont, on ne travaille pas sur les mouvements primaires ». En clair, il ne sert à rien de mettre des compagnies de gendarmes pour refouler les migrants à Vintimille si on n’assure pas la défense des frontières extérieures de l’Europe, et donc des frontières italiennes. Pour cela, « le partenariat avec la Méditerranée devient essentiel […] Il faut trouver des alternatives qui nous permettent de favoriser une immigration légale et de détruire les réseaux de trafiquants, nous ne pouvons pas nous permettre de continuer cet esclavage du troisième millénaire, nous ne pouvons pas nous permettre que des personnes entrent chez nous grâce à des réseaux de criminels, voilà pourquoi nous devons coopérer pour aider les nations africaines à se développer, à vivre de leurs ressources […] et garantir le droit de ces personnes à ne pas quitter leurs terres… »

Inconditionnel soutien à l'Ukraine

Le soutien accordé à l’Ukraine – inconditionnel de part et d’autre des Alpes, véritable point de convergence, mais il est de taille, entre Meloni et Macron - a été martelé par la dirigeante italienne, qui s’en est enorgueillie : « Sans aucun doute l’Italie continuera de soutenir l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire […] et ainsi défendre un système où c’est la force du droit qui l’emporte et pas le droit du plus fort. »

Cet alignement sur l’Union européenne, l’OTAN et les États-Unis, les efforts financiers traduits en impôts que cela implique de la part notamment de l’Italie seront-ils encore longtemps approuvés par cette majorité qui a voté pour Giorgia Meloni ? S’il est vrai que l’atlantisme de la droite italienne est ancien, et s’il est connu que l’Italie est liée par les 180 milliards du plan de relance européen, il est aussi visible que la patronne de Fratelli d’Italia et présidente des Conservateurs et réformistes européens emprunte une voie bien étroite, quelques mois avant les élections européennes où elle entend bien jouer un rôle de premier plan.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Pour l’instant l’endiguement du flux migratoire en Italie n’est pas super-convaincant, on peut quand même le dire.

  2. Les macroniens sont des losers, des incapables, des clowns qui ont absolument tout raté depuis 6 ans.
    Ils se sont dépêché de faire un procès en compétence à Meloni au bout de moins de 6 mois de pouvoir…
    Mettez vous à la place de Meloni et demandez vous quelle opinion vous auriez de Macron et de la France (qui parait-il a voté majoritairement Macron, mais sans enquête on ne sera jamais sûrs).
    Elon Musk se moque éhontément de Macron lui aussi, avec une habileté que les membres de Renaissance ne peuvent même pas comprendre.
    Pourquoi est-ce que quelqu’un écouterait le « Mozart de la finance » qui a fait 700 milliards de dette, ou le président de l’Union européenne que Poutine attendait pour attaquer l’Ukraine?
    Quel bilan autre que ses très étranges élections, Macron pourrait il mettre en avant pour être respecté d’un chef d’état étranger?
    Pour rappel, l’Italie possède environ 30% de la colossale dette française.
    Macron n’a rien à dire, il doit simplement écouter son maître.

  3. Le plan général est de discrètement confirmer ce que Darmanin a eu le culot de dire de front, que Meloni est infichue d’appliquer la politique antimigratoire pour laquelle elle a été élue. On la reçoit donc volontiers partout en UE, pour mieux la neutraliser. Macron ne cherche qu’à la duper; le sait-elle?

  4. A choisir, la France irai bien mieux si l’on avait la première ministre Italienne au commande plutôt que les amateurs validé par M Macron.

  5. Il me semble que ce sont les pays les plus corrompus qui soutiennent le plus l’Ukraine…Les paradis fiscaux ont encore de beaux jours devant eux. Soyez généreux. Envoyer des milliards à l’Ukraine sans jamais lui demander des comptes sur leur utilisation…

  6. « L’urgence est migratoire, dossier explosif et emblématique des différences profondes entre les deux gouvernements : faiblesse voire paralysie politique côté français ». Ni faiblesse ni paralysie, mais complicité active.

  7. Pourquoi nous rebattre les oreilles, ici, en France, avec « l’extrême droite » ? ( soit : ce qui est à droite de la Nupes ). Mme Méloni et MLP étaient mis par nombre de politiques et médias convenus , sur « le même pied « . Là, Mme Méloni est presque encencés ( même par M. Darmanin, à l’Assemblée_ pour se rattrapper… ). Tout va bien donc ?

  8. Et le nouveau « roi de la bière » fait des bisous et des câlins à Georgia Meloni pour laquelle il nous nourri des sentiments acerbe !
    Qu’elle est belle cette politique du mensonge et de l’habillage bien pensant pour « paraître ».
    Au fait nul ne nous dit si notre saigneur s’est excusé pour les propos fallacieux de son ministre de l’intérieur qui ne brille que par des phrases dictées par son idéologie…

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